Riccardo Muti signe un saisissant Requiem de Verdi à la Philharmonie de Paris
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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 4-X-2024. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Requiem. Iwona Sobotka (soprano), Marie-Nicole Lemieux (contralto), Giovanni Sala (ténor), Maharram Huseynov (basse), Chœur de Radio France, Orchestre National de France, direction : Riccardo Muti
Depuis 1980, Riccardo Muti revient régulièrement diriger l'Orchestre national de France, belle preuve de fidélité de la part du maestro italien, qui a déjà donné deux fois le Requiem de Verdi, mais à la Basilique de Saint Denis.
Riccardo Muti qui a conduit les plus grandes phalanges internationales a toujours gardé une affection particulière pour l'Orchestre national de France qu'il revient régulièrement diriger. S'il a parfois surpris par des programmes qui trahissent son goût pour les œuvres peu fréquentées de Strauss ou de Scriabine, il n'est jamais aussi incontestable que lorsqu'il revient à son cœur de répertoire qui est aussi son répertoire de cœur où Verdi demeure incontournable, et son Requiem en particulier.
A quatre-vingt-trois ans, le grand chef porte toujours beau, droit comme un i, en frac comme les membres masculins de l'orchestre, et dirige debout le vaste chef d'œuvre. Voir diriger Riccardo Muti est un peu comme prendre une leçon d'orchestre : la battue de la main droite a la clarté de l'évidence et une lisibilité parfaite tandis que la main gauche suggère ou impose les nuances avec une expressivité saisissante. Et l'on imagine (puisque le chœur a pris place sur les gradins au dessus de l'orchestre, sans spectateurs face au chef) sans peine le regard du maestro auquel rien n'échappe en voyant comment l'orchestre a les yeux rivés sur lui.
L'introduction, Requiem et Kyrie, annonce déjà ce qui sera la tonalité de cette exécution : un chœur et un orchestre impeccables haussés à leur meilleur niveau, une direction inspirée et tenue d'une main de fer, mais un quatuor un peu inégal ; rares il est vrai sont, même au disque (et Muti a laissé quatre interprétations de l'œuvre), les réunions de quatre solistes vocaux du meilleur niveau. Ce soir, c'est avant tout vers Marie-Nicole Lemieux qu'on se tourne pour entendre les accents de prière du Requiem, ses implorations, son effroi devant le jour de colère. Souvent un peu trop proche de l'opéra, la soprano Iwona Sobotka (premier prix du concours Reine Elisabeth de 2004) remplaçant au pied levé Juliana Grigoryan initialement programmée mais souffrante, impressionne par son engagement. Les deux solistes masculins un peu pâles restent plutôt en retrait, le ténor Giovanni Sala parfois au bord de la fragilité, la basse Maharram Huseynov à la voix assez claire voire manquant de profondeur comme dans le Mors stupebit.
Ceci posé, on reste impressionné par la puissance du Dies Irae déchaîné par Muti, qui lâche les chevaux dans un tempo rapide avant un Tuba Mirum où, comme un hommage à Berlioz, deux paires de trompettes postées en haut de chaque côté du chœur viennent spatialiser les grands appels des cuivres. On admire les accents de Marie-Nicole Lemieux, implorante dans le Nil inultum remanebit, bouleversante dans le Lacrymosa, rejointe dans l'émotion par Iwona Sobotka dans l'Offertoire, hissant les deux voix d'hommes au sublime dans le Lux Aeterna. Giovanni Sala nous émeut davantage dans le célèbre Ingemisco que dans un Hostias moins assuré. C'est à Iwona Sobotka, impressionnante si on oublie une gestique proche de la scène (Libera me), qu'il revient de conclure sur le finale quasiment parlé qui donne toujours la chair de poule.
Ainsi s'achève à la Philharmonie de Paris cette exécution magnifique d'un chef d'œuvre toujours aussi impressionnant et dont Riccardo Muti est aujourd'hui l'un des interprètes les plus incontestablement inspirés.
Crédits photographiques : © Radio France / Orchestre national de France
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