Plus de détails
La soprano américaine Wilhelmenia Wiggins Fernandez est décédée le 2 février à l'âge de 75 ans. A l'annonce de sa disparition, tout à coup ressurgit la mémoire de sa lumineuse et incroyable présence dans le film du metteur en scène Jean-Jacques Beneix : « Diva », sorti en 1981. Avec un soin tout particulier sur la qualité esthétique des images, le réalisateur français nous raconte l'histoire d'un jeune homme épris d'opéra qui pirate le chant d'une soprano lors d'un concert. Se croyant découvert, il se trouve mêlé à son insu à une sombre histoire de chantage. Figure centrale de cette intrigue, la soprano Wilhelmenia Wiggins Fernandez y apparaît chantant « Ebben me ne andrò lontana » tiré de La Wally de Alfredo Catalani. Le film, démoli par la critique, connait néanmoins un succès notoire auprès du public. L'histoire est bien ficelée, bien racontée, les images sont belles, mais surtout, la musique, orchestrée par Vladimir Cosma met en exergue cette admirable cantilène alors connue que des seuls amateurs d'opéra, l'œuvre dont elle est tirée n'ayant plus, depuis de nombreuses années, eut la grâce des maisons d'opéra. A la sortie du film, le succès populaire de cet air fut tel qu'il tournait en boucle sur les radios et qu'il se voit coté au hit-parade de la chanson.
C'est ainsi que le public fit connaissance de la soprano Wilhelmenia Wiggins Fernandez. Âgée alors d'une trentaine d'années, le Palais Garnier de Rolf Liebermann l'avait précédemment engagée pour figurer dans sa production de La Bohème de Giacomo Puccini. Elle y chanta Musetta aux côtés de Placido Domingo et de Kiri Te Kanawa. La jeune soprano américaine avait été remarquée en 1976 lors de la tournée européenne d'une production de Porgy and Bess de George Gershwin du Houston Grand Opera, elle sortait alors de la prestigieuse Julliard School de New York.
La personnalité de Wilhelmenia Wiggins Fernandez la décrit comme une personne ne cherchant pas la lumière. Elle ne profita pas du succès obtenu lors de son apparition dans le film de Jean-Jacques Beneix. Certes, Londres, Bruxelles, Berlin et l'Australie l'ont applaudie dans l'Aïda de Verdi. Elle garda au cœur un souvenir ému de son interprétation de l'esclave verdienne à Louxor en 1994 au côté d'un lumineux Giuseppe Giacomini (Radamès) en feu. L'enregistrement vidéo d'une de ces soirées révèle une soprano à l'imposante présence scénique dotée d'une voix magnifiquement conduite, à la fois claire, chaleureuse et solaire.
Au moment où la disparition de Wilhelmenia Wiggins Fernandez attise notre regard sur l'artiste qu'elle fut, on réalise, par les quelques rares documents vidéos qui nous restent, que les quelques notes de La Wally qui l'ont rendue célèbre donnent une image bien parcellaire de cette très grande interprète. Ne serait-ce qu'à travers l'extraordinaire Vissi d'arte de la Tosca de Giacomo Puccini à Oakland en 1989. On la voit couchée sur le sol, chanter cet air d'une façon déchirante démontrant une maîtrise technique époustouflante du chant autant qu'une force scénique renversante.
Le charisme que Wilhelmenia Wiggins Fernandez renvoie dans le film «Diva» n'est de loin pas un moment de sa vie ou un effet d'un hasard heureux, mais l'empreinte d'une artiste à la valeur malheureusement sous-estimée. (JS)
Crédit photographique : © David Stephenson
Lire aussi :
la voix de la Diva a fait plus pour émouvoir que bien des violences cyniques.