L’Octuor de Schubert rendu avec éclat par les solistes du Berliner Philharmoniker

L'Octuor en fa majeur, chef-d'œuvre de Schubert, a inspiré de nombreux musiciens, preuve en est une nouvelle fois avec les solistes de l'Orchestre Philharmonique de Berlin.

Les consignes des commanditaires de l'Octuor en fa majeur de Franz Schubert précisaient que le modèle nommément désigné était le fameux Septuor pour cordes et vents en mi bémol majeur de Beethoven composé en 1799-1800. En effet la genèse de l'Octuor fait suite à une proposition du comte Ferdinand Troyer, personnalité proche du cercle de l'archiduc Rodolphe, intendant mais également clarinettiste. On demanda, avec nombre de précisions, au compositeur autrichien d'écrire une œuvre dans l'esprit du Septuor du maître de Bonn.

Il en résulta une œuvre majeure du catalogue schubertien, requérant deux violons, alto, violoncelle, contrebasse, clarinette, cor et basson qui occupa le compositeur durant le seul mois de février 1824.

Il existe une différence notable entre le Septuor de Beethoven et l'Octuor de Schubert : le premier élabore un climat assez éloquent et modérément poignant, tout en imposant une perpétuelle quête d'un but à atteindre mais sans visée dramatique essentielle donc, tandis que le second affiche une démarche davantage lyrique qu'il intensifie en lui octroyant une atmosphère contemplative, à l'effet rendu plus intense par un délicieux travail s'appuyant sur des thèmes sélectionnés. Cet aspect du discours laisse malgré tout une place non négligeable aux parties plus bucoliques et joviales.

L'homogénéité des instrumentistes enregistrés brille dans l'Adagio-Allegro initial aux saveurs variées tout autant que la précision et les contrastes parfaits dans le troisième mouvement Allegro vivace, placide. Le mouvement n° 5 Menuetto-Allegretto trouve avec nos musiciens un sens aigu des nuances et une belle coda confiée au cor impeccable. Les trois autres mouvements Adagio (n° 2), Andante (n° 4) et Andante molto (n° 6) bénéficient de timbres riches d'une saveur marquée, de couleurs chatoyantes et de sections tantôt émouvantes, tantôt divertissantes.

Les membres du Philharmonic Ensemble Berlin mettent en valeur leur spécificité en évitant toute confrontation appuyée avec la pensée de Beethoven. Leur lecture brillante et fidèle s'enrichit d'une vision dynamique, toute de loyauté et de respect envers l'art de Schubert. L'écoute comparative avec les références reconnues convainc sans hésitation que la formation allemande s'élève à l'exceptionnel, tant sur le plan technique que pour la compréhension intime et lumineuse du monde schubertien, où le collectif et l'individuel s'unissent comme rarement.

La prise de son de grande qualité à l'Église Nikodemus à Berlin-Neukölln participe sans aucun doute à fixer l‘attention de l'auditeur.

Cette appréciation justifie de citer les protagonistes de cette livraison Indesens Calliope : Simon Roturier et Angelo de Leo (violons), Ignacy Miecznikowski (alto), Bruno Delepelaire (violoncelle), Janne Saksala (contrebasse), Wenzel Fuchs (clarinette), Andrej Žust (cor), Bence Bogányi (basson).

Au sein de la riche discographie de l'Octuor, nous citerons les gravures du Wiener Oktett (1958), du Melos Ensemble (1967), de l'Ensemble de chambre de l'Academy of St Martin in the Fields (1978), du Nash Ensemble (1989), de la Camerata Freden (2003), du Quatuor Modigliani avec Bruno Schneider, Sabine Meyer, Dag Jensen, Knut Erik Sundquist (2020), et des Wigmore Soloists (2021).

Le Philharmonic Ensemble Berlin offre une lecture en tout point exemplaire, destinée à briller longtemps dans les annales discographiques de l'Octuor en fa majeur de Franz Schubert.