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Rossini à la lettre. Grégoire Alaya. Éditions Premières Loges. 444 pages. 25 €. 2023
Dans ce qui est annoncé comme la première monographie de fond consacrée à Rossini dans notre langue, Grégoire Alaya retourne à la lettre pour débarrasser la vie du compositeur des clichés tenaces qui, depuis Stendhal, collent à son image. Un passionnant dépoussiérage.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce beau volume est la première étude monographique de fond parue en français sur Rossini. Ce fait peut paraître paradoxal lorsqu’on se souvient que le compositeur, qui a vécu en France et qui y mourut, est l’auteur de quelques uns de nos plus beaux opéras, dont Le Comte Ory et Guillaume Tell. Ce livre original prend donc le parti de suivre pas à pas la carrière d’un musicien surdoué qui, contrairement à certains de ses devanciers ou contemporains, connut très vite le succès et la fortune, et qui sut tout au long de son parcours adapter son écriture en fonction des goûts et des attentes de son public, tout comme il sut se plier à l’évolution naturelle des formes musicales et génériques qu’il illustra avec brio. Quel chemin parcouru entre son premier opera seria Demetrio et Polibio, composé entre 1806 et 1808, et le pur chef d’œuvre qu’est son grand opéra à la française Guillaume Tell, le dernier ouvrage lyrique qu’il confia à la scène lyrique ! Divisé en six parties – Prémices d’une identité (1792-1809), Genèse d’une esthétique (1810-1816), Pleine lumière (1817-1822), L’aventure européenne (1823-1829), Plus que l’artiste, l’homme véritable (1830-1854), Vers un nouveau langage (1855-1868) –, l’ouvrage suit pas à pas l’ordre chronologique de la vie de Rossini, tout en analysant l’évolution de son langage musical, avec un accent tout particulier sur la manière dont les circonstances de la vie ont pu exercer une influence sur la production artistique.
Un des grands mérites de cette monographie est d’avoir débarrassé la figure du compositeur des clichés tenaces qui, depuis les écrits de Stendhal, ternissent son image : sa supposée paresse, son goût pour la gastronomie, ses boutades, qui ont longtemps caché une personnalité plus complexe et plus profonde qu’on l’a longtemps pensé. S’appuyant sur la correspondance de Rossini, l’historien qu’est Grégoire Ayala éclaire ainsi la genèse des opéras du compositeur tout en mettant sérieusement en doute un certain nombre d’affirmations colportées depuis des générations par tous les biographes qui se sont succédés. On appréciera tout particulièrement l’examen précis et détaillé des contextes politiques sérieusement agités qui secouèrent cette Italie de la première moitié du XIXᵉ siècle en quête d’unité et d’identité. De même, même si Grégoire Ayala n’est pas musicologue, il révèle un Rossini extrêmement conscient de son art, toujours soucieux du bon usage des formes musicales alors en vogue, ainsi que des différents timbres vocaux et instrumentaux dont il disposait. Passionné par les couleurs et la dynamique de son orchestre, Rossini l’était encore plus par les infinies possibilités expressives de la voix humaine, et l’auteur de l’ouvrage démontre à quel point la virtuosité vocale dont le compositeur s’était fait un des meilleurs spécialistes de son temps n’avait pas d’autre but que de servir un enjeu dramatique constitutif de l’action représentée. Tout cela, nous nous en doutions, mais cela fait du bien de le lire de façon aussi bien structurée et argumentée.
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Rossini à la lettre. Grégoire Alaya. Éditions Premières Loges. 444 pages. 25 €. 2023
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