Le Livre du Saint-Sacrement de Messiaen joué sur son instrument par Loïc Mallié

Loïc Mallié a enregistré le Livre du Saint-Sacrement de Messiaen sur l'orgue qui fut celui du maitre en l'église de la Trinité à Paris, enrichie d'une grande « improvisation hommage » qui marque en gloire l'aboutissement de l'ensemble des livres d'orgue de ce compositeur.

Le Livre du Saint-Sacrement est le dernier cycle pour orgue achevé en 1984, tout juste un an après la parution de son opéra Saint-François d'Assise. Cet ensemble important comporte 18 parties pour une durée d'environ 1h40. Il fut créé en 1986 à Detroit aux États-Unis par l'organiste allemande Almut Rössler, suite à une commande de la Guilde américaine des organistes. Cette œuvre repose sur la thématique des Mystères de l'Eucharistie.

Une écoute subjective de l'œuvre révèle un Messiaen fidèle à lui même dans son langage musical habituel, tant mélodique qu'harmonique, plaçant au milieu de son inspiration ses chers oiseaux. Loic Mallié, aujourd'hui titulaire de l'orgue qui fut celui de Messiaen, rapporte ici quelques souvenirs personnels, lui rendant hommage à divers titres : l'accueil du maitre envers un jeune étudiant, le génie du compositeur ici dans son dernier opus, l'organiste de l'église de la Trinité à Paris. Parmi les nombreux enregistrements disponibles de ce cycle musical de Messiaen, celui-ci offre la particularité d'être enregistré directement sur l'orgue qui fut celui du maitre de 1931 à 1992. Messiaen le considérait « comme un fils ». Construit par Aristide Cavaillé-Coll en 1869, son titulaire confie en 1965 à l'entreprise Beuchet-Debierre un agrandissement conséquent réunissant alors 60 jeux. L'orgue est éclairci par divers jeux de mutations et l'installation inhabituelle d'un Quintaton 16 dans le positif. Ce jeu particulier à la couleur éthérée convient beaucoup pour la musique de Messiaen, auquel il préconise d'adjoindre souvent le jeu de Nasard, faisant ressortir grâce à ces deux sonorités mêlées une harmonique de quinte très marquée. Cet instrument unique est idéal pour ce répertoire, les registrations proposées sur la partition ayant été conçues en fonction de cet orgue.

Lorsqu'on regarde de près diverses inspirations de Messiaen pour ce Livre d'orgue, on remarque une filiation assez nette par rapport à certaines œuvres du début de son art de compositeur : Le banquet céleste, Evocations du Saint-Sacrement : O sacrum convivium et Offrande, qui 50 ans plus tard ont retenu l'attention du maitre. On ressent là sa grande dimension spirituelle, où il exprime sa foi chrétienne en participant en musique aux offices catholiques dans son église.

On appréciera lors de ces 18 pièces certaines évoquant le désert avec des chants d'oiseaux entendus au Moyen-Orient (n°VI La manne et le pain de vie). En guise de postlude, Loïc Mallié nous offre une grande improvisation de presque 20 minutes, elle constitue le quatrième hommage à son maitre au sein de cet album. On y sent une inspiration transmise par son maitre et portée par les suggestions même que lui offre cet orgue intimement lié à Messiaen, laissant libre cours à son discours personnel.

Cette version se hisse au sommet d'une discographie déjà importante d'une trentaine de versions, depuis la toute première parue chez Motette en 1987 par Almut Rössler sur l'orgue monumental de la cathédrale de Passau (Allemagne) en passant par celle d'Olivier Latry à l'orgue de Notre-Dame de Paris paru en 2002 chez DGG. Avec l'orgue de la Trinité, on entre en gloire dans la musique de Messiaen. L'acoustique exceptionnelle de ce lieu, magnifiquement captée ici par Laurent Pélissier, rend cet album d'une écoute à la fois plaisante et intense, portée par le jeu foisonnant et mystérieux de Loïc Mallié, de quoi satisfaire complètement le discophile.

Lire aussi :

Intégrale de l'œuvre d'orgue de Messiaen à Toul