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Finale de la Classic Piano International Competition à Dubai

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Dubai. Zabeel Theater. 24-26-II-2024. Classic Piano International Competition : Finale. Participants : Zhiquan Wang, 14 ans, Chine ; Yuanfan Yang, 27 ans, Royaume-Uni ; Arina Antonosyan, 21 ans, Arménie ; Hyounglok Choi, 30 ans, Corée du Sud ; Andrey Gugnin, 36 ans, Pays-Bas/Russie ; Sunah Kim, 23 ans, Corée du Sud ; Anastasia Kliuchereva, 19 ans, Russie/Autriche ; Marek Kozák, 30 ans, République Tchèque ; Artem Kuznetsov, 33 ans, Russie/USA.

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Pour sa deuxième édition à Dubai, la Classic Piano International Competition mettait en concurrence neuf finalistes devant un jury de très bonne composition. Après trois jours d'une finale de haut niveau où chacun jouait un concerto célèbre, la remise des prix est en cohérence avec ce que nous et nos confrères de la presse ont entendu, sauf pour l'une des participantes.

Les concours sont depuis des décennies un exercice compliqué, source de stress qui défavorise certains candidats, jeux de pouvoir de la part de membres du jury qui ont parfois pour élèves des candidats, et choix parfois discutables de certains candidats en lice alors qu'ils ont déjà bien démarré leur carrière.

Pour sa troisième édition – la seconde à Dubai après une précédente en 2021 et la première à Malte en 2017 -, la Classic Piano Internation Competition a tenté d'éviter le deuxième écueil en ayant constitué un jury exclusivement composé de programmateurs et de pianistes solistes bien connus du monde musical actuel, parmi lesquels le Français , l'Anglais Peter Donohoe (vainqueur du Prix Tchaïkovski en 1982), le Turc Hüseyin Sermet ou encore le chinois Zhe Tang. La parité n'est pas respectée puisqu'il n'y a que quatre femmes sur quinze jurés, mais elles sont d'importance grâce à la présence d'Eleanor Hope, de Kirsten Dawes ou encore de la cheffe d'orchestre Gisele Ben-Dor. Quant aux autres problématiques, celle du stress n'est dépendante que des participants et la troisième concernant le choix des candidats en amont des épreuves, ici discutable en cela qu'à côté de jeunes artistes d'à peine vingt ans se trouvent quelques pianistes déjà en carrière depuis plus de dix ans, dont le vainqueur du concours.

3ème Round

Avant de parler de la finale, il faut rappeler qu'après deux années de sélection, cette troisième compétition s'est tenue en quatre épreuves à partir du 4 février, et que certaines impressions laissées par les candidats lors des deux premières en récital ou de la troisième déjà avec orchestre sont visiblement restées en tête à certains membres du jury pendant la finale. Cela expliquera notamment le 2ème Prix, peu compréhensible pour les membres de la presse, tous arrivés seulement pour la finale, mais visiblement dû au fait que la pianiste avait survolé tous ses concurrents dans le 20ème Concerto de Mozart au 3ème Tour. Lors du même tour où restaient encore dix-huit candidats, une œuvre du compositeur Alexey Shor, compositeur en résidence (dont la carrière s'est d'abord portée sur les mathématiques appliqués) est également jouée. Titrée « From My Bookshelf » (De ma Bibliothèque), la pièce créée par Mikhail Pletnev dans ce même théâtre du Palace Jumeirah Zabeel Saray, était ici jouée dans la version raccourcie par le pianiste russe, intitulée Suite n°2. Très longues, les épreuves expliquent aussi sans doute en partie la qualité plus que critiquable de l'orchestre en finale, les musiciens de l'Armenian State Symphony Orchestra paraissant souvent très fatigués, tandis que pour avoir suivi plusieurs répétitions, on voit que le chef Sergey Smbatyan s'est plus facilement adapté à certains solistes (dont le vainqueur) qu'à d'autres en suivant plus leurs indications de tempo.

