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Chant sous les étoiles, poétique et fortifiante Symphonie n° 3 de Ture Rangström

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Pour ceux qui rêvent d'aborder d'autres possibles, cette Symphonie n° 3 du Suédois (1884-1947) constitue une opportunité à saisir sans a priori.

Ce compositeur suédois encore trop peu connu aujourd'hui a exercé un rôle non négligeable pour faire évoluer la vie musicale de son pays mais en évitant soigneusement de bousculer brutalement l'ordre établi et respecté par le plus grand nombre. Cette précision rend compte de la coexistence de mélanges stylistiques variés. Parmi ses collègues et souvent amis qui opérèrent de la sorte, on citera les parcours passionnants de (1887-1974), Oskar Lindberg (1887-1955), Natanael Berg (1879-1957), Harald Fryklöff (1882-1919), Erland von Koch (1910-2009) et Otto Olsson (1879-1964). Tous, y compris , furent à la fois fidèles à la tradition classico-romantique scandinave et, dans une certaine mesure, aux vecteurs d'une modernité contrôlée mais indéniable pour leurs collègues très conservateurs. Notons chez lui une influence populaire suédoise et des marques redevables de la musique germanique contemporaine. Son tempérament romantique demeure cependant à distance de tout angélisme et affiche souvent des traits originaux et antiacadémiques. Sa musique est largement marquée par sa passion pour la poésie qui l'exalte. Il laisse environ 300 chansons et  des opéras.

Son écriture s'appuie en majorité sur des éléments romantiques, impressionnistes et expressionnistes maniés tour à tour ou simultanément avec dextérité et singularité, et mêlés à une utilisation libre de l'harmonie restant pour l'essentiel dans un cadre traditionnel et tonal, parfois agrémenté de dissonances soudaines.

Quelques événements saillants de son parcours. Il fut critique musical pour plusieurs journaux nationaux, professeur de chant, cofondateur de la Société des compositeurs suédois puis chef d'orchestre à Stockholm et Göteborg, attaché de presse à l'opéra de Stockholm, membre de l'Académie royale de musique.

Il laisse quatre symphonies de style romantico-expressionniste qui dominent son catalogue. Après sa Symphonie n° 1 baptisée « In Memoriam August Strindberg », achevée en 1912, emplie de pages remarquables, suivit en 1919 une Symphonie n° 2 sous-titrée « Mitt Land » (Mon Pays), lyrique et délicate.

L'œuvre symphonique suivante, celle qui motive le présent texte, composée et achevée le 7 décembre 1929, a été qualifiée de fascinante. Cette Symphonie n° 3 en ré dièse majeur a pour sous-titre « Chant sous les étoiles » (Sång under Stjärnornae), elle ne comporte qu'un seul mouvement noté Maestoso. Toutefois il est aisé d'y repérer une structure symphonique habituelle par la succession des tempos suivants : rapide-lent-scherzo-finale.

Chant sous les étoiles

Elle dure environ 22 minutes et l'effectif voulu par le compositeur fait appel à 3 flûtes, 2 clarinettes, 2 hautbois et 2 bassons pour les bois, à 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones et 1 tuba pour les cuivres, timbales, harpe, à la famille des cordes, ainsi que piano, célesta et xylophone. Son origine se trouve initiée à la suite d'un voyage nocturne en mer, non dénué de danger, car alors qu'il se trouvait sur une très modeste embarcation la mer se mit à grossir dangereusement. Ce thème lié à la mer a inspiré à cette époque de nombreux créateurs nordiques mais aussi ailleurs en Europe.

« Mélodie sous les étoiles » est créée à Stockholm le 8 janvier 1930 sous la baguette du compositeur par l'Orchestre de la Société des Concerts de Stockholm auquel il l'a dédiée.

Le compositeur élabore une ligne musicale d'une plasticité et d'une flexibilité impressionnante. Elle développe une belle palette de couleurs, des sections voluptueuses et un choix de nuances subtiles sans négliger la mise en place de pages très élaborées, cohérentes et assurées, presque extatiques et saisissantes lors de l'écoute. Une ligne thématique pratiquement identique parcourt la partition ce qui pourrait la faire apparaître comme une série de variations. Son origine provient d'une chanson antérieure (écrite en 1925) très appréciée intitulée Bön till natten (Prière pour la nuit) sur un texte de Bo Bergman, écrivain qu'il appréciait particulièrement et mis en musique en plusieurs occasions.

Il indiqua que sa partition ne présentait pas de difficultés techniques majeures et souhaitait qu'elle soit jouée avec un rubato mélodique et rythmique. Le tempo fondamental de la symphonie est précisé par l'auteur : « con moto cantando e con fantasia ». Des phrases sensuelles et lyriques intensifient le mystère et le trouble amenant l'auditeur à en percevoir une expression mystique affinée par un libre et tendre impressionnisme. Des sections plus intenses dotées de rythmes plus complexes, multicolores et tendus se présentent en alternance et complètent son inspiration, sa contemplation et son cheminement radieux. On a pu y déceler ici ou là certains du futur Allan Pettersson, en particulier dans les Symphonies n° 7 et n° 8.

Rangström confia une fois qu'il considérait son travail comme « rien d'autre qu'une chanson solo, sans paroles, écrite pour grand orchestre. » Malgré cette modeste appréciation, la Symphonie n° 3 appartient au meilleur de l'inspiration orchestrale de . Le créateur précisa : « Chansons sous les étoiles est la devise de ma Symphonie n° 3. Cet intitulé lyrique indique l'accent romantique de l'œuvre et aussi le programme musical propre au compositeur. »

En guise de conclusion, on rappellera que Rangström écrivit une Symphonie n° 4 « Invocation » en 1936 d'après une pièce pour œuvre éponyme pour orgue antérieure de son cru où les traits sensuels et la sensualité précédents font davantage place à des traits baroques.

Ture Rangström résuma justement sa position esthétique en déclarant : « J'aime Strindberg et l'orage, et parmi les compositeurs j'aime Sibelius, Sinding et Carl Nielsen. » Sa Symphonie n° 3 appartient au meilleur de son inspiration orchestrale.

 Pour écouter l'œuvre

Deux versions d'excellente facture sont disponibles.

La plus ancienne a été enregistrée par le label suédois Sterling CDS-1014-2 à Helsingborg en 1979 par l'Orchestre symphonique d'Helsingborg placé sous la baguette de Janos Fürst. Durée : 22'03. En complément : Symphonie n° 1 « August Strindberg in memoriam » de Rangström.

Plus récemment, à Norrköping, en 1995, le label allemand CPO 999-369-2 l'a gravée avec le concours de l'Orchestre symphonique de Norrköping et la direction de . Durée : 22'. En complément : Symphonie n° 4 « Invocation » de Rangström.

Pour Aller + loin

BROMAN Per F, New Music of Sweden, in New Music of the Nordic Countries, edited by John D. White, Pendragon Press, 2002.

CARON Jean-Luc, Ture Rangström (1884-1947). Le Poète des Sons, Bulletin de l‘Association Française Carl Nielsen n° 22, 2000.

CARON Jean-Luc, Musique romantique suédoise, L'Harmattan, 2019.

QUIST Robert, The History of Moderne Swedish Music, The Edwin Mellen Press, 2010.

Crédits photographiques : Gustave Courbet, La Vague, 1869-1870, huile sur toile, 63 x 92 cm, Francfort © Städel Museum

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