Emanuel Gat fait danser Wagner dans une pièce à l’esthétisme un peu vain
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Metz. Arsenal. 6-X-2023. Emanuel Gat : Träume. Chorégraphie : Emanuel Gat ; décor : Thomas Bradley ; création sonore : Frédéric Duru (d’après les Wesendonck-Lieder de Wagner, musique enregistrée). Emanuel Gat Dance Company (14 danseurs).
Les Wesendonck-Lieder en version dansée ? Pourquoi pas, mais il faudrait leur donner du sens.
Gat proclame sa passion pour la musique classique, et il avait déjà signé une pièce, également présentée à l'Arsenal, autour de Tosca. Cette fois, c'est le tour des Wesendonck Lieder de Wagner, soit une vingtaine de minutes de musique pour une bonne heure de spectacle. Qu'est-ce qui a attiré Gat dans cette partition, qui n'est guère qu'une esquisse des grandes œuvres scéniques de Wagner, et qui n'est pas bien servie par la sonorisation qui fait disparaître l'orchestre (dans la version dirigée par Dietrich Fischer Dieskau) au profit de la voix (Julia Varady), dont on entend la moindre prise d'air. Des chorégraphes qui dissèquent les grandes œuvres du répertoire musical, ce n'est pas une rareté, Anne Teresa de Keersmaeker s'en fait une spécialité sur des partitions autrement plus complexes. Ici, on n'a jamais la sensation que la danse permet de pénétrer au plus profond de la partition : même la « création sonore » – quelques phrases orchestrales reprises par l'électronique – n'apporte pas grand-chose. Les textes de Wagner et de Mathilde Wesendonck dits en français et en allemand pour occuper l'espace sonore, souvent peu compréhensibles, n'aident guère.
On nous promet un spectacle où l'espace de la scène, des balcons et des galeries de l'Arsenal est entièrement ouvert au jeu – en réalité, la pesante arrière-scène, qui est le moins réussi du bâtiment de Ricardo Bofill, n'est guère utilisée pendant le spectacle, à part au début. Le spectacle a été créé en avril dernier à la Felsenreitschule à Salzbourg, avec ses spectaculaires arcades taillées dans la roche. Cette insertion dans l'espace de la scène n'est pas franchement inédite, mais le passage d'une salle à l'autre n'est pas à l'avantage du spectacle : on imagine que la grande largeur de la scène salzbourgeoise donnait au spectacle une respiration qui lui manque un peu ici, et on peut supposer que c'est cette particularité qui explique qu'aucune autre date ne semble pour l'instant prévue pour ce spectacle.
Ce que propose Gat, cependant, est spectaculaire : le soin accordé aux lumières est saisissant, l'inventivité des costumes, d'abord blancs pour presque tous, puis de plus en plus chargés, ajoutant par leurs frottements une dimension sonore à l'aspect visuel. Les groupes sculpturaux soigneusement construits que forment les danseurs en groupes ou avec l'ensemble des quatorze danseurs, certains immobiles, d'autres en mouvement, comme un organisme à têtes multiples, ont une réelle beauté plastique. L'œil trouve à s'occuper pendant cette courte soirée, mais l'esprit est perplexe autant que l'oreille : on admire un bel objet, mais sans y voir beaucoup de sens ni beaucoup d'émotion.
Crédits photographiques © Julia Gat/Emanuel Gat Dance (photo d'illustration pour Träume)
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Metz. Arsenal. 6-X-2023. Emanuel Gat : Träume. Chorégraphie : Emanuel Gat ; décor : Thomas Bradley ; création sonore : Frédéric Duru (d’après les Wesendonck-Lieder de Wagner, musique enregistrée). Emanuel Gat Dance Company (14 danseurs).