Finale

En finale pendant trois jours, chaque finaliste interprète un concerto pour piano du grand répertoire, choisi parmi une dizaine d'ouvrage, sans que certains n'aient été retenus (personne n'a osé l'Empereur), tandis que d'autres apparaissent plusieurs fois. Signe du temps, les plus joués sont ceux du début du siècle passé, rappelant les mots de Stefan Zweig dans Le Monde d'Hier, sur le fait que l'époque qui nous fascine toujours le plus est celle du siècle passé, car elle nous est encore proche par la temporalité, et en même temps plus compréhensible que la période présente dans laquelle nous vivons. Cela permet de comprendre que le Concerto n°3 de Prokofiev est choisi trois fois et le n°3 de Rachmaninov deux fois. Les autres participants privilégient la période classique ou romantique avec le 4ème de Beethoven (deux fois) et les trop risqués n°1 de Chopin et Tchaïkovski.

Avec neuf finalistes sur la cinquantaine de candidats du début de la compétition et sur les dix-huit encore au 3ème Round, la finale s'annonce très prometteuse dès le premier des trois jours, les trois premiers candidats jouent le concerto qu'ils ont sélectionné. Cadet de la compétition, Zhiquan Wang affiche déjà du haut de ses 14 ans un toucher très mûr pour le 3ème Concerto de Prokofiev. Techniquement impressionnant, le jeune Chinois n'a pas encore beaucoup à raconter dans l'œuvre. Il passe à côté de tout le motorisme, en plus d'être largement desservi par l'orchestre et le chef, jamais porteurs. Il mérite donc la 5ème place obtenue face à des compétiteurs tous plus murs et sera un pianiste très prometteur à suivre prochainement dans d'autres compétitions.

Plus âgé (27 ans), Yuanfan Yang montre un toucher plus sûr dans le 3ème de Rachmaninov, mais n'y affiche pas beaucoup plus d'idées et n'est pas mieux porté par l'orchestre. Sa tendance à accélérer montre là encore une technique impressionnante pour une œuvre encore réputée injouable par beaucoup il y a un demi-siècle. Visiblement gaucher, il parvient à bien faire ressortir cette main qu'il rend parfois presque dominante, et assombri joliment le moment de réflexion du Finale, mais son 7ème Prix n'est pas surprenant face aux prestations des autres candidats.

Bien plus passionnante, l'Arménienne Arina Antonosyan a dû profiter un peu de parler la langue de l'orchestre et du chef pendant les répétitions, bien que l'ensemble semble surtout profiter de son talent pour s'échauffer sur le dernier concerto de la journée, encore le 3ème de Prokofiev. Cette fois-ci, dès les premières mesures ressort du toucher un grand talent de conteuse, qui a choisi des doigtés différents de ceux de Zhiquan Wang auparavant, avec notamment plus de mains croisées dans l'Andante. Plus accrocheuse dans la cadence de l'Andantino con variazioni, Antonosyan magnifie ensuite les glissandi et rassure déjà par sa prestation sur le fait qu'elle a largement le niveau pour un Premier Prix. À la fin de l'Allegro ma non troppo, on ne peut que se rappeler ici de la jeune Argerich, et le 4ème Prix obtenu par la pianiste est une surprise pour tous, car dans la presse, en faisant le bilan le dernier soir, nous étions au moins sept sur dix à la choisir comme interprète la plus passionnante de la compétition.

Le lendemain, le 4ème de Beethoven par Hyounglok Choi intéresse beaucoup moins. L'expressivité qui en ressort parfois nous fait trouver un peu dure sa 9ème place, mais le pianiste a déjà 30 ans et il se montre bien trop perdu dans la cadence conclusive de l'Allegro moderato et bien trop tendu à la main droite dans l'Andante con moto pour vraiment convaincre. Dans un style plus dynamique, mais sans jamais réussir à porter le discours et sans doute face à une audience (sans public, donc seulement composée du jury et de la presse) fatiguée pour son passage en dernier le troisième jour, Artem Kuznetsov propose une interprétation beaucoup trop classique du 1er de Tchaïkovski. Avec l'impression d'avoir déjà affaire à un pianiste de concert (il a 33 ans et déjà une petite carrière), cette prestation manque de flamme et d'idée et nous fait valider la 8ème place concédée par le jury.

