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Montpellier. 22-IX-2022. Giuseppe Verdi (1813-1901) : La Force du destin, opéra en 4 actes sur un livret de Francesco Maria Piave et Antonio Ghislanzoni. Mise en scène et décor : Yánnis Kókkos. Costumes : Paola Mariani. Lumières : Giuseppe di Iorio. Vidéo : Sergio Metalli. Avec : Jacques Greg-Belobo, basse (Marchese di Calatrava) ; Vazguen Gazaryan, basse (Padre Guardiano) ; Yunuet Laguna, soprano (Donna Leonora) ; Stefano Meo, baryton (Don Carlo di Vargas) ; Amadi Lagha, ténor (Don Alvaro) ; Leon Kim, baryton (Fra Melitone) ; Éléonore Pancrazi, meezo-soprano (Preziosilla) ; Yohann Le Lan, ténor (Trabuco) ; Stéphanie Cotrez, mezzo-soprano (Curra) ; Laurent Sérou, baryton (Un Alcade) ; Ryu Yonghyun (Un Médecin militaire). Chœur de Opéra national Montpellier Occitanie (chef de chœur : Noëlle Gény), Chœur de l’Opéra de Toulon (chef de chœur : Christophe Bernollin) et Orchestre national Montpellier Occitanie, direction : Roderick Cox
« La Force du destin fait partie de ces opéras qui ont la particularité d'agacer la critique et d'enthousiasmer le public », peut-on lire dans le programme de la production montpelliéraine mise en scène par Yánnis Kókkos. Certes un judicieux constat mais, cette fois, pas pour les raisons que l'on avançait jusqu'alors.
Il est de bon ton d'affirmer qu'avec sa dramaturgie collée aux basques de personnages soumis sur plusieurs années aux caprices les plus tordus du sort entre Espagne et Italie, La Force du destin, bien qu'un des plus ambitieux opéras de la maturité verdienne, est un opéra mal fichu, dont les metteurs en scène ne font généralement pas grand-chose. La beauté d'une ouverture, quelques airs suffisent généralement à l'hypnose collective. Ce n'est assurément pas le travail de Yánnis Kókkos qui remettra en cause cette réputation. D'abord connu au théâtre, le scénographe grec se tourna en 2002 vers l'opéra. Il eut l'heur de se trouver au bon endroit au bon moment : Paris, 2003, la première intégrale parisienne des Troyens, surtout remarquable par sa partie musicale avec un Gardiner au sommet. Mais l'amateur de spectacle total ne peut taire sa déception devant cette Force du destin en forme de livre d'images, voire d'album photos.
Deux thèmes impulsent l'intrigue du livret que Francesco Maria Piave adapta du Don Alvaro o la fuerza del sino d'Angel de Saavedra : d'une part le racisme envers le héros, Alvaro, dès le départ repoussé du sérail des Calatrava à cause de ses ascendances mulâtres ; d'autre part le crime d'honneur de Carlo sur sa propre sœur, Leonora, selon lui souillée par l'amour de celle-ci pour Alvaro. Tobias Kratzer, à Francfort, s'était bien évidemment saisi de ce ressort dramaturgique pour brosser une brillantissime radiographie du racisme aux États-Unis. Yánnis Kókkos, à Montpellier, ne semble, quant à lui, n'avoir lu de La Force du destin que ses didascalies scénographiques. D'un total désintérêt pour ce qui s'y joue, il stylise sommairement le château, l'auberge, le monastère, le champ de bataille du livret pour envoyer là au charbon des personnages apparemment munis d'une seule consigne : soyez vous-même !
Dans les deux premiers actes, la façon dont les soleils couchants succèdent mécaniquement aux ciels tourmentés évoque même les soirées-diapos de naguère, et forcément l'ennui qui pouvait aller avec. Le seul moment vraiment mis en scène survient bien tard, à l'Acte III lorsque la chorégraphie prend la main au moment de la Tarentelle, et qu'une toile grimaçante en mouvement inspirée de l'œuvre du peintre James Ensor ne fait guère mystère d'un certain anti-militarisme. Le dépouillement cher à Kókkos fait toutefois mouche au dernier tableau, l'ultime diapo découpant en ombre chinoise, dans un défilé rocheux, la silhouette d'un homme seul face à son destin. Il est alors bien tard pour s'intéresser post-mortem aux destins des têtes de pont d'une distribution quasi-décimée.
