Un orchestre anglais et un chef finlandais au service d’un compositeur russe : Storgårds joue Weinberg
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Mieczysław Weinberg (1919-1996) : Aurore op. 60 ; Symphonie n°12 op. 114. BBC Philharmonic, direction : John Storgårds. 1 CD Chandos. Enregistré les 15 septembre et 24 et 25 novembre 2022 à MediaCity UK, Salford, Manchester. Livret en anglais-allemand-français. Durée : 73:33
ChandosConnu pour avoir enregistré des compositeurs comme Aho, Madetoja, Sibelius ou Antheil, le violoniste et chef finlandais John Storgårds explore récemment les compositeurs russes, dont Chostakovitch et son meilleur ami, Mieczyslaw Weinberg.
Maxim Chostakovitch, le fils, a enregistré la Symphonie n°12 sous-titrée « in memoriam D. Chostakovitch » en 1979 sur le défunt label Olympia ; Fedosseiev s'y est mis à son tour en 1982 ; trente ans plus tard, Vladimir Lande pour Naxos. Puis dix ans après, ce fut le tour de Storgårds. L'œuvre est rare mais n'est donc pas une découverte à proprement parler.
Un mot concernant cette douzième symphonie : Weinberg n'a pas produit de symphonie de façon régulière. En 1975, date du décès de son mentor, cela faisait plusieurs années qu'il n'avait rien écrit pour le genre. Il s'y remet à cette occasion à la fin de l'année, jugeant que le meilleur hommage à lui rendre passait par le grand orchestre. Quant à un lien musical pouvant rappeler son maître, on ne trouvera pas les citations que l'on penserait y trouver. Tout juste, seule la coda du dernier mouvement évoquera les fantomatiques dernières minutes de la Symphonie n°15.
Le BBC Philharmonic parvient musicalement à l'équilibre, maintenu par son chef qui fait tout pour faire sonner son orchestre autrement que comme du Chostakovitch-bis, et il trouve la bonne voie(x), car on ne répétera jamais assez que Weinberg n'en est pas un clone moins inspiré. Le geste demeure clair malgré la complexité de certains développements, surtout dans l'épique premier mouvement. Dans une œuvre si complexe, le défi d'un orchestre et de son chef consiste à conserver une ligne interprétative mouvement par mouvement dans le but de donner une cohésion à l'ensemble : les tutti de masse, les solos des pupitres, les instants où la couleur orchestrale surabondante se vide de sa substance pour ne laisser que parler le silence (ou presque), l'échange permanent qui doit exister entre les groupes ne sont permis que par la virtuosité de chacun des musiciens qui se transforme en supersoliste. Storgårds le peintre sait donner un sens à cette mosaïque colorée et parvient à maintenir l'intérêt de l'auditeur qui, soumis à une rude et longue épreuve d'écoute, risquerait facilement d'en perdre le fil.
Enfin, saluons le chef d'avoir été le premier cette fois à enregistrer le poème symphonique « Aurore », composé en 1957 pour fêter les 40 ans de la révolution de 1917. Œuvre « officielle » donc, que nous découvrons ici mais qui ne fait montre que de la « bonne volonté » de son auteur de par son langage édulcoré, de participer aux hommages politico-musicaux pour lesquels les compositeurs soviétiques étaient vivement conviés. Mais « Aurore » ne semble pas avoir été jouée de son vivant.
Eu égard à la rareté des enregistrements consacrés à cet auteur essentiel de l'histoire de la musique en général et russe en particulier, on ne pouvait passer à côté de cette sortie importante. Souhaitons donc que le chef finlandais continue dans cette voie, celle de la qualité, de la curiosité et de l'audace.
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Mieczysław Weinberg (1919-1996) : Aurore op. 60 ; Symphonie n°12 op. 114. BBC Philharmonic, direction : John Storgårds. 1 CD Chandos. Enregistré les 15 septembre et 24 et 25 novembre 2022 à MediaCity UK, Salford, Manchester. Livret en anglais-allemand-français. Durée : 73:33
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