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Le nouvel opus orchestral du label Présence Compositrices

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Édith Canat de Chizy (née en 1950) : Intrada, la septième trompette. Fanny Mendelssohn (1805-1847) : Ouverture en do. Germaine Tailleferre (1892-1983) : Petite suite pour orchestre. Anna Clyne (née en 1980) : Restless Ocean. Bushra El-Turk (née en 1982) : Mosaic, pour orchestre de chambre. Camille Pépin (née en 1990) : Aether, concerto pour harpe, marimba et orchestre. Augusta Holmès (1847-1903) : Andromède. Orchestre Pasdeloup, direction : Monika Wolińska, Sora Elisabeth Lee, Kanako Abe, Chloé Dufresne ; Adélaïde Ferrière, marimba ; Émilie Gastaud, harpe. 1 CD Présence Compositrices. Enregistré au Studio RIFFX de la Seine Musicale les 27 novembre et 4 décembre 2022, au Conservatoire Jean-Baptiste Lully de Puteaux le 11 décembre 2021 et à la Maison de l’ONDIF le 15 décembre 2022. Notice bilingue (français et anglais). Durée : 69:16

 

Le label Présence Compositrices livre son deuxième album et le premier avec orchestre, qui va au bout de son projet de visibilisation des musiciennes avec sept compositrices, quatre cheffes pour diriger Pasdeloup et des solistes également féminines.

L'association Présence Compositrices, en plus de ses précieuses activités de centre de ressources et de son festival annuel, a également lancé depuis près d'un an un label de qualité, ce que nous prouve encore ce deuxième opus, consacré à des pièces orchestrales de compositrices des XIXe, XXe et XXIe siècle. Le programme de ce disque, fort bien construit, aménage des passerelles riches de sens entre trois compositrices du passé et quatre contemporaines. Il s'ouvre avec panache sur Intrada, la septième trompette d'Édith (2004). La compositrice y évoque la trompette de jugement dernier, qui annonce le règne de Dieu, dans le Livre de l'Apocalypse. Son savoir-faire orchestral se manifeste dans la diversité des teintes qui émanent du motif de fanfare initial, prolongé à chaque reprise par une résonance de l'orchestre, aux cuivres, percussions et cordes, sous la baguette précise, expressive et analytique de .

n'a pas beaucoup composé pour l'orchestre, cela n'est pas sa spécialité. Et pour cause ! Sa vocation musicale a failli être tuée dans l'œuf par un père respectueux des principes de l'éducation bourgeoise du XIXe siècle, où les femmes se cantonnent au carcan du domaine privé et doivent cultiver modestie, discrétion et réserve. Fanny Hensel est un maillon essentiel de la musique romantique, on le sait aujourd'hui, elle se révèle une compositrice exceptionnelle dans les domaines du piano, de la voix et de la musique de chambre. Cette Ouverture en do (v. 1830-1834) ne reflète certes pas son génie, mais il est fort intéressant de l'entendre dans une telle interprétation, avec un orchestre si vif et contrasté, dirigé avec talent par . C'est une véritable redécouverte de l'œuvre.

La cheffe est tout aussi efficace dans les trois mouvements de la Petite Suite pour orchestre écrite par pour l'ORTF (1957), qui exalte le langage bariolé, la mosaïque stylistique et la richesse des possibilités d'écriture qu'ouvrait le XXe siècle à la musique. Curieuse de tout, marquée par la musique ancienne, les chansons populaires mais aussi avide d'expérimentations sonores, polytonalité, polyrythmie, impressionnisme, la compositrice offre avec gourmandise une riche tapisserie sonore aux multiples reflets.

Restless Ocean (2018) s'inspire de A Woman Speaks, un poème d'Audre Lorde (1934-1992), féministe et militante américaine pour les droits civiques des Africains-Américains. L'œuvre exprime le pouvoir des femmes. La compositrice y fait soupirer, chanter et crier les musiciens sur des textures qui rappellent autant Stravinski par leurs rythmes martelés que le grand orchestre romantique du XIXe siècle, une fusion qui représente aussi un style typiquement américain. Cette brève composition est menée avec brio par , qui dirige aussi Mosaic, pour orchestre de chambre, de la compositrice britannique (2009). Les origines libanaises de cette dernière l'amènent souvent à intégrer, comme c'est le cas dans cette œuvre, des bribes de musique traditionnelle orientale et des parties improvisées. Elle évoque également Le Chant de la terre de Gustav Mahler dans une écriture dense, animée superpositions frénétiques. Lorsque tout s'épure et que les cordes jouent en sourdine en un long decrescendo suspendu, c'est un instant de grâce avant une ultime explosion de l'orchestre.

Aether est un concerto pour harpe, marimba et orchestre de (2019, rév. 2020). En digne héritière d'une école française impressionniste, la compositrice démontre son amour et sa maîtrise des couleurs au fil des cinq mouvements, que la direction de Chloé Dufresnes fait scintiller avec une belle précision. Les deux solistes (percussion) et (harpe) ajoutent en contrastes dynamiques, en mobilité et en subtilité aux bruissements continus de la composition, qui évoque les mystères insondables de l'éther.

Enfin, c'est avec la compositrice romantique française que s'achève le CD, avec son poème symphonique Andromède (1883), qui mêle combat héroïque et sensualité, lorsque les deux corps de Persée et Andromède se joignent, après la victoire de ce dernier contre le monstre marin, pour libérer celle dont il est tombé amoureux. Toute la force glorieuse de l'orchestre se déploie dans ces pages symphoniques passionnées, menées avec fougue par .

Ce disque haut en couleur, dont il faut aussi relever la très belle prise de son, chaleureuse et précise, rend justice à ces femmes si injustement oubliées et nous prouve encore combien il est nécessaire de réécrire l'histoire en intégrant toute cette richesse, dont nous nous sommes privés bien trop longtemps. Une mission…

La critique du premier album de Présence Compositrices :

Les délices de l'enfer et du paradis selon Marie Jaëll et Célia Oneto Bensaid

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Édith Canat de Chizy (née en 1950) : Intrada, la septième trompette. Fanny Mendelssohn (1805-1847) : Ouverture en do. Germaine Tailleferre (1892-1983) : Petite suite pour orchestre. Anna Clyne (née en 1980) : Restless Ocean. Bushra El-Turk (née en 1982) : Mosaic, pour orchestre de chambre. Camille Pépin (née en 1990) : Aether, concerto pour harpe, marimba et orchestre. Augusta Holmès (1847-1903) : Andromède. Orchestre Pasdeloup, direction : Monika Wolińska, Sora Elisabeth Lee, Kanako Abe, Chloé Dufresne ; Adélaïde Ferrière, marimba ; Émilie Gastaud, harpe. 1 CD Présence Compositrices. Enregistré au Studio RIFFX de la Seine Musicale les 27 novembre et 4 décembre 2022, au Conservatoire Jean-Baptiste Lully de Puteaux le 11 décembre 2021 et à la Maison de l’ONDIF le 15 décembre 2022. Notice bilingue (français et anglais). Durée : 69:16

 
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