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Paris. Maison de la Radio et de la musique, Auditorium. 10-I-2024. John Blow (1648 ou 49-1708) : Ode à Sainte-Cécile. Benoît Menut (né en 1977) : La nuit obscure (création mondiale) ; Henry Purcell (1659-1695) : Ode à Sainte-Cécile Z 328. Ensemble Les Surprises, clavecin et direction : Louis-Noël Bestion de Camboulas
À l'auditorium de la Maison de la Radio, le plaisir de retrouver la musique de John Blow et de Henry Purcell voisine avec la curiosité de découvrir une création de Benoît Menut.
Quoi de commun entre les deux odes à sainte Cécile des deux Anglais contemporains (« Begin the song » de Blow a été composée en 1684, « Hail ! Bright Cecilia » de Purcell, la deuxième que l'Orpheus Britannicus consacre à la patronne des musiciens à l'invitation de la Musical Society, en 1692) d'une part, et la nouvelle œuvre de Benoît Menut, donnée en création mondiale, d'autre part ? La Nuit obscure, fondée sur un texte mystique de saint Jean de la Croix, a été pensée pour être juxtaposée à l'ode de Purcell, et en reprend l'effectif et l'instrumentation (moins les timbales et les trompettes). Les timbres des instruments baroques sont exploités pour créer un tapis sonore tantôt rugueux, tantôt séduisant et enveloppant, jouant subtilement sur des oppositions (cordes pincées-cordes frottées, aigu des hautbois-douceur de l'orgue…) et créant un écrin mouvant dans lequel s'insèrent les voix. Le texte espagnol est déclamé avec force par les chanteurs, mais la partition ménage aussi des passages bouche fermée ainsi que quelques interventions solistes. Les montées en intensité suivent des moments de répit, et ces vagues successives alliées au jeu original sur les timbres embarquent efficacement l'auditeur pendant les douze minutes environ que dure la pièce. Goût des langues, jeux sur les timbres, recherche du rythme juste pour dire les mots : on retrouve bien là l'univers de Benoît Menut.
Les instruments baroques, le chœur à quatre voix, l'alternance de solos et de tutti sont ici communs aux deux odes anglaises de la fin du XVIIe siècle. Mais au-delà, les trois œuvres du soir se rejoignent dans la mise en musique du cheminement de l'âme, parmi les mille délices et vertus de la musique pour les odes anglaises, dans une obscurité et un aveuglement surmontés grâce à l'amour divin chez Jean de la Croix. Il faut dire aussi que, si l'œuvre de John Blow s'avère assez uniformément lumineuse, Purcell a su ménager des contrastes d'ombre et de lumière, de douceur et d'énergie, qui sont en commun avec l'approche de Benoît Menut.
Pour ce qui est de la réalisation, il faut louer la grande maîtrise et la justesse de ton de l'ensemble Les Surprises, dans un répertoire qui, s'il ne représente pas sa spécialité, n'est pas tout à fait nouveau pour lui. Les dix-neuf instrumentistes sont excellents de bout en bout, et la riche cohorte de basses (violoncelle, viole de gambe, violone, basson, théorbe, orgue positif et clavecin) est bien exploitée pour varier couleurs et ambiances chez Blow et Purcell. Les douze chanteurs sont pleinement investis et parfaitement intelligibles, tant dans les parties de chœur que dans les interventions solistes, dont se détachent particulièrement celles de la soprano Cécile Achille, du ténor Paco Garcia et du baryton-basse Étienne Bazola.
Crédits photographiques : © Thomas Dossou
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Paris. Maison de la Radio et de la musique, Auditorium. 10-I-2024. John Blow (1648 ou 49-1708) : Ode à Sainte-Cécile. Benoît Menut (né en 1977) : La nuit obscure (création mondiale) ; Henry Purcell (1659-1695) : Ode à Sainte-Cécile Z 328. Ensemble Les Surprises, clavecin et direction : Louis-Noël Bestion de Camboulas