Le 1er de Chopin le même jour dessert le Tchèque Marek Kozák, pourtant plus intéressant, mais auquel le jury ne pourra pardonner quelques vraies fautes, dont un Finale de plus en plus compliqué à l'aigu. Juste avant la prestation, le pianiste Hüseyin Sermet nous a avoué ne jamais avoir osé jouer cette œuvre en concert, tant il juge n'avoir pas assez à lui apporter face aux génies entendus dedans en live et en enregistrement depuis plus d'un siècle. Le 6ème prix décerné est donc compréhensible, même si la maturité de la prestation aurait pu faire monter le pianiste jusqu'à la 4ème place.

Ce même jour, , 19 ans, une artiste bien plus passionnante apparaît avec le 3ème de Prokofiev, car si elle ne convainc pas tous, tant dans la presse que dans le jury, elle en passionne d'autres – dont nous même – par son toucher déjà plein d'idée et très expressif, qui souffre certes un peu de la comparaison avec Arina Antonasyan deux jours plus tôt dans le même concerto de Prokofiev, mais apporte avec une pâte très personnelle de nombreuses nouvelles orientations sur la partition, malgré un orchestre beaucoup moins favorable. Elle mérite largement son 3ème prix.

1er et 2ème Prix

Le deuxième jour, après le Sud-coréen déjà évoqué joueront donc les deux artistes auxquels seront décernés le 1er et 2ème Prix. Dans les deux cas, les prestations sont pourtant loin d'être les plus marquantes et comme déjà évoqué, il semble que la Sud-coréenne ait largement profité du souvenir de son 20ème de Mozart au tour précédent pour justifier un second prix non en adéquation avec sa prestation décevante du 4ème de Beethoven en Finale. Certes meilleure que son compatriote dans l'œuvre le même jour, elle apparait d'abord bien stressée et ne passionne jamais vraiment, ni dans les cadences, ni par des déferlantes de notes parfois impressionnantes, mais souvent expulsées sans la moindre vision, avec un Rondo qui tourne autant à vide que le mouvement lent juste avant.

Au-dessus du lot, livre une vraie prestation de concert, avec un 3ème de Rachmaninov qui aura intéressé certains d'entre nous, dont notre confrère Alain Lompech de Bachtrack, quand, pour notre part, nous restons comme nos deux confrères polonais et turc (tous présents pour des médias participants comme ResMusica aux ICMA), très circonspect face à ce Rachmaninov très premier degré. Il faut reconnaître de la maîtrise et une véritable connaissance de l'œuvre, mais comme Gugnin nous le dira en conférence de presse improvisée après la remise des prix, « le fait de l'avoir joué plus de trente fois en concert dans sa carrière a sans doute aidé ». Ici, on ne reproche pas à l'artiste d'avoir été présent, celui-ci ayant quitté sa Russie natale depuis la guerre contre l'Ukraine avouant même « qu'il a surtout participé avec l'attrait des 100 000$ du premier prix, auquel s'ajoute dix fois 5 000$ pour dix concerts de tournées, car il en a aujourd'hui besoin pour vivre ». La question se pose cependant surtout, comme pour d'autres concours, sur les raisons de laisser encore participer de tels musiciens, dont une dizaine d'enregistrements existent déjà, à commencer par son premier lorsqu'il avait quinze ans. Risqué pour le jury comme pour le concours, et laissant penser qu'on pourrait encore trouver en face Trifonov ou Yuja Wang, ce premier prix relancera peut-être une carrière pourtant déjà non redynamisée par la 1ère place à Sydney en 2016, d'un artiste éliminé ensuite avant la finale du Concours Tchaïkovski 2019, cette compétition comme celle de Dubai est à revoir sur medici.tv.

Crédits photographiques : © Dmytro Yeliseiev

Modifié le 8/3/2024 à 14h47

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