Une grande dame du monde de la musique vient de nous quitter. Née à Paris en 1941, Édith Lejet entre à 17 ans au Conservatoire National Supérieur de Paris (CNSMDP) où elle fait ses classes d'écriture (harmonie, contrepoint et fugue), d'esthétique, avec Marcel Beaufils, d'orchestration et de composition, travaillant (seule femme parmi tant d'hommes !) avec Jean Rivier, André Jolivet et Henri Dutilleux qui remplacera souvent Jolivet et auquel elle se sent « spirituellement » apparentée. Second Prix de Rome en 1968, devancée par son collègue Alain Louvier, elle ne part pas à la Villa Médicis mais elle est sélectionnée pour résider durant trois ans (1968-1970) à la Casa Velasquez à Madrid. À 31 ans, elle est nommée professeure au CNSMDP où elle enseigne d'abord le solfège puis l'orchestration et la fugue. En 1992, elle fonde dans ce même établissement la classe « Écriture, musique du XXᵉ siècle », poste qu'elle occupera jusqu'en 2005. En 2003, elle répond à l'invitation de l'École normale de Musique Alfred Cortot où elle va enseigner la composition jusqu'en 2017.
« Je trouve mes pères là où la musique est porteuse d'émotion », aimait-elle à dire. Je me sens assez étrangère aux recherches qui ne sont qu'intellectuelles et spéculatives… J'accorde une grande importance aux valeurs que représentent la spontanéité et l'intuition ainsi qu'à la fraîcheur qu'elles génèrent ». Mettant à bonne distance les écoles et chapelles (sérielle et spectrale), elle regarde davantage vers Debussy et Ravel dont elle se sent la digne héritière, accordant une importance primordiale à la qualité du matériau choisi et à ses possibles développements en matière de couleurs et de raffinements harmoniques. Au sein d'un catalogue approchant la centaine d'œuvres où pièces instrumentales et vocales s'équilibrent, citons Le journal d'Anne Frank (1970) avec la Maîtrise de Radio France et huit instruments (enregistré par Radio France), Monodrame pour violon et orchestre, créé par Devy Erly sous la direction de Daniel Chabrun ou encore L'Homme qui avait perdu sa voix (1984), théâtre musical radiophonique pour quatre voix et onze instruments enregistré par Radio France et diffusé sur les ondes de France Culture. Plus récemment, Secret d'un paysage est un second concerto pour violon créé en 2013 par la violoniste et soliste de l'Ensemble Intercontemporain Hae-Sun Kang. Un CD monographique sorti en 2004 chez Mandala (MAN 5086) réunit des œuvres pour ensemble, Espaces nocturnes (1976), Harmonie du soir (1977) ou encore Des fleurs en forme de diamant, concerto pour guitare de 1997. Créé à Tokyo en 2009, Toute la nature sort de l'or, commande de l'ensemble japonais Muromachi, resserre ses liens avec la culture nippone, mêlant instruments traditionnels japonais et lutherie baroque.
En 2010, la compositrice taïwanaise Lin-Ni Liao lui consacre un ouvrage monographique intitulé La pensée musicale d'Édith Lejet. Laure Marcel-Berlioz, ancienne directrice du CDMC à l'initiative de l'ouvrage L'égalité en actes (MF/CDMC) où un portrait de la compositrice est signé François-Gildas Tual, termine quant à elle un récit du parcours d'Édith Lejet écrit en collaboration avec la compositrice dont elle aura recueilli les dernières pensées. (MT)