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À La Chaise-Dieu, Thomas Lacôte et Gabriel Fauré en dialogue

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La Chaise-Dieu. Abbatiale Saint-Robert. 23-VIII-2024. Festival de La Chaise-Dieu. Thomas Lacôte (né en 1982) : Répons du Baptême, pour solistes, chœur et orchestre (création mondiale) ; Gabriel Fauré (1845-1924) : Requiem en ré mineur op. 48. Roxane Chalard, soprano ; Mathieu Dubroca, baryton ; Ensemble Aedes ; Les Siècles ; direction : Mathieu Romano

Donné en création mondiale et à guichet fermé dans l'abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu, Répons du Baptême de nous enchante, côtoyant le Requiem de dans un concert où Les Siècles ont rejoint l'ensemble vocal Aedes sous la direction de .

Répondre au Requiem de Fauré, à l'affiche de l'édition 2024 qui célèbre le centenaire de la mort du musicien, tel est l'enjeu de la commande passée à par le festival de La Chaise-Dieu et l'. L'idée est de faire dialoguer dans une même soirée création et œuvre du répertoire ; au compositeur invité d'assumer tout à la fois le caractère sacré, la présence du chœur et les contraintes de l'effectif instrumental du Requiem, l'œuvre de Fauré étant jouée dans sa version originale de 1893 et sur instruments d'époque, avec deux cors, deux trompettes et trois trombones, sans les bois ni les violons, excepté un violon solo dans le Sanctus.

Compositeur et organiste (il est co-titulaire des orgues de l'église de la Sainte-Trinité à Paris), connait bien le rite du baptême, d'autant plus attiré par cette liturgie qu'il n'existe pas d'histoire musicale pour ce texte ; il avait donc là un terrain vierge à explorer… mais sans l'orgue du Requiem, qu'il remplace par le célesta, ni les timbales, préférant un set de percussions plus personnalisé (gong, cymbales, tambour de bois, etc.) manipulé par deux percussionnistes.

C'est lui qui agence à sa mesure le texte liturgique, ajoutant, parmi les neufs parties qui se succèdent, deux textes liés au rituel religieux, le Psaume 122 (IV), mêlant langue latine et traductions françaises, et le Récit évangélique (V) qui introduit le personnage de Nicodème.

L'intervention quasi opératique du baryton dans Interrogationes capte d'emblée l'écoute, instaurant un dialogue musclé avec le chœur (« Que demandez-vous à l'Église de Dieu ?). Les réponses ferventes évoquent les voix de turba dans les Passions de Bach. Le baryton reviendra par trois fois interroger le/les baptisés avec cette ardeur un rien abrupte qui contraste avec une manière plus contemplative d'aborder le texte sacré. Les lignes s'étirent et les strates vocales et instrumentales se superposent dans différentes temporalités (I et IX) pour déployer de somptueuses textures où son et sens concourent à l'émotion. Dans Psaume 122 (IV), Lacôte superpose le texte latin en valeurs longues et deux traductions françaises, celle, littéraire, de Paul Claudel, et celle, plus littérale, d'Olivier Cadiot. La séquence mêle richesse sémantique, brouillage des langues et complexité du flux dans un moment d'immersion et de plénitude qui passe trop vite à notre goût. Signatio (II) convoque la soprano solo et quelques instruments, l'association harpe/célesta, deux altos et les tenues des trombones. Ils sertissent la voix dans un caractère chambriste que l'on retrouve dans le VIII (Vestis Candida) avec le registre clair des voix de femmes et les deux cors en vedette. Harpe et percussion résonnante creusent l'espace dans l'étonnant Exsufflatio-Renuntiatio (III) où les voix se contentent de susurrer les mots (il est question de l'Esprit-Saint) avant la seconde intervention du baryton (« Renoncez-vous à Satan ? »). revient en soliste, déployant une voix généreuse dans le Récit évangélique qui balance entre lyrisme fervent et déclamation debussyste, lorsque Jésus répond à Nicodème.

Comme chez Fauré, le violon solo (François-Marie Drieux) se fait attendre, n'intervenant chez Lacôte qu'au moment-clé de l'acte rituel (VII), « je te baptise […] ». La mise en espace, qui ne manque pas son effet, mobilise deux gongs d'eau à cour et à jardin, Lacôte juxtaposant, à la manière d'un Messiaen, le temps court de « l'oiseau » (violon solo dans l'aigu virtuose de son registre) et le temps long du chœur étirant la parole sacrée.

Les voix d'Aedes sont flexibles à souhait, émouvantes autant qu'envoutantes au sein d'une écriture où l'orchestre tend bien souvent à les rejoindre. Sous la direction aussi souple qu'efficace de , Rituel du Baptême marque sans aucune doute une étape dans le cheminement de son compositeur qui investit tous les ressorts dramaturgiques d'un texte qui l'habite pleinement.

Berceuse de la mort

Bijou inaltérable du répertoire choral français, que l'on réentend toujours avec émotion, le Requiem de est donné en seconde partie de concert, une œuvre que , avec les mêmes interprètes, a gravée en 2019 chez Aparté. Le latin y est chanté à la française et l'on retrouve en solistes et , deux chanteurs membres de l', précisons-le. L'œuvre est inscrite au répertoire de l'ensemble, qu'il maîtrise à la perfection et dont il détaille les beautés avec finesse, dans un parti pris chambriste qui est loin de nous déplaire ; l'écriture en canon de l'Offertoire, la pureté des voix de ténors à l'entrée de l'Agnus et les subtilités harmoniques de cette cinquième partie sont autant d'instants superbement accomplis par le chœur et les musiciens. Le vibrato est contrôlé et la phrase bien conduite par Roxane Chalard dans son Pie Jesu que l'on aurait aimé plus suspendu encore, quand la voix légère mais vaillante de confère à l'entrée du Libera me le ton dramatique qui convient. Christophe Durant est passé du célesta à l'orgue, clavier mis en valeur dans In Paradisium et ses balancements harmoniques délicieux : le Requiem est sans conteste cette «  berceuse de la mort » sous la direction aussi sobre que précise de Mathieu Romano qui propose en bis le Cantique de Racine, autre trésor fauréen véhiculant sa charge d'émotion.

Crédit photographique : © Bertrand Pichene

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