Luganski transcrit et interprète magnifiquement des extraits d’opéras de Wagner

L'essor de l'enregistrement a peu à peu fait disparaître l'art de la transcription pour piano dans lequel s'étaient génialement illustrés Liszt puis Rachmaninov. On ne saurait trop remercier le grand Nikolaï Luganski de suivre les traces de ses illustres ainés dans ce somptueux programme entièrement dévolu à des extraits d'opéras de Wagner. 

On comprend depuis Liszt combien la fascination de l'orchestration géniale de Wagner a pu s'exercer sur les pianistes virtuoses. Dans un passionnant et chaleureux texte de présentation, Nikolaï Luganski s'explique sur son choix de consacrer tout un programme à l'enchanteur de Bayreuth. Pour la fin de l'Or du Rhin (à partir de l'appel de Donner jusqu'à la montée des dieux au Walhall), il s'est appuyé sur les transcriptions du pianiste et compositeur belge Louis Brassin (1836-1884) ; le résultat est remarquable de clarté comme de grandeur et sans rivaliser évidemment en puissance avec l'orchestre et ses cuivres parvient à emporter notre adhésion. C'est du même transcripteur que provient la scène finale de la Walkyrie. Luganski a néanmoins complété lui-même la fin de l'Or du Rhin, au-delà de la réduction de Brassin. On doit également au pianiste lui-même la transcription des extraits du Crépuscule des dieux qui suivent, quatre parties qui figurent parmi les plus populaires de l'œuvre, dont le voyage sur le Rhin et la marche funèbre de Siegfried. On y retrouve la clarté et les effets de timbre que Luganski parvient à tirer de son Steinway, du grand art d'illusionniste. Le vaste extrait de Parsifal mêle la musique de la transformation du premier acte en s'appuyant sur une partition de Felix Mottl et le final de l'opéra dans une réduction de Zoltan Kocsis. Enfin le récital ne pouvait se conclure autrement que par la mort d'Isolde dans la légendaire transcription de Liszt. Au fur et à mesure du déroulement de ce superbe ensemble, on reste subjugué par la maîtrise des timbres et la splendeur de toucher du musicien russe, qui rappelle la réussite d'un récital enregistré il y a vingt ans déjà par Michel Dalberto qui confrontait Verdi et Wagner transcrits sous le titre évocateur d'« un piano à l'opéra » (RCA).

Un disque dans lequel Luganski fait montre d'une telle imagination et d'une telle maîtrise qu'il parvient à donner à ce récital une cohérence magistrale d'un bout à l'autre.