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Nancy. Opéra national de Lorraine. 29-IX-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Idomeneo, re di Creta (Idoménée, roi de Crète) K.366, opera seria en trois actes sur un livret de Giambattista Varesco. Mise en scène : Lorenzo Ponte. Décors : Alice Benazzi. Costumes : Giulia Rossena. Lumières : Emanuele Agliati. Avec : Toby Spence, Idomeneo ; Héloïse Mas, Idamante ; Siobhan Stagg, Ilia ; Amanda Woodbury, Elettra ; Léo Vermot-Desroches, Arbace ; Wook Kang, le Grand Prêtre ; Louis Morvan, la Voix de Neptune ; Inna Jeskova et Séverine Maquaire, deux Crétoises ; Yongwoo Jung et Jinhyuck Kim, deux Troyens ; Rosabel Huguet, Meda. Chœur de l’Opéra national de Lorraine (chef de chœur : Guillaume Fauchère), Orchestre de l’Opéra national de Lorraine, direction : Jakob Lehmann
Envisagé initialement avec une pleine mise en scène, l'Idomeneo d'ouverture de saison à Nancy a vu ses ambitions revues à la baisse en raison de la hausse des coûts et de la diminution des financements qui frappent tous les théâtres lyriques. C'est donc une version semi-scénique qu'annonçait la programmation.
Mais c'était sans compter sur l'énergie et le talent du metteur en scène Lorenzo Ponte, remarqué lors de l'European Opera-Directing Prize 2022 où il a reçu le troisième prix. Arrivé avec un projet affiné, il est en effet parvenu en à peine deux semaines à offrir un travail scénique complet et totalement abouti, où la précision de la direction d'acteurs le dispute à la force des images scénographiques, tout en réutilisant des costumes (travail de Giulia Rossena) et des éléments de décor (travail d'Alice Benazzi) d'anciennes productions de l'Opéra national de Lorraine.
La vengeance divine de Neptune n'ayant plus cours, c'est une histoire familiale tragique et occultée qu'il nous raconte, qui trouve son origine dans le meurtre de la mère Meda par le père Idoménée montré en ombres chinoises. Meda a-t-elle réellement existé ? En tout cas, l'Histoire l'a oubliée et Electre, qui a pris sa place et mène son enquête, n'en trouve que la trace effacée dans les photos de famille. Quant à son fantôme, auquel Rosabel Huguet prête sa silhouette gracile et fluide, il apparaît comme une réminiscence, parfois sans visage, toujours en arrière-plan. Et pourquoi a-t-elle été assassinée ? Vraisemblablement parce qu'elle voulait protéger ses enfants Idamante et Ilia d'un père autoritaire, assoiffé de pouvoir voire incestueux comme le suggèrent certains gestes troublants lors d'une soirée familiale de Noël lourde de sous-entendus et bien peu festive. Après tout, l'Idoménée de la mythologie n'était-il pas prêt à sacrifier son propre fils aux Dieux ?
Si cette narration peut parfois paraître un peu plaquée sur le livret et tordre le texte, elle n'en est pas moins éclairante, de façon plus actuelle, sur les psychologies et les comportements. Le cadre étant celui de l'Italie des années 60, le clergé est cette fois catholique et soutien indéfectible au pouvoir en place. Et quand au tableau final, Idoménée, déchu et vieillissant en fauteuil roulant, tente de se racheter en cédant le pouvoir à son fils Idamante, ce dernier rejette avec colère le décret qui le nomme. Le traumatisme est toujours bien présent et le conflit n'est résolu qu'en apparence.
Hormis le rôle-titre, la jeune et brillante distribution n'est constituée que de prises de rôle. Héloïse Mas est un Idamante idéal au timbre d'une richesse et d'une profondeur remarquables et à la projection impeccable. L'actrice n'est pas en reste et donne consistance avec subtilité à ce rôle riche et complexe malgré le désavantage de son costume de garçonnet. À ses côtés, Siobhan Stagg campe avec réussite une Ilia tout aussi infantilisée avec ses poupées et son cartable, à laquelle manque seulement une plus grande luminosité de l'aigu. Succédant in loco en Elettra à Marina Rebeka, Amanda Woodbury fait forte impression par sa véhémence, ses aigus cinglants et les vocalises brillantes et assurées de son air final « D'Oreste, d'Aiace ».
Pour Toby Spence, appelé en remplacement d'Atalla Ayan, il est hélas un peu tard et son Idomeneo assez neutre et effacé ne convainc pas vraiment. Le timbre demeure de la plus belle eau et l'homogénéité vocale reste parfaite mais le souffle se raccourcit et la vocalise se fait laborieuse. Son « Fuor del mar » n'est dans ces conditions pas le feu d'artifice attendu et passe presque inaperçu. De sa voix de ténor claire et intense, Léo Vermot-Desroches donne un fort relief à Arbace, tout comme Wook Kang en Grand Prêtre. Et l'on s'en voudrait d'oublier l'impressionnant Louis Morvan dont les interventions depuis la coulisse en Voix de Neptune sont tonnantes à souhait et emplissent le théâtre.
En choisissant la version de la création à Munich en 1781, avec un Idamante mezzo-soprano et dans l'édition de la Neue Mozart-Ausgabe, le chef Jakob Lehmann opte pour l'authenticité. Il y pratique quelques coupures dans les récitatifs et omet comme souvent le long ballet. Sa direction très articulée aux cordes, vive et alerte, soigne le drame et soutient parfaitement le plateau. L'Orchestre de l'Opéra national de Lorraine sonne magnifiquement et avec une parfaite homogénéité. Cependant la disposition choisie en fosse, avec des cordes en avant et découvertes et des bois et vents en arrière sous la scène, désavantage ses derniers et nous prive parfois des subtiles fusions de timbres et des magiques couleurs de l'orchestration mozartienne.
Crédits photographiques : Héloïse Mas (Idamante), Siobhan Stagg (Ilia) / Héloïse Mas (Idamante), Toby Spence (Idomeneo), Siobhan Stagg (Ilia), Amanda Woodbury (Elettra) © Simon Gosselin
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Nancy. Opéra national de Lorraine. 29-IX-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Idomeneo, re di Creta (Idoménée, roi de Crète) K.366, opera seria en trois actes sur un livret de Giambattista Varesco. Mise en scène : Lorenzo Ponte. Décors : Alice Benazzi. Costumes : Giulia Rossena. Lumières : Emanuele Agliati. Avec : Toby Spence, Idomeneo ; Héloïse Mas, Idamante ; Siobhan Stagg, Ilia ; Amanda Woodbury, Elettra ; Léo Vermot-Desroches, Arbace ; Wook Kang, le Grand Prêtre ; Louis Morvan, la Voix de Neptune ; Inna Jeskova et Séverine Maquaire, deux Crétoises ; Yongwoo Jung et Jinhyuck Kim, deux Troyens ; Rosabel Huguet, Meda. Chœur de l’Opéra national de Lorraine (chef de chœur : Guillaume Fauchère), Orchestre de l’Opéra national de Lorraine, direction : Jakob Lehmann