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Maestro. Film de Bradley Cooper. Scénario : Bradley Cooper et Josh Singer. Décors : Kevin Thompson. Costumes : Mark Bridges. Photographie : Matthew Libatique. Montage : Michelle Tesoro. Production : Fred Berner, Bradley Cooper, Amy Durning, Kristie Macosko Krieger, Todd Phillips, Martin Scorsese et Steven Spielberg. Sociétés de production : Sikelia Productions, Amblin Entertainment, Fred Berner Films et Joint Effort. Société de distribution : Netflix. Avec Bradley Cooper (VF : Alexis Victor), Leonard Bernstein ; Carey Mulligan (VF : Élisabeth Ventura), Felicia Montealegre ; Matt Bomer (VF : Jérémy Bardeau), David Oppenheim ; Maya Hawke (VF : Alicia Hava), Jamie Bernstein ; Sarah Silverman (VF : Laurence Sacquet), Shirley Bernstein ; Michael Urie (VF : Adrien Larmande), Jerome Robbins ; Gideon Glick (VF : Benjamin Bollen), Tommy Cothran ; Josh Hamilton (VF : Xavier Béjà), John Jonas Gruen ; Sam Nivola (VF : Jessy Dubuis), Alexander Bernstein ; Miriam Shor (VF : Ivana Coppola), Cynthia O’Neal ; Alexa Swinton (VF : Iliana Sakji), Nina Bernstein. Sortie : 20 décembre 2023 sur Neflix. Durée : 129:00
Après le succès planétaire de A Star Is Born, Bradley Cooper s'intéresse à la vie, plus qu'à la carrière, du grand chef d'orchestre américain. Un film bouleversant, emporté par un acteur et une actrice au talent exceptionnel.
L'exercice du biopic n'est jamais simple dès lors qu'il s'agit de mettre en scène une star de la musique classique. Quel aspect faut-il privilégier, si l'on veut éviter le parcours relativement convenu constitué de la lente ascension précédant systématiquement la période de gloire, puis éventuellement le récit de la déchéance suivi, dans certains cas, de la possible reconstruction ? Les beaux films que nous avons autour des carrières de la Callas, de la Malibran ou de la soprano Marjorie Lawrence en sont un vibrant témoignage. Pour son deuxième film, l'acteur hollywoodien Bradley Cooper s'est donc intéressé à la figure de Leonard Bernstein, reprenant un projet relativement ancien que Martin Scorsese, puis Steven Spielberg, avaient tour à tour envisagé de réaliser. Faute de temps, et convaincus par le succès du premier film de Cooper A Star Is Born (2018), les deux réalisateurs ont fini par accepter de coproduire le film, distribué par Netflix et sorti pour les fêtes de Noël.
De la biographie de Bernstein à proprement parler, on n'apprendra pas grand-chose, sinon que sa vie professionnelle était partagée de manière à peu près égale entre ses trois carrières, celle de compositeur de renom, de chef d'orchestre célébrissime et de pédagogue reconnu, dédié à la fois à la formation de jeunes musiciens et aux activités de médiation artistique destinées à faire connaître la musique classique au grand public. Le film considère tous ces éléments biographiques comme connus implicitement, montrant Bernstein se livrant tour à tour à ces trois activités. On y croise ainsi, au hasard des séquences, les figures de mentor qu'étaient Aaron Copland et Serge Koussevitzky – « Kouss » pour l'entourage –, mais aussi plus tard Jerome Robbins au moment de la création de West Side Story. Le scénario inclut le concert de 1943 où un jeune Bernstein de 25 ans remplaça au pied levé Bruno Walter au Carnegie Hall.
Le vrai sujet du film, très clairement, est la bouleversante histoire d'amour entre Bernstein et son épouse Felicia Montealegre, jeune actrice chilienne rencontrée en 1946 au cours d'un dîner chez Claudio Arrau. Le fil conducteur de la narration filmique est la tension entre l'amour réel au sein du couple Bernstein, relation entre deux âmes sœurs nourrie de constants échanges et de profonds partages, et la bisexualité de Bernstein à laquelle le célèbre chef d'orchestre ne peut renoncer, tant les rencontres parfois passagères avec des hommes généralement plus jeunes alimentent elles aussi son art et sa quête de la beauté. Cette tension entre « éros » et « philia » nous vaut tout au long du film une série de scènes poignantes, parfois d'une rare férocité, dans lesquelles Lenny et Felicia s'affrontent, puis se retrouvent, sans la moindre compromission. L'admiration que Bradley porte à Bernstein ne va pas jusqu'à gommer les zones d'ombre de son personnage, montré comme le charmeur et le génie musical qu'il était, mais également comme un menteur et un manipulateur capable de semer le trouble dans sa propre famille.
Sur le plan esthétique, tout dans ce film est admirable, autant pour ce qui concerne la structure narrative que pour le soin apporté à l'image. On notera l'utilisation plutôt réussie, quoique cousue de fil blanc, du passage de la couleur au noir et blanc. Dès le début, Cooper impressionne par la maestria technique de sa caméra, laquelle sait passer d'un lieu à l'autre avec une fluidité confondante. On admirera également la manière dont la musique, intra- ou extradiégétique, s'immisce dans le scénario. Particulièrement remarquable, la subtilité avec laquelle un interlude dansant de la comédie musicale de Bernstein On the Town vient jouer avec les personnages et les spectateurs, le spectateur Bernstein se voyant happé par deux marins sortis tout droit du spectacle et donc de la fiction. Plus impressionnante encore est la scène montrant l'exécution de la Symphonie n°2 de Mahler donnée dans la cathédrale d'Ely, cadre parfait pour la déchirante réconciliation entre Lenny et Felicia. La performance de Cooper, autant pendant le concert qu'après, est époustouflante, grâce sans doute à la participation dans le film de Yannick Nézet-Seguin, à la fois en tant que chef d'orchestre mais également en tant que consultant pour les aspects liés à la direction.
Inutile de dire que les deux acteurs principaux crèvent l'écran, à commencer par Bradley Cooper lui-même, dont la ressemblance naturelle avec Bernstein est rehaussée par le maquillage et les effets prothétiques. De son rôle d'épouse à la fois adulée et bafouée, Carey Mulligan transmet les blessures, la mélancolie et la dignité avec une vérité déchirante.
En définitive, un film qui ne s'adresse pas uniquement aux mélomanes, même si ces derniers seront touchés par la qualité des illustrations musicales et surtout le soin avec lequel elles sont insérées dans le scénario. A consommer sans modération.
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