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Paris. Mobilier national. Galerie des Gobelins. Exposition « Richard Peduzzi, Perspective. Mobilier, décors, dessins ». Commissaires : Hervé Lemoine, président du Mobilier national, Richard Peduzzi, Martine Kahane, conseillère artistique et scientifique. Scénographie : Richard Peduzzi, Antoine Peduzzi et Anissa Beriel (scénographe adjointe). Nome Studio Architectes. Du 16 octobre au 31 décembre 2024
Le Mobilier national présente jusqu'à la fin de l'année, l'exposition « Perspective » consacrée au décorateur et scénographe Richard Peduzzi. Une plongée dans l'univers du créateur.
Richard Peduzzi déteste les rétrospectives, s'estimant de toute façon trop jeune pour cela, dit-il avec coquetterie. Et effectivement cette exposition n'en est pas une. Scénographiée par l'artiste lui-même, qui en a designé bien d'autres, elle permet d'en appréhender le travail et le monde pluridisciplinaire à la fois sombre et coloré.
Peduzzi a investi l'espace et le volume de la spectaculaire Galerie des Gobelins, pour « habiter le vide » dit-il. C'est ainsi que la perspective de la galerie saisit d'entrée, dans une scénographie très théâtrale, avec son escalier monumental tout au fond. Sur les murs, de part et d'autre, de grandes cimaises bleues présentent des études (aquarelles, gouaches, dessins) réalisées pour ses décors de théâtre et d'opéra. Le centre de la galerie est quant à lui investi par plusieurs ilots, bleus également, exposant ses meubles. Lustres monumentaux, fauteuils luxueux, grande table, pouf de velours multicolore semblent sortir d'une mise en scène d'opéra. On imagine déjà des acteurs ou chanteurs y prendre place, leur « donner vie », dans un spectacle imaginaire.
Le long des murs le visiteur est guidé par les reflets des cadres sur le sol, en carrés de lumière à la façon des pas japonais. Richard Peduzzi était peintre à ses débuts. Il rencontre Patrice Chéreau en 1968 et signera par la suite toutes les scénographies des spectacles du metteur en scène. Leur collaboration durera jusqu'à la mort de Chéreau en 2013. Les études de décors témoignent de leur vision commune, illustrant sous le pinceau ou le crayon de Peduzzi des mises en scène devenues légendaires. Pour l'opéra : Le Ring à Bayreuth en 1976, Lulu en 1979 à Garnier, Wozzeck en 1992 au Châtelet, Don Giovanni en 1994 à Salzbourg, Elektra à Aix en 2013. Pour le théâtre: La Dispute au TNP de Villeurbanne en 1972 ou Quai Ouest au Théâtre des Amandiers en 1986… D'autres études pour Les Vêpres siciliennes à l'Opéra de Rome montrent son travail pour Valentina Carrasco (2019). Richard Peduzzi a mené aussi une longue et étroite collaboration avec Luc Bondy. C'est d'ailleurs en 1988, à l'occasion du Conte d'hiver de Shakespeare, qu'il débute sa carrière dans le design de mobilier en créant un fauteuil pour le personnage de la reine Hermione, on le retrouve pour Tosca (La Scala, 2011), Yvonne, princesse de Bourgogne (Opéra de Paris, 2009), Hercules (Aix, 2004). Au bout de la galerie, parmi les pièces de mobilier, le petit lit d'enfant doré provenant du décor du Tour d'écrou (Aix, 2001) côtoie des chaises suspendues, qui semblent s'envoler comme dans un conte, invitant à monter l'escalier pour la seconde partie de l'exposition.
A l'étage, dans une salle ronde toute en bois et plongée dans le noir, neuf maquettes de décors sont présentées dont celles pour De la maison des morts, du mur ciel de Tristan (car « le ciel est un grand peintre » dit Peduzzi), au centre, la maquette du décor de Don Carlos pour Bâle, et, dans l'une des niches le décor de Comme il vous plaira, avec son grand chêne en son milieu, jamais réalisé en raison du décès de Patrice Chéreau. A côté, la grande galerie lumineuse, cette fois dans une scénographie dominée par un grand cylindre rouge, propose de nouveau des études, des maquettes, un panneau entier de dessins et croquis réalisés sur un coin de table, dans un avion, des photographies (aménagements de la Villa Médicis, où Peduzzi dirige l'Académie de France de 2002 à 2008), des meubles colorés ainsi que des luminaires. Suspendus aux murs, de grands tapis reprenant les décors d'opéra (Wozzeck notamment avec ses cubes et maisons jaunes et rouges), à côté de ceux inspirés du thème du « mikado » décliné par Peduzzi dans nombre de ses créations, dont un somptueux paravent en marqueterie de paille (« Eveil du printemps »), un motif qui n'est pas sans rappeler les éléments architecturaux de certains de ses décors (Le Massacre à Paris au TNP en 1972). L'exposition rappelle aussi, photos à l'appui, que Richard Peduzzi a réalisé l'aménagement de la bibliothèque-musée de l'Opéra de Paris au Palais Garnier et récemment la salle bleue de la Scala Paris (2018).
Débutée en 1988 avec la création de son fameux rocking-chair d'un seul tenant (1992), d'apparence si simple, la collaboration de Michel Peduzzi et du Mobilier national s'est poursuivie avec différentes commandes passées par l'institution au designer. L'exposition illustre par ce mélange de meubles design, de dessins et peintures à quel point l'œuvre ne fait qu'une. Pour le visiteur c'est assurément la découverte d'un monde foisonnant et spectaculaire à l'image d'un créateur dont la carrière est indissociable de la scène. Une façon aussi de mettre en lumière les métiers d'art et les artisans de l'ombre sans qui tout cela ne serait pas.
Crédits photographiques : © Mobilier national
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Paris. Mobilier national. Galerie des Gobelins. Exposition « Richard Peduzzi, Perspective. Mobilier, décors, dessins ». Commissaires : Hervé Lemoine, président du Mobilier national, Richard Peduzzi, Martine Kahane, conseillère artistique et scientifique. Scénographie : Richard Peduzzi, Antoine Peduzzi et Anissa Beriel (scénographe adjointe). Nome Studio Architectes. Du 16 octobre au 31 décembre 2024