Les détours virtuoses de Gabriel Erkoreka

Musique éruptive, flux généreux et richesse des coloris s'entendent dans les trois œuvres concertantes à l'affiche de ce nouvel album monographique du compositeur et pianiste basque Gabriel Erkoreka.

Les trois mouvements s'enchainent, dessinant une ample trajectoire dans le concerto pour violoncelle (2012) dont le titre, Ekaitza, (Tempête, en basque) donne le ton. Le soliste (impérial Asier Polo), très exposé, parcourt tout le registre de l'instrument, épaulé, étoffé par un orchestre (l'Orchestre national basque, ou Euskadiko Orkestra en basque, sous la direction de Juanjo Mena) qui instaure un rapport de complémentarité avec le violoncelle. Si l'écriture se relâche, la tension expressive perdure dans un second mouvement qui lisse la matière, ménageant au soliste une première cadence où l'archet éloquent et l'ampleur du timbre d'Asier Polo font merveille. Le melos populaire affleure dans un finale d'essence plus rythmique avec le symbolique tambour de basque qui donne l'esprit de la danse.

Sur le même modèle, Piscis (Poissons) est le tout récent concerto pour piano (2021-22) d'Erkoreka dans lequel l'élément aquatique convoqué par le titre se ressent à travers traits glissants et bruit blanc. Le premier mouvement quasi lisztien offre d'emblée une cadence au soliste et ouvre les vannes du son sous les doigts aguerris du fidèle Alfonso Gómez. Si le deuxième mouvement est un rien bavard, la relance rythmique des peaux qui amorce le troisième fait advenir les plus belles pages de ce concerto à la faveur des relations singulières qui se nouent entre le pianiste et l'orchestre.

Dans Tres sonetos de Michelangelo (2000) c'est la voix du contre-ténor Carlos Mena qui s'inscrit sur la toile orchestrale suggestive et fait valoir la flexibilité et l'amplitude de son registre. La ligne vocale est ciselée, sorte de « recitativo erkorekien » finement ornementé (itération légère, port-de-voix, tremblement, etc.) servant l'expression du texte italien ; le registre est plutôt sombre, qui s'oppose aux éclats d'une percussions scintillante. Des solos instrumentaux (violoncelle mais aussi cornets de la Renaissance dessinent leur contrepoint éloquent tandis que la tension des lignes et la richesse des couleurs opèrent dans les deux interludes instrumentaux qui participent de la dramaturgie.