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Kirill Petrenko magnifie le répertoire contemporain avec ses musiciens berlinois

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Berlin. Philharmonie. 15-IX-2023. Iannis Xenakis (1922–2001) : Jonchaies ; Márton Illés (né en 1975) : Lég-szín-tér ; Karl Amadeus Hartmann (1905–1963) : Gesangsszene (Scène chantée) pour baryton et orchestre) ; György Kurtág (né en 1926) : Stele op. 33. Christian Gerhaher, baryton ; Berliner Philharmoniker ; direction : Kirill Petrenko

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Quatre compositeurs très différents, un soliste d'exception, et une musicalité naturelle dans des œuvres tout sauf simples : le public s'enthousiasme à raison.

Présenté à la fois dans le cadre de la Musikfest Berlin et de la saison régulière du Philharmonique de Berlin, le programme ambitieux présenté par est de ceux qui auraient fait le vide il y a quelques années. Il reste quelques places vides, certes, et quelques-unes de plus après l'entracte, mais le programme est présenté trois soirs de suite comme les autres programmes de la saison, et le taux de remplissage doit tourner autour de 90 % : les ovations après chaque pièce le prouvent, les détracteurs de la musique contemporaine n'ont plus le grand public avec eux.

Le concert commence avec Jonchaies de Xenakis, une pièce qui semble faite pour l'acoustique de la Philharmonie, qui lui permet de prendre toute sa force plastique dont aucun enregistrement ne pourrait rendre suffisamment compte. Petrenko apporte ici une transparence, une clarté qui ne nuit jamais à la force de la pièce, mais permet d'entendre le moindre détail, d'en percevoir toute la complexité sans sacrifier l'impression d'ensemble.

La pièce la plus ancienne du concert a pour elle la présence d'un soliste prestigieux, , qui avait déjà chanté la Scène chantée de Hartmann avec Kirill Petrenko il y a quelques années. Hartmann, né en 1905, n'appartient pas à la génération des enfants terribles de la musique au sommet de leur prestige dans l'Europe de l'après-guerre, Boulez, Nono ou Xenakis, qui ouvre le concert avec Jonchaies ; la Scène chantée, composée au milieu des années 60 sur un texte de Giraudoux écrit en 1943 au cœur de la catastrophe européenne, naît de la même inquiétude que les Soldats de Zimmermann composés au même moment, celle d'une apocalypse nucléaire.

La modernité tempérée de Hartmann cède la place sous la baguette de à un univers sonore beaucoup plus radical qui la place dans l'ascendance directe de Jonchaies, entre autres dans l'usage abondant des percussions ; le solo de flûte initial – admirablement lyrique sous les doigts de Sébastian Jacot – pourrait ramener l'œuvre en arrière, aux solos initiaux du Sacre du Printemps ou d'Amériques, tout comme l'introduction, avec sa rigueur d'écriture qui est un peu comme un monde d'hier, mais à partir de l'entrée du baryton en dialogue avec des percussions insistantes, Hartmann  montre l'arrivée de la catastrophe avec une puissance qui dépasse largement la recherche d'expressivité. montre ici non seulement une santé vocale insolente, mais aussi un pouvoir expressif tellurique, de la simple déclamation du début de la pièce jusqu'aux explosions qu'invoque le texte, et jusqu'à la fin parlée de la pièce, élégante solution à son inachèvement.

À côté de ce dialogue inattendu, le concert laisse aussi la place à la création, avec une pièce de , Lég-szín-tér, soit quelque chose comme Scène aérienne. La pièce d'un bon quart d'heure est accueillie par quelques huées très décidées, mais vite réprimées par des bravos tout aussi décidés. Rien de révolutionnaire dans cette œuvre agréable, en trois mouvements bien distincts, qui s'inscrit dans une tradition spectrale, mais une belle démonstration d'orchestre, entre fluides nappes de cordes et moments plus agités qui ont moins une fonction expressive qu'une sorte de force d'entraînement.

Pour conclure le concert, choisit, Stele de , une œuvre étroitement liée à l'orchestre,  qui l'a commandée et créée sous la direction de Claudio Abbado, en 1994, et a eu l'occasion de la remettre au programme sous la direction de Simon Rattle et de Bernard Haitink. La violence du second mouvement, comme l'irruption de la tragédie après l'inquiétude diffuse du premier, est grandement atténuée par Petrenko ; le troisième mouvement, beaucoup plus doux, mais qui décrit les retombées de long terme de cette tragédie, en perd pas mal de force. Ce que le chef propose est d'une grande beauté sonore, avec un orchestre qui parvient avec lui au sommet de ses possibilités chromatiques et expressives, mais on ne peut s'empêcher de penser que le travail sur la partition n'est ici pas vraiment à la hauteur de l'investissement du compositeur dans chaque note. Ce n'est cependant qu'une nuance dans une soirée marquante qui montre combien un travail de fond sur le répertoire contemporain peut être passionnant pour le public autant que pour les musiciens.

Crédits photographiques © Bettina Stöß/Berliner Philharmoniker

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