Le Tao Dance Theater de retour au Théâtre de la Ville

La compagnie de danse contemporaine chinoise Tao Dance Theater revient pour la sixième fois au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt avec deux nouveaux opus, 13 et 14. Et continue de décliner une œuvre très uniforme.

Est-ce cela que l'on appelle un style ? En tout cas, il y a au Tao Dance Theater une marque de fabrique. L'une des rares compagnies chinoises de danse contemporaine régulièrement invitées en Europe (elle a décroché le Lion d'Argent à la Biennale de la danse de Venise l'an dernier) produit des ballets signés du chorégraphe Tao Ye (déjà vu récemment dans le même théâtre), toujours fondés sur des principes communs : pour ne pas déflorer un quelconque univers, on numérote les œuvres par ordre croissant et à chaque fois, le nombre de danseurs sur scène correspond au chiffre du ballet. Et ceux-ci évoluent avec une impassibilité commune, avançant groupés, dans une unisson parfaite. Commencé à « 2 » (avec un duo), la compagnie en est donc aujourd'hui à aligner treize et quatorze danseurs pour leurs créations du même chiffre : 13  et 14. On peut raisonnablement penser que cette inflation de danseurs sera à évolution lente mais certaine… Dans le même temps, les deux œuvres sont vraiment différentes.

13 relève davantage des œuvres précédentes de la compagnie avec une danse hypnotique tant elle se répète lentement. Les danseurs très groupés dès le lever du rideau, tels un essaim d'abeilles, tournent peu à peu sur eux-mêmes en faisant une lente rotation des pieds. Vêtus de pantalons larges et de gros manteaux aux formes variées et déclinés en gris, bleu, beige, marron, ils nous laissent une curieuse impression duale : soit nous sommes typiquement dans un défilé de mode chorégraphié, pour des maisons aux vêtements sobrissimes et amples comme on en a trouvé chez Comme des garçons, soit on se retrouve dans un curieux monde irréel et collectiviste, peut-être même concentrationnaire, où de malheureux humains aux mines patibulaires, se rapprochent pour se réchauffer. Mais d'âme humaine, il n'en est point, sauf à voir de soudains éclats d'individualisme lorsqu'un artiste saute dans les bras d'un autre, qui va le laisser tomber au sol et partir se réfugier dans un autre corps. Il n'y a pourtant pas d'émotions dans cette pièce qui recherche avant tout  la construction mécanique d'un groupe de corps en mouvement dans un espace donné.

On retrouve bien plus d'énergie positive dans 14, ballet inversement coloré, puisque chaque danseur (tous habillés par Duan Ni, la femme du chorégraphe) a revêtu une longue robe et une longue veste chinoise aux couleurs différentes pour chacun. Fini le gris de masse, voici un vêtement rose vif, un autre violet, bleu canard, jaune, vert, orange… Et tous, rigoureusement alignés, vont sauter, courir, frapper le sol au rythme d'un seul et unique métronome. Les poses relèvent parfois des arts martiaux, du taï-chi, de la méditation bouddhiste. Tous sont dans une rigoureuse unisson chorégraphique et donc parfaitement unisexe. Ce qui est d'ailleurs assez perturbant car on ne distingue plus ni les hommes ni les femmes, tant ils se ressemblent. Cette unisson virtuose est certes réjouissante, mais il n'en résulte aucun effet autre que visuel. Un effet un peu vain, très « mode » et finalement, assez vide.

Crédits photographiques : © SR : Duan Ni