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Symphonie n°3 de Mahler par Jukka-Pekka Saraste avec l’ombre de Mikko Franck

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Paris. Maison de la Radio ; Auditorium. 19-IX-2024. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 3 en la mineur. Gerhild Romberger, alto. Chœur de Radio France, direction Lionel Sow; Maîtrise de Radio France, direction : Marie-Noëlle Maerten ; Orchestre philharmonique de Radio France, direction : Jukka-Pekka Saraste

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a volé au secours de , souffrant, pour le remplacer dans la Symphonie n°3 de avec le Philharmonique de Radio France. Un excercice au pied-levé délicat, même pour un chef mahlérien de référence

Sept jours plus tôt, le début de saison du Philharmonique de Radio France avait commencé sous les meilleurs auspices avec une Symphonie Alpestre où Mikko Franck en grande forme avait résolu la synthèse du gigantisme orhestral et de l'intimité chambriste. L'attente était donc forte pour savoir s'il rééditerait l'exploit dans une oeuvre également démesurée et aux mêmes contrastes irréductibles, la Symphonie n°3 de Mahler. Hélas, dût annuler. Son remplaçant avait de quoi susciter de l'intérêt car est un malhérien aguerri avec des options interprétatives compatibles avec celles de son compatriote finlandais, où la direction d'orchestre est tout sauf un brillant exercice de démonstration.

Le premier mouvement « Avec force. Décidé » est le plus vaste de la symphonie, le plus affirmatif, complexe, ultra-mahlérien dans son association saisissante d'images musicales écrasantes, entre thème fatal du destin, asséné par huit cors à l'unisson en ouverture, grondements révoltés des cordes, marches militaires et musiques de foire. Là où fait preuve d'une attention affectueuse vis-à-vis de chaque pupitre clé sans perdre de vue les grandes masses, Saraste a une direction plus détachée et globale. Cela donne de superbes moments dès l'ouverture dans une ambiance de cinémascope, mais au cœur du mouvement, quand s'enchaînent les contraires et que l'hétérogène devient la norme, l'orchestre ne renouvelle pas la magie de l'Alpensimphonie. Les interventions solistes manquent de typicité, et les épisodes se succèdent sans cohérence entre eux. Le final brillant est éclatant à souhait, l'orchestre retrouve la cohésion et un emballement collectif qui lui avait manqué, mais c'est comme si la partition éblouissante de Mahler avait pris la possession de l'orchestre, et que le chef en était réduit à un rôle d'accompagnateur.

Le deuxième mouvement « Tempo di Menuetto. Très modéré », détendu et bucolique, est mené à un rythme relativement soutenu et ne pose pas de difficulté, sauf que le charme n'y est pas vraiment. Il manque une dimension, quelque chose de l'extase, du temps hors du temps. Arrivé au terme du mouvement, on se dit que Malher avait bien fait de préciser « Très modéré », et que si un tel tempo avait été adopté, on aurait vraisemblablement pu commencer à monter au ciel.

Le mouvement suivant, « Comodo. Scherzando. Sans presser », marquera la fin du  purgatoire. Maintenant les enchaînements d'atmosphères sonnent de manière naturelle, – ils sont il est vrai plus classiques – et l'intervention de l'étonnant cor de postillon qui résonne en coulisse donne cette fois cet effet de temps suspendu, de ravissement à l'écoute des bruits de la forêts, qui font l'un des charmes envoûtants de l'art mahlérien. Cette fois, on y estb!

Le Lied O Mensch (« Très lent. Toujours ppp ») atteint l'idéal – un idéal mahlérien s'entend. L'alto est l'ange qu'on n'osait espérer. Pas un ange séraphique des Beaux-Arts du XIXe siècle, non un vrai ange, qui est cette force androgyne et mystérieuse qui descend sur l'humanité, cette puissance douce et désincarnée et qui semble pourtant aimante, et qui irradie notre malheureuse condition humaine. Ah, comme on aurait voulu que son intervention s'éternise… En contrebas de cette énergie extra-terrestre, les interventions solistes de l'orchestre détonnent par leur incarnation et leur typicité, contrastent avec la ligne de chant lisse et planante. Le hautbois d', le cor anglais de et le violon de , chacun exprime avec vigueur notre humanité, qui n'est pas belle, qui se convulse. Et c'est exactement ce qu'il fautb!

On poursuit l'ascension avec l'entrée de la Maîtrise et du , qui se fait de manière presque naturelle, sans brutalité, presque comme une évolution normale alors que le mouvement « D'un tempo joyeux et effronté dans l'expression » montre notre humanité joueuse et enfantine. est désormais en osmose avec l'orchestre. Tout sonne juste jusqu'au terme du dernier mouvement, « Lent. Reposé. Avec émotion », qui est le premier des grands adagios mahlériens, ces « lacs de musique » selon la jolie expression de Christian Wasselin dans la note du programme. Dans la direction du chef, qu'on imagine très proche des intentions de Mikko Franck, ce lac est un chant d'amour mais un lac plutôt finlandais qu'italien, non sentimental, épuré. La montée vers l'ultime climax de la partition est admirable car celui-ci semble surgir de manière presque inattendue, il est l'aboutissement irrépressible de toutes les énergies accumulées, et non le but qu'on attendait plus ou moins patiemment. La conclusion, massive, joyeuse et grave, embrasse l'univers, comme il se doit.

Crédit photographique : © Felix Broede

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