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Prayer of Saint-Gregory d’Alan Hovhaness

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Nombreux sont les compositeurs qui, en dépit d'un catalogue parfois considérable et d'une richesse inouïe, ne sont principalement connus que par une seule musique, souvent de belle facture certes, mais assurément moins essentielle au regard des chefs-d'œuvre qui embellissent la création musicale depuis des siècles. Une œuvre du compositeur américain appartient à cette catégorie recherchée. Il s'agit de Prayer of Saint-Gregory.

(1911-2000), compositeur et chef d'orchestre américain d'origine arménienne et écossaise, passa la majeure partie de son existence à élaborer une énorme quantité de partitions abordant tous les registres de la création. En quelques mots, rappelons son passage au Conservatoire de la Nouvelle-Angleterre à Boston et ses profondes influences venues de l'Extrême-Orient après les marques laissées et entretenues par le legs culturel et musical arménien. Sa musique affiche un réel tempérament, une originalité indéniable, un langage éclectique, une assimilation de la musique de nombreuses cultures et vise, selon ses propres mots, à rencontrer tous les gens grâce à sa beauté et ses effets bienfaisants. Son œuvre dégage un climat exotique, parfois apaisé et calme, volontiers mystique et nostalgique, voire révérencieux. Il laisse un vaste catalogue riche de soixante-sept symphonies, de nombreuses œuvres orchestrales avec ou sans solistes, de la musique de chambre et des pièces vocales en grand nombre, dont Prayer of Saint-Gregory.

Cette brève partition était à l'origine un intermezzo placé dans l'opéra religieux d'Hovhaness, Etchmiadzin, composé en mai 1946 alors qu'il visitait, pour la première et dernière fois de son existence, la terre de son père né en Arménie. Il dirigea lui-même sa partition à New York en octobre de la même année. Hovhaness écrivit également, en 1968, inspiré par le même sujet, une Symphonie n° 21 baptisée « Etchmiadzin » portant le numéro d'opus 234.

Saint Gregory 1er dit l'Illuminateur, né vers 257, amena le christianisme en Arménie autour de l'an 301 ; il mourut en 331 après J.-C. Il évangélisa le pays après avoir été élevé chrétiennement en Cappadoce bien que né en Arménie. Il est vénéré comme le chef de l'église apostolique arménienne. La légende s'est emparée de cet épisode que l'on peut résumer ainsi. En effet, Saint-Grégoire fut jeté dans la fosse d'un donjon infestée de serpents et de scorpions par le roi païen Tiridate en raison de son refus de renier sa foi chrétienne. Il survécut miraculeusement après une quinzaine d'années de martyre. Après cette effroyable épreuve, il guérit miraculeusement la folie du roi païen qui, malade, l'avait fait venir à ses côtés.

A l'origine, conçue pour trompette et cordes, cette Prayer of St. Gregory date donc de 1948. Il en existe également une version pour trompette et orgue (ou piano). De même, l'orchestre complet et/ou les vents sont parfois utilisés. Ces modifications eurent lieu au cours des années 1946, 1952, 1972… On a avancé, sans doute à raison, que la partie soliste de trompette s'approprie la fonction de cantor et de prêcheur. Elle cohabite avec un grand orchestre de vents qui joue alors le rôle de la congrégation. Cette version avec orchestre fut initialement donnée en 1972 par le trompettiste de formation Gerard Schwarz à la direction du North Jersey Wind Symphony et Keith Brion comme soliste.

A l'écoute, Prayer of Saint-Gregory dégage un effet hypnotique sur l'auditeur, une beauté spirituelle, un climat sombre mais apaisant aussi. L'œuvre se présente ainsi comme une sorte de prière baignant dans une obscurité impressionnante. Un sentiment émouvant de désespoir et d'appel à l'aide s'en dégage avec force. Le compositeur y imprime aussi une demande de soutien et un élan de pardon. Son tempo modéré s'inscrit dans une veine modale, mélodique et harmonique. Les accords doux, de type choral, participent à l'élévation spirituelle de l'œuvre.

Quelques mesures confiées au piano par le biais d'une douce mélodie qu'accentuent des accords légers correspondent à la description du climat régnant dans la prison. Puis l'intervention de la trompette solo qui s'exprime avec expressivité correspond à l'accablement de prisonnier. A plusieurs reprises, la trompette intensifie le dramatisme de la situation tout en conservant sa ferveur émouvante et troublante, avant un peu plus tard de s'exprimer avec plus d'intensité, d'animation et de passion. Après un magnifique fortissimo, la trompette s'évanouit progressivement ponctuant la fin de la prière de Saint Grégoire.

Cette courte pièce fut très souvent jouée, au concert aussi bien qu'à l'église, sortie de son contexte opératique originel. Sa popularité est immense aux Etats-Unis par exemple.

Conseils discographiques

Polyphonia Orchestra, dir.  (4'22) ; enregistrement de 1970 (initialement pour le label Unicorn puis pour Poseidon Records). Crystal Records CD 807 (+ Symphonie n° 25 « Odysseus », et Symphonie n° 6 « Celestial Gate »).

Crystal Chamber Orchestra, dir. Ernest Gold (4'47) ; enregistrement de 1975, en présence du compositeur. Crystal Records CD 801 (+ Symphonie n° 11 « All Men Are Brothers »,  Armenian Rhapsodie n° 1 et Tzaikerk).

The Royal Scottish Academy of Music and Drama Wind Orchestra, dir. Keith Brion. John Wallace : trompette (3'30) ; enregistrements de 2003. Naxos 8.559207 (+ Symphonie n° 4 ; Return and Rebuild the Desolate Places, Symphonie n° 20 « Three Journeys to a Holy Mountain », Symphonie n° 53 « Star Dawn »).

Manhattan Chamber Orchestra, dir. Richard Auldon Clark. Chris Gekker, trompette (4'36) ; enregistrement de 1993. Koch 7221 (+ Symphonie n° 6 « Celestial Gate », Mountains and Rivers without end, Return and Rebuilt The Desolate Places).

Nombreuses vidéos disponibles sur le web

David Krauss (trompette), Metropolitan Opera Orchestra (the met), dir. Gerard Schwarz, 28 mai 2022 (4'45).

Rani Elias (trompette), WDR Funkhausorchestre, dir. Wayne Marschall (5'26).

Adam Gandolfo (trompette) et Kevin Kwan (orgue) (5'26) ; enregistré en l'église épiscopale Saint Luke, Norfolk, Virginie, en mars 2020.

Wynton Marsalis (trompette) et orgue (6'41). 2011.

Wynton Marsalis (trompette) et Anthony Newman (orgue) Réduction par le compositeur.   Enregistrement d'août 1998 (4'07). Sony BMG Music.

David Ball (orgue), Danny Taubenheim (trompette) et Trevor Nuckols (cor). Eglise St. John the Divine, New York City (le 25 novembre 2013). Durée : 6'40.

Pour en savoir davantage sur Hovhaness et son œuvre

CARON Jea-Luc, Alan Hovhaness (1911-2000), dispensateur de générosité, ResMusica le 26 juillet 2011.

CARON Jean-Luc Caron, Alan Hovhaness. Un monde orchestral opulent, enchanté et poétique. L'Harmattan (en préparation).

Crédits photographiques : Saint Grégoire l'Illuminateur © Image libre de droit

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