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Les quatuors à cordes de Benjamin Britten par le Quatuor Béla

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Benjamin Britten (1913-1976) : Quatuors à cordes n° 1, 2 et 3 ; Les Illuminations. Quatuor Béla ; Julia Wischniewski, soprano. 2 CD Le Palais des Dégustateurs. Enregistrés en février 2020 et janvier 2022 à La Courroie. Notice de présentation en français et anglais. Durée : 52:44 et 51:53

 
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Les trois quatuors à cordes de empruntent un langage le plus souvent âpre, voire rêche, mais dans le même temps délivrent un message profond et parfois énigmatique, que le s'attache à faire pleinement apprécier.

Cette intégrale réalisée par le rassemble tous les ingrédients d'une lecture dénuée de complaisance, totalement immergée dans un monde poignant et troublant. Mais cette gravure ne prend pas en compte un Quatuor en fa majeur, musique de jeunesse datant de 1928, pas plus qu'un Quatuor en ré n° 0 daté de 1931, retrouvé tardivement et révisé (1975).

Le Quatuor n° 1 en ré majeur op. 25, composé et créé en Californie au cours de l'été 1941, , puis donné en Angleterre, a reçu un accueil tiède. Dans le premier mouvement, Britten propose à trois reprises un Andante sostenuto alternant avec un Allegro vivo. Le Scherzo suivant noté Allegretto con stancio, sans repos ni pause, à la tonalité instable, évoque Chostakovitch dans son utilisation nerveuse de triolets et de trilles. Un apaisement appuyé intervient avec une troisième partie Andante calmo. L'atmosphère principale lente et attristée du quatuor domine sans conteste. Le dernier mouvement s'appuie sur des thèmes et des climats antérieurs affinant l'unité de l'ensemble.

Le Quatuor n° 2 en ut majeur, op. 36, composé quatre ans plus tard, ne cache pas l'immense admiration que portait le compositeur à Henry Purcell. Lors de la création qui s'est déroulée à Londres en novembre1945, les auditeurs purent constater une invention thématique plus singulière et une maîtrise majorée de l'écriture polyphonique conférant à la partition, mis à part un discret manque d'unité, la maîtrise d'une écriture habile et l'exploration d'un récit homogène très personnel.

Le Quatuor à cordes n° 3, p. 94 devra attendre trois décennies avant d'être élaboré à l'automne 1975 et créé le 19 décembre 1976, deux semaines après la disparition de Britten. Ce dernier y fait montre d'une liberté d'écriture majorée et d'une hauteur spirituelle exceptionnelle laissant supposer qu'il le considérait probablement comme une sorte de testament. Les cinq courts mouvements portent des titres (Duets, Ostinato, Solo, Burlesque et Recitative and Passacaglia) et véhiculent de nombreux traits caractéristiques de l'art consommé du maître confiant, seul face au papier et à son destin, des pages tour à tour abruptes, nerveuses, dramatiques, sereines, célestes, pacifiques et souvent énigmatiques.

A l'écoute des trois quatuors à cordes de cette gravure inouïe, on constate nombre de similitudes au plan du déroulé musical, du climat psychologique, et plus largement des intentions créatrices du compositeur. Cette particularité offre à l'ensemble de ce corpus un monde homogène, mélancolique mais pratiquement jamais lyrique au sens romantique du terme. On s'y confronte avec une sobriété et une dignité rarement rencontrées, laissant chez l'auditeur une impression à la fois troublante et enrichissante.

Ce sentiment ne se reproduit pas dans Les Illuminations (1940) d'après un texte de Rimbaud d'où exulte une luxuriante atmosphère, une couleur chatoyante , une animation fulgurante que la soprano porte à un sommet interprétatif, entrainant dans son sillage les volubiles et survoltés membres du . Tous signent-là une exécution inoubliable surpassant même le témoignage historique chanté par le ténor Peter Pears face à l'Orchestre symphonique CBS placé sous la baguette du compositeur en mai 1941 (NMC  D030).

L'engagement sans concession des Français du Quatuor Béla, formation créée en 2006, s'attache avec succès à explorer le répertoire classique sans négliger la musique contemporaine. Leur défense de Britten hisse ces pièces, peu explorées et peu appréciées en général, au rang de chefs-d'œuvre incontestables. C'est une réussite et un exploit qui suggère parfois un rapprochement esthétique et psychologique avec l'incomparable corpus de Beethoven. De même l'ombre d'un Chostakovitch méditatif et pessimiste, qui se lia d'amitié avec Britten, rode-t-elle à proximité.

En conclusion, une citation susceptible d'aider à saisir un pan de la mentalité du compositeur du War Requiem et des quatuors à cordes : « Il est cruel que la musique se doive d'être aussi belle. Elle a la beauté de la solitude et de la douleur…  la beauté du dépit et des amours inassouvies ».

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Benjamin Britten (1913-1976) : Quatuors à cordes n° 1, 2 et 3 ; Les Illuminations. Quatuor Béla ; Julia Wischniewski, soprano. 2 CD Le Palais des Dégustateurs. Enregistrés en février 2020 et janvier 2022 à La Courroie. Notice de présentation en français et anglais. Durée : 52:44 et 51:53

 
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