Fort heureusement la prenante direction du nouveau directeur musical de l'Orchestre national Montpellier Occitanie, Roderick Cox, déjà remarqué in loco dans Rigoletto, fait preuve de toutes les qualités requises par ce sombre drame. Amadi Lagha, déjà très remarqué en Calaf, en Cavaradossi, confirme ses qualités, son Alvaro solaire n'économisant pas plus chez Verdi que chez Puccini ses impressionnants moyens. Réserve de souffle, aigus sombres et charnus, engagement : Yunuet Laguna réussit sa prise de rôle en Leonora. Stefano Meo impose un Carlo au timbre plus humain que ce que le livret n'en laisse entrevoir. Du tandem Guardano/Melitone, l'élève dépasse le maître, Leon Kim, voix projetée avec beaucoup de naturel à la face du Padre de Vasguen Gazaryan, voix plus intérieure, moins profonde que ce qu'on attend généralement dans le rôle. On souffre pour la pétillante Éléonore Pancrazi, Preziosilla une fois encore confinée dans des poses virilistes assez pénibles : la chanteuse ne semble pas trop en souffrir qui fait entendre la moire nécessaire à Al suon del tamburo et autre Rataplan, assurément une des compositions les plus triviales (on dit aussi « scènes de genre ») de Verdi. La vocalité très identifiable de Yoann Le Lan fait que l'on remarque le volatile Trabuco, tout en commençant à s'impatienter sérieusement de retrouver le jeune chanteur français dans des parties plus conséquentes. Séraphine Cotrez ne fait aussi que passer en Curra mais avec une attentive musicalité. Autre étoile filante du livret bien qu'il soit quelque part le frère d'armes du Commandeur, le Marquis un brin mâchonné de Jacques-Greg Belobo.
Comme tout un chacun livrés à eux-mêmes, comprimarii et chœur (Montpellier et Toulon où le spectacle voyagera prochainement) prennent sans rechigner la pose sur les clichés du photographe Kókkos dont l'album photos a déclenché, dans un Corum complet, les plus vifs applaudissements. La joie d'un public, après tout, comme on dit parfois, n'est-ce pas là l'essentiel ?
Crédits photographiques : © Marc Ginot
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Montpellier. 22-IX-2022. Giuseppe Verdi (1813-1901) : La Force du destin, opéra en 4 actes sur un livret de Francesco Maria Piave et Antonio Ghislanzoni. Mise en scène et décor : Yánnis Kókkos. Costumes : Paola Mariani. Lumières : Giuseppe di Iorio. Vidéo : Sergio Metalli. Avec : Jacques Greg-Belobo, basse (Marchese di Calatrava) ; Vazguen Gazaryan, basse (Padre Guardiano) ; Yunuet Laguna, soprano (Donna Leonora) ; Stefano Meo, baryton (Don Carlo di Vargas) ; Amadi Lagha, ténor (Don Alvaro) ; Leon Kim, baryton (Fra Melitone) ; Éléonore Pancrazi, meezo-soprano (Preziosilla) ; Yohann Le Lan, ténor (Trabuco) ; Stéphanie Cotrez, mezzo-soprano (Curra) ; Laurent Sérou, baryton (Un Alcade) ; Ryu Yonghyun (Un Médecin militaire). Chœur de Opéra national Montpellier Occitanie (chef de chœur : Noëlle Gény), Chœur de l’Opéra de Toulon (chef de chœur : Christophe Bernollin) et Orchestre national Montpellier Occitanie, direction : Roderick Cox
au delà du spectacle, j’ai enfin compris pourquoi la petite bourgeoisie montpellierenne, se rendait à l’opéra en « basket « . Hors l’idée de faire « djeun’s » , j’ai compris que c’était pour se précipiter au plus vite, quitter la salle au plus vite, dès les dernières notes de l’opéra envolées, signant ainsi un geste d’une indécence grossière qui ne se voit nullepart ailleurs …
Le plus problématique de cette mise en scène – qui n’est finalement qu’une mise en place et pas grand chose de plus – est son absence totale de direction d’acteurs. Les chanteurs – qui ne sont manifestement aucunement acteurs – sont laissés à leur absence d’inspiration du moment. La plus consternante est la première scène où s’affrontent Alvaro et Carlo, d’une platitude affligeante. Autour d’un Alvaro figé et sans expression tourne en rond un Carlo qui a tout de même juré sa mort – comme s’il attendait le bus… Ils ont l’air d’y croire autant qu’à leur première leçon de solfège ! On en appelle aux mannes de Chéreau !
Oui, en effet, cette réalisation n’est qu’une succession de tableaux dépourvus de cette force dramatique indispensable pour faire passer les faiblesses de cet opéra.
Kókkos est resté à une représentation belcantiste de Verdi, alors que ce dernier a décidé de passer à autre chose…
Étonnant comme absence de compréhension pour un metteur en scène de renom !
Merci pour votre avis sur cette mise en scène