Furtwängler et la violoncelliste Lasker-Wallfisch d’Auschwitz
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Klassik unterm Hakenkreuz – Der Maestro und die Cellistin von Auschwitz. La musique classique du temps de la croix gammée, le maestro et la violoncelliste d’Auschwitz : Anita Lasker-Wallfish et Wilhelm Furtwängler. Un film documentaire de Christian Berger. Réalisé en 2022. 1 DVD C Major. Langages audio : anglais, allemand, espagnol. Sous-titres : anglais, français, allemand, coréen, japonais. Livret de 17 pages. Durée : 86:00
C MajorCe documentaire retrace les heures les plus sombres des musiciens juifs allemands durant la Seconde Guerre mondiale et la position complexe du chef Wilhelm Furtwängler. Un traitement pédagogique d'une période douloureuse de l'histoire, à l'aide de documents rares et d'interviews judicieusement choisis.
De nombreux films et documentaires ont déjà montré cette période terrible de l'histoire mondiale des années 30 et 40. On se souvient d'un film récemment consacré à la vie de Simone Veil qui retrace l'enfer des camps de concentration. Ce nouveau documentaire réalisé par Christian Berger met en parallèle des évènements historiques avec des images d'archives liées directement à la place qu'occupait la musique sous le IIIᵉ Reich. Le chef Furtwängler y est principalement présent. En même temps, et dans ce contexte, est racontée l'histoire d'une jeune musicienne juive, Anita Lasker, qui connut la terrible condition des camps. Parmi les personnalités interviewées dans ce documentaire, le chef allemand Christian Thielemann exprime ce que l'on peut ressentir au niveau émotionnel : « devant tout cela, on est tout petit et impuissant ». L'Allemagne a toujours été un pays de musique, ce dont se servit Hitler pour assoir son pouvoir au travers de purges et de sa propagande portée par Goebbels. Le contrôle était absolu et l'emprise totale, comme une couverture et une fierté nationale : un peuple culturel qui façonne l'âme raciale ! A ce moment là une jeune violoncelliste est arrêtée lors de la « Nuit de cristal », ou Kristallnacht, nom donné aux violents pogroms anti-juifs qui eurent lieu en Allemagne les 9 et 10 novembre 1938.
Au même moment, Wilhelm Furtwängler était le grand chef d'orchestre que l'on sait. Il galvanisait les orchestres et le public par ses tempi inouïs, sa spontanéité, sa simplicité, donnant l'impression de composer en dirigeant par une intense conviction. Pour lui politique et musique devaient rester séparées, cette dernière comme une valeur éternelle. Devant les évènements pressants, il prend la défense des musiciens de son orchestre dont quatre juifs expulsés, ainsi que des personnalités reconnues comme Paul Hindemith. Même s'il démissionne de l'orchestre de Berlin dès 1934, sa situation est intenable, son pacte avec Goebbels est faustien… Les purges se poursuivent. La musique juive est déclarée « dégénérée », celle du jazz produite par des noirs est elle aussi bannie. Les musiciens juifs allemands, eux, continuent de jouer dans diverses associations musicales et se produisent dans des synagogues, des magasins ainsi qu'au Palais Portia, célèbre salle de concert à Munich.
En 1942, la jeune Anita est arrêtée et déportée à Auschwitz, elle a 17 ans. A son arrivée elle déclare être violoncelliste, cela la sauve car elle est immédiatement intégrée dans l'un des orchestres du camp. C'est Alma Rosé, nièce de Gustav Mahler, qui dirigeait cette formation et l'arrivée d'une violoncelliste était un évènement car cet instrument était rare. Cette orchestre était essentiellement constitué de femmes et il s'y jouait essentiellement des marches militaires et de la musique de Robert Schumann. On comptait jusqu'à cinq orchestres dans ce camp, servant aussi d'alibis lors de visites d'inspections.
Le pouvoir réussit des coups d'éclat comme cette représentation à Berlin de la Symphonie n° 9 de Ludwig van Beethoven dirigée par Furtwängler en présence de Hitler : une version conservée en archives montre le tragique du moment avec un chef tenaillé entre ses obligations et ses convictions. Pour Hitler et son régime, Bayreuth est le symbole même de l'idéologie musicale allemande, porté par Richard Wagner, reconnu pour ses positions antisémites. Hitler, wagnérien averti, entretient des relations avec sa famille dont Winifred, belle-fille du compositeur. Wilhelm Furtwängler est appelé à diriger au « Festival de la guerre » comme il se disait. Il dirige également dans des usines pour que les travailleurs conservent le moral pendant ces années tragiques.
Rescapée des camps, Anita Lasker-Wallfish s'installe en Angleterre en 1946, poursuivant sa carrière de musicienne au sein de divers orchestres dont l'English Chamber Orchestra. Elle est la mère de Raphael Wallfisch, violoncelliste et grand-mère de Simon Wallfisch, baryton qui chante une mélodie juive à la fin de ce reportage. Elle a été reçue au Bundestag, le parlement allemand, en janvier 2018, où elle s'est exprimée lors d'un discours sur ses souvenirs, son pardon et sa haine évacuée qui -comme un poison- ne ferait que la détruire elle-même. Grâce à sa grandeur d'âme, elle a prêché la réconciliation. Elle vit à Londres dans sa 99e année.
Ce film documentaire réunit de très nombreux documents d'archives précieux et souvent très rares. On y voit particulièrement Wilhelm Furtwängler dans des prises de vues restaurées et colorisées de la plus grande qualité. En complément, les récentes interviews réalisées auprès de personnalités du monde musical, apportent un regard très intéressant sur cette période. A tout point de vue, ce DVD est incontournable.
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Klassik unterm Hakenkreuz – Der Maestro und die Cellistin von Auschwitz. La musique classique du temps de la croix gammée, le maestro et la violoncelliste d’Auschwitz : Anita Lasker-Wallfish et Wilhelm Furtwängler. Un film documentaire de Christian Berger. Réalisé en 2022. 1 DVD C Major. Langages audio : anglais, allemand, espagnol. Sous-titres : anglais, français, allemand, coréen, japonais. Livret de 17 pages. Durée : 86:00
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