Audio, Musique de chambre et récital, Parutions

Entre classique et moderne, les quatuors « hors d’âge » de Conrado del Campo

Plus de détails

Instagram

Conrado del Campo (1878-1953): Quatuor à cordes n°8 en mi majeur. Intermezzo-Scherzo on the surname Mi-la-nes. Quatuor à cordes n°9 en ré majeur. Quatuor Diotima. 2 CD March Vivo. Enregistrés en public à Madrid les 27 avril 2022 et 14 février 2024. Notice de présentation en anglais et espagnol. Durée totale : 89:21

 
Instagram

Le s'est attelé à la résurrection des quatuors du compositeur espagnol (1878-1953). Le dernier volume paru, consacré aux Quatuors n°8 et 9, révèle une œuvre « hors d'âge », loin des révolutions sonores du XXᵉ siècle, et pourtant paradoxalement moderne.

Faites ce test. En écoute aveugle, essayez de deviner l'origine et l'époque de composition des deux quatuors de que vient d'enregistrer le . Pas sûr que vous deviniez. Pas une trace, ou alors infime, d'une quelconque origine espagnole. Nous sommes ici à mille lieux de Manuel De Falla (1876-1946), pourtant quasiment exact contemporain de . Et pas plus de traces des révolutions harmoniques du XXᵉ siècle dans ces quatuors, respectivement composés en 1913 (l'année des Gurrelieder de Schoenberg) et 1942, mais plutôt un solide ancrage dans une sorte de lyrisme post-romantique germanique. Pour autant, la musique de Conrado del Campo ne manque pas de style, et se révèle même moderne dans certains de ses chromatismes.

Au cours d'une série de concerts à la Fundación Juan March de Madrid, le a ainsi tenu à ressusciter quelques-uns des quatorze quatuors composés par Conrado del Campo, plus connu dans son pays pour ses opéras et zarzuelas (opérettes) que pour sa musique de chambre.

Les deux quatuors que publient aujourd'hui le Quatuor Diotima sont aussi une anomalie dans la carrière du musicien puisque presque trente années séparent la composition du Quatuor n°8 (1913) du Quatuor n°9 (1942). Mais dans ces deux oeuvres, on retrouve le goût du lyrisme, lié à la passion de Del Campo pour l'opéra, une solide écriture harmonique, mais également des chromatismes très wagnériens et post-straussiens (là encore, influence opératique).

Composé en 1913 le Quatuor n°8, dans la tonalité de mi majeur, est pourtant une oeuvre très sombre et âpre, sous-titrée « Sur la mort de la mère du compositeur« . Conrado del Campo a rédigé pour chaque mouvement un texte d'accompagnement où se révèle l'état d'esprit introspectif et émotionnel de l'auteur au moment de la composition. L'oeuvre imposante (près de 47 minutes) demande un grand engagement des interprètes. Le Quatuor Diotima croit en cette musique et s'engage corps et âmes dans cette composition d'un lyrisme forcené, au risque parfois de quelques accrocs (l'enregistrement est en public). Nous sommes ici plus proche de La Nuit transfigurée du jeune Schoenberg que de L'Amour sorcier de Manuel de Falla, composé à la même époque. Le seul indice des origines espagnoles de Conrado del Campo se trouve dans quelques inflexions « à caractère populaire » du deuxième mouvement.

Trente ans plus tard, après s'être beaucoup consacré à l'écriture d'opéras, zarzuelas et à l'enseignement, Conrado del Campo revient au quatuor à cordes, avec le numéro 9 en ré majeur. Un genre qu'il ne quittera plus puisque Conrado del Campo achèvera un quatorzième quatuor l'année de son décès, en 1953.

Sous-titré « Apasionado« , le Quatuor n° 9 est encore une œuvre passionnée, mais beaucoup plus lumineuse que la précédente. Là encore, impossible de deviner que celui-ci a été composé en 1942, tant cette musique semble respirer Brahms, voire Tchaïkovski (particulièrement dans un Scherzo réellement « hors d'âge »). Cet anachronisme n'empêche pas de suivre avec intérêt l'œuvre, brillamment construite et écrite, notamment le très beau troisième mouvement, une Elegia, superbe de calme et de mystère, aux couleurs décidément très wagnériennes. Moment de répit avant l'exubérant final.

Un disque pour amateurs de quatuors… et de curiosités.

(Visited 1 times, 1 visits today)

Plus de détails

Instagram

Conrado del Campo (1878-1953): Quatuor à cordes n°8 en mi majeur. Intermezzo-Scherzo on the surname Mi-la-nes. Quatuor à cordes n°9 en ré majeur. Quatuor Diotima. 2 CD March Vivo. Enregistrés en public à Madrid les 27 avril 2022 et 14 février 2024. Notice de présentation en anglais et espagnol. Durée totale : 89:21

 
Mots-clefs de cet article
Instagram

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.