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Dinis Sousa marquant dans Beethoven à la Philharmonie de Paris

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Paris. Philharmonie de Paris, Grande Salle Pierre Boulez.
25-V-2024. Ludwig van Beethoven (1770-1827). Symphonie n° 6 en fa majeur op. 68 «  Pastorale » ; Messe en ut majeur op. 86.
26-V-2024. Symphonie n° 2 en ré majeur op. 36 ; Symphonie n° 9 en ré mineur op. 125 « Ode à la Joie ». Lucie Crowe, soprano ; Alice Coote, mezzo-soprano ; Allan Clayton, ténor ; William Thomas, basse. Orchestre Révolutionnaire et Romantique et Monteverdi Choir, direction : Dinis Sousa

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Pour le grand rendez-vous beethovénien autour des 200 ans de la création de la Neuvième Symphonie, le chef est à la tête de l' et du deux soirs de suite.

Cet anniversaire de la plus universelle des œuvres musicales se double de celui du devenu cinquantenaire cette année. En l'espace de cinq jours, quatre concerts se sont succédé pour les célébrer, et pas moins de sept des neufs symphonies de avec en sus, sa trop rare Messe en ut majeur op. 86 (les première et huitième symphonies n'y figurant pas). , dont le nom ne nous est plus inconnu depuis qu'il a dirigé Les Troyens de Berlioz (en remplaçant John Eliot Gardiner l'été dernier), a ouvert le cycle avec une lumineuse Symphonie n°6 en fa majeur op. 68 «  Pastorale ».

La Pastorale et la Messe en ut, en toute félicité

Le tempo allant mais sans empressement, la limpidité, la souplesse des lignes, la beauté des phrasés nous installent d'emblée dans une félicité d'écoute et suscitent le ravissement. Voir diriger est captivant. Sa main gauche expressive n'a de cesse de faire chanter l'orchestre. La musique va de l'avant, aérienne, parée des couleurs des bois, des cors quoique discrets, dans un équilibre idéal avec les cordes. Animée de l'intérieur, elle palpite, elle rayonne… La « Scène au bord du ruisseau » grouille d'une vie heureuse. Tout y est : la ligne et le détail, auxquels le chef porte une attention constante, le geste ample mais jamais emphatique, l'intention précise, offrant notamment au basson et à la douce clarinette de beaux espaces d'expression. Au cœur de ce mouvement, le concert d'oiseaux donné par les bois est un pur bijou chambriste, un instant de grâce. La belle continuité organique du flux musical, dont on admire le naturel, est rompue par un Orage tonitruant, éruptif, explosif, d'une énergie déchaînée auquel le timbalier participe avec un mordant inouï. La tendresse du « chant des pâtres …» n'en est ensuite que plus touchante. 

Les choristes se déploient en un long mur vocal derrière l'orchestre pour la Messe en ut majeur opus 86, structurée suivant l'ordinaire de la messe latine, contemporaine de la Symphonie n° 6, dont la composition précède de quinze ans la grande Missa Solemnis. Marquant ses contrastes exacerbés, le chef garde la maîtrise des tensions, veille à l'équilibre de l'architecture, en sculpte les reliefs. L'ouvrage apparaît ici théâtralisé, parcouru d'un souffle puissant, porté par un orchestre et un chœur qui s'entendent à déployer sa force déclamatoire. Au Kyrie fervent, succède le Gloria éclatant. L'articulation ultra-précise impressionne, tout comme la netteté des attaques et du trait dans le Credo, servi par une direction au cordeau qui donne au verbe, impérieux, presque véhément, toute sa force de conviction. Sousa délaisse ici le galbe des phrases pour un saisissant tracé rectiligne à angles droits. Tranche la douceur du très beau quatuor vocal, havre qui précède l'incroyable coda polyphonique aux nuances extrêmes. Au cœur du Sanctus, jaillit l'Hosanna entonnés par les solistes en osmose avec l'orchestre, avant de laisser place aux beaux mouvements ascensionnels de l'Agnus Dei.  

Une océanique et jubilatoire Ode à la joie

Le dimanche après-midi on a plaisir à trouver en tête du programme la Symphonie n° 2 en ré majeur op. 36, qui contraste dans son couplage avec la neuvième par son ancrage dans l'héritage mozartien, sa facture classique. Nous retrouvons ce qui nous avait émerveillés la veille : les courbes des lignes, cette souplesse de phrasé unie à la fougue, l'impétuosité, la netteté du trait, une verve sans excès, le premier mouvement dominé par un esprit de joie héroïque. Le Larghetto respire, élégant, presque dansant, dans le dialogue harmonieux des pupitres. Le scherzo qui remplace le classique menuet séduit par son esprit ludique, son humour dont le chef prolonge la saveur dans le finale chantant, impétueux, jubilatoire. 

Vient la Symphonie n°9 en ré mineur op. 125. Les choristes n'attendent pas le finale pour prendre place sur scène, présence qui pose dès lors le cadre grandiose de l'ouvrage. Une envergure que le chef saura donner d'un bout à l'autre de celui-ci, n'ayant de cesse d'élever toujours plus haut cette musique et son discours, depuis son commencement sombre et dramatique jusqu'à l'exultation, dans une progression parfaitement conduite, pensée avec hauteur de vue, qui n'exclut pas entre-temps de prodigieuses explosions sonores exacerbées par les déferlements diluviens des timbales de Robert Kendell (qui récoltera un record d'applaudissements !). Sousa possède cette faculté de propulser cette musique, sa matière sonore – on le constatera doublement dans le finale – au point de frapper l'auditeur en plein thorax, le submerger, l'envahir émotionnellement, mais sans jamais l'écraser. Le deuxième mouvement molto vivace va de l'avant, chantant avec naturel, sans précipitation, mettant en valeur les interventions des cors, du hautbois, de la flûte. Rien de pesant ni de grave non plus dans le troisième mouvement Adagio molto e cantabile, remarquable de fluidité, dont la douceur des cordes dit toute la tendre humanité beethovénienne. Quant au finale, le récitatif initial, puis le thème de l'Ode à la joie dans le parfait unisson des violoncelles et des contrebasses happent littéralement. « Ô Freunde ! » la basse (William Thomas) de sa belle voix puissante et chaleureuse saisit dès son entrée par la justesse de son intonation. La soprano , le ténor , et la mezzo complètent magnifiquement le quatuor vocal, se distinguant chacun dans leurs interventions solistes par la qualité et la belle projection de leur chant. On ne peut rêver mieux que le pour faire resplendir ainsi l'Ode à la joie, accompagné par l' qui donne le meilleur de lui-même, ajoutant à la jubilation générale sous l'impulsion d'un chef qui transmet à tous les musiciens son formidable enthousiasme. Cette interprétation solaire unit le public de la Philharmonie pleine à craquer dans une émotion intense qu'il manifeste à grands bruits, rappelant de nombreuses fois les musiciens sur scène. Le monde aurait pu s'écrouler au dehors, la salle parisienne est devenue, le temps de cette splendide neuvième, l'arche de la fraternité et de la joie. 

Crédits photographiques : © Ondine Bertrand / Cheeese

 

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