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Les adieux du Quatuor Emerson avec Barbara Hannigan à la Fondation Louis Vuitton

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Paris. Fondation Louis Vuitton. 7-X-2023. Paul Hindemith (1895-1963) : Melancholie op. 13. Maurice Ravel (1875-1937) : Quatuor à cordes en fa majeur. Arnold Schoenberg (1874-1951) : Quatuor à cordes n° 2 op. 10. Quatuor Emerson (Eugene Drucker, violon ; Philip Setzer, violon ; Lawrence Dutton, alto ; Paul Watkins, violoncelle) ; Barbara Hannigan, soprano ; Alphonse Cemin, piano

Ses membres l'avaient annoncé il y a deux ans. Fort d'une carrière de 47 ans, le s'est tenu à sa décision : cet automne, comme prévu, il est venu faire ses adieux au public français, en compagnie de la soprano .

Formé à New York en 1976, dans la lignée des Juilliard, le compte parmi ceux de légende par son long parcours sur les scènes internationales et ses nombreuses réalisations discographiques (une trentaine d'enregistrements, certains hautement récompensés, dont une demi-douzaine d'intégrales), et par les liens solides et constants qui ont uni ses musiciens depuis sa création puis à partir de 2013, lorsque le violoncelliste a succédé à David Finckel. Avant que leur carrière ne s'achève définitivement aux États-Unis dans quelques jours, ils ont retrouvé Barbara Hanningan à la Fondation Louis Vuitton pour leur ultime concert en France, conçu à partir de leur tout dernier disque, Infinite Voyage, sorti chez Alpha il y a un mois, fruit d'une unique collaboration avec la soprano canadienne. De cette gravure, on n'entendra pas le Quatuor op. 3 d'Alban Berg, mais le Quatuor de , en hommage au public français, entre Melancholie op. 13 de et le Quatuor n° 2 op. 10 d'. 

Préludant au concert, « Before it's too late », un court métrage de réalisé au studio d'Hilversum (Pays-Bas), projeté sur l'écran surplombant la scène, nous plonge dans l'ambiance des séances d'enregistrement du disque : se succèdent des séquences tissées de moments de détente émaillés de plaisanteries, et de moments de concentration et de travail supervisés par Guido Tichelman qui au passage suggère de «jouer plus et parler moins ». Si l'on est sensible à cette intrusion de la caméra dans l'intimité des musiciens filmés de près, leur complicité ainsi révélée, tout comme l'esprit d'amitié et la bonne humeur qui règnent entre eux, l'heure dans laquelle tient le film nous paraît bien longue. Il nous renseigne, au bout du compte, assez peu sur leur travail d'interprétation d'œuvres qui sortent des sentiers battus, et attise notre impatience de les écouter en « live ». 

Enfin les voici sur scène, nous offrant le plaisir d'une découverte : Melancholie, œuvre de jeunesse de , composée sur quatre poèmes de Christian Morgenstern pendant la Première Guerre mondiale. Le quatuor en fusion parfaite avec la voix de en dévoile l'écriture ciselée, la finesse de ses lignes, la transparence de ses harmonies parfois étranges, avec un art poétique sublimé par la diction et les inflexions constamment expressives, voire sensuelles (1-« Les primevères fleurissent… ») de la chanteuse. Au fil des pièces, l'intonation change : la lumière de son timbre dans la première se voile dans la deuxième, la voix se teinte d'angoisse dans la troisième, et se fait immatérielle dans l'onirique et enchanteresse « Forêt des rêves » qui clôt le cycle. 

Suit le Quatuor de Ravel. Les musiciens le jouent sur le fil d'un lyrisme mesuré, presque entravé, dans des teintes rabattues dirait-on en peinture. Quoique l'alto chante de toute son âme, le troisième mouvement « Très lent » semble crépusculaire, empreint de sombre nostalgie. Le ton élégiaque donné se mue dans « Vif et agité » en mouvements d'humeurs, alternant véhémence, inquiétude et nonchalance proche d'une forme de détachement. Le son, quoique beau, reste mince, la phrase manquant souvent de galbe, de la chavirante sensualité ravélienne. Ravel sans sa face lumineuse. Un parti interprétatif assumé mais déconcertant.

En revanche, lorsque les Emerson posent le dernier accord de fa dièse majeur du Quatuor n° 2 d', au comble du « ravissement » (intitulé du dernier mouvement !), on réalise à quel point ils lui ont rendu justice. Ils sont ici dans leur élément tout autant que dont la voix rejoint les archets dans les deux derniers mouvements. Le son du quatuor se fait dense, le lyrisme intense dans les couleurs post-romantiques du premier (Mässig). La danse appuyée du scherzo Sehr rasch agité et tenu à la fois, sonne presque comme du Mahler. Le chant à fleur de peau de la soprano pose ses mots sur les harmonies atonales de la Litanei. Délicatement coloré, vibrant, d'une superbe plasticité, il devient, dans Entrückung, vaporeux, flottant lorsqu'elle prononce « Ich fühle Luft von anderem Planeten » (je respire l'air d'autres planètes), puis, d'une envoûtante expressivité portée par les sonorités mouvantes des cordes remarquables de tact, il nous transporte dans un ailleurs irréel.

Les musiciens ardemment applaudis ont ourdi une surprise de taille en bis, que l'on devine aisément lorsque l'on voit un piano arriver sur scène : la somptueuse Chanson perpétuelle op. 37 d' (gravée avec Bertrand Chamayou), avec pour l'occasion le concours du talentueux pianiste . 

Crédit photographique © Gaël Cornier / Fondation Louis Vuitton.

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Paris. Fondation Louis Vuitton. 7-X-2023. Paul Hindemith (1895-1963) : Melancholie op. 13. Maurice Ravel (1875-1937) : Quatuor à cordes en fa majeur. Arnold Schoenberg (1874-1951) : Quatuor à cordes n° 2 op. 10. Quatuor Emerson (Eugene Drucker, violon ; Philip Setzer, violon ; Lawrence Dutton, alto ; Paul Watkins, violoncelle) ; Barbara Hannigan, soprano ; Alphonse Cemin, piano

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