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Paris. Palais Garnier. 4-V-2024. Giselle, ballet en deux actes, d’après le livret de Théophile Gautier et de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges. Musique : Adolphe Adam (1803-1856). Chorégraphie : Jean Coralli et Jules Perrot, adaptation par Patrice Bart et Eugène Polyakov. Décors et costumes : Alexandre Benois. Avec : Bleuenn Battistoni, Giselle ; Marc Moreau, Albrecht ; Florimond Lorieux, Hilarion ; Clara Mousseigne, Myrta ; Nicola Di Vico, Hortense Millet-Maurin, pas de deux des paysans ; et le Corps de Ballet de l’Opéra National de Paris. Orchestre de l’Opéra National de Paris, direction musicale : Patrick Lange
Ballet emblématique du romantisme et plus encore du Ballet de l'Opéra de Paris, Giselle symbolise ce que tout danseur de l'Opéra veut danser. Le style de l'école, la pureté des pas et l'élégance stylistique en sont les fers de lance. La preuve avec la prise de rôle attendue de la toute nouvelle Etoile, Bleuenn Battistoni.
Le Ballet de l'Opéra de Paris aime les symboles. Le 13 juillet 2022, Bleuenn Battistoni (alors Sujet) remplaçait au pied levé Alice Renavand (faisant ses adieux en tant qu'Étoile de l'Opéra), blessée au cours de la représentation dans ce rôle de la paysanne devenue Willis. En 2024, Giselle est le tout premier rôle de Bleuenn Battistoni en tant qu'Étoile. En effet, Bleuenn Battistoni, âgée de 25 ans, vient tout juste d'être promue au titre ultime de la hiérarchie du corps de ballet. Auréolée depuis un mois, ce rôle-titre est donc à la fois attendu et redouté et cette prise de rôle à laquelle elle pouvait légitimement prétendre était nécessairement un épreuve du feu, sans erreur possible.
En tant que spectateur, il faut du temps pour saisir la psychologie, la manière qu'à un danseur de vivre sur scène, afin de construire une histoire avec la façon qu'a de se mouvoir un danseur. Bien que l'on soit en droit d'attendre un approfondissement (et la jeune Etoile a de nombreuses années devant elle pour cela), l'aspect technique du rôle est très honorablement maitrisé. La beauté de l'arabesque et le moelleux de la descente de pointes permettent une certaine assurance à la danseuse qui paraît parfois cérébrale et prudente. Elle ne présente pas vraiment l'ivresse déchaînée de Giselle dans sa passion dévorante pour la danse (comme la variation en retenue de l'acte I), proposant plutôt un tempérament tranquille comme la profondeur bleue des eaux d'une forêt silésienne imaginaire. C'est dans tous les cas un travail admirable en ce qui concerne le bas de jambe, l'absence d'esbroufe et la grande concentration des moyens.
Son Albrecht est Marc Moreau, qui s'illustre également dans une prise de rôle. Le danseur, plutôt mature dans sa carrière, accompagne sa partenaire avec une grande justesse d'interprétation. Même si Albrecht est censé être du même âge que Giselle, l'inconsistance des conséquences de son badinage témoigne d'une immaturité relative qui se heurte à la brutalité de la réalité lorsque Giselle amoureuse est trompée. Tout ceci est justement retranscrit par le danseur Étoile dont il restera assurément à calibrer le partenariat et les parties solistes pour en être absolument mémorable.
La Myrta de Clara Mousseigne éblouit dans un tout premier temps devant la grande humanité d'un personnage habituellement dépeint comme austère et implacable. L'harmonie de son corps, la précision des petits menés sur pointe, la hauteur des sauts sont de grandes qualités qui s'essoufflent quelque peu dans sa coda, mais la danseuse trouvera certainement son rythme au fur et à mesure des représentations. C'est, tout comme Bleuenn Battistoni, une danseuse avec laquelle il va falloir compter dans les années à venir.
Dans la même veine, le pas de deux des paysans est dansé par une Hortense Millet-Maurin aux pirouettes planées et un Nicola Di Vico qui ne ménage pas ses efforts dans la saltation, l'attaque de ses doubles tours et la réception des sauts, malgré l'aspect hasardeux de ses fins de pirouettes.
Enfin, le corps de ballet semble trouver la spontanéité de son langage avec un travail intéressant sur les bras et une belle coordination d'ensemble.
Ouvrant une longue série de représentations, cette deuxième distribution tient le haut du pavé. Mais cette série sera également le théâtre de l'invitation de Marianela Núñez du Royal Ballet (les 25 et 27 mai 2024) et des adieux à la scène de Myriam Ould-Braham (le 18 mai 2024). Giselle est bien le symbole d'une troupe vivante.
Crédit photographique : Bleuenn Battistoni © Julien Benhamou / Opéra national de Paris
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Paris. Palais Garnier. 4-V-2024. Giselle, ballet en deux actes, d’après le livret de Théophile Gautier et de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges. Musique : Adolphe Adam (1803-1856). Chorégraphie : Jean Coralli et Jules Perrot, adaptation par Patrice Bart et Eugène Polyakov. Décors et costumes : Alexandre Benois. Avec : Bleuenn Battistoni, Giselle ; Marc Moreau, Albrecht ; Florimond Lorieux, Hilarion ; Clara Mousseigne, Myrta ; Nicola Di Vico, Hortense Millet-Maurin, pas de deux des paysans ; et le Corps de Ballet de l’Opéra National de Paris. Orchestre de l’Opéra National de Paris, direction musicale : Patrick Lange