Bis repetita : Jakub Hrůša dirige les Wiener Philharmoniker au Théâtre des Champs-Elysées
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Paris. Théâtre des Champs-Elysées. 14-IX-2023. Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano et orchestre n° 2 op. 83 ; Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie n° 8 en sol majeur op. 88. Igor Levit, piano. Orchestre Philharmonique de Vienne, direction : Jakub Hrůša.
Après ses débuts mitigés face aux Wiener Philharmoniker en mai dernier, Jakob Hrůša conduit une fois encore la prestigieuse phalange viennoise à Paris dans un programme taillé sur mesures, suspendu entre slavitude et germanité, associant Brahms et Dvořák.
Étoile montante de la direction d'orchestre, aussi à l'aise dans la fosse qu'au concert, Jakub Hrůša, directeur de l'Orchestre de Bamberg et du Royal Opera House, défend avec brio son répertoire national avec la Symphonie n°8 d'Antonín Dvořák, tandis qu'Igor Levit, pianiste virtuose, germano-russe, confirme son penchant pour les grandes œuvres intimidantes avec le Concerto pour piano n °2 de Brahms, pilier incontournable du répertoire concertant pour piano.
Malheureusement, dès les premières mesures du Concerto pour piano de Brahms (1881) Igor Levit peine à résister à la puissance orchestrale de la phalange viennoise dans une joute qui tournera rapidement en faveur de l'orchestre ; un déséquilibre encore majoré par l'acoustique très sèche de la salle et par la direction puissante sans concession du Brahms bien charpenté de Jakub Hrůša. Face à des cordes engagées et très compactes, le jeu délicat et sans ampleur sonore d'Igor Levit échoue à s'imposer notamment dans le très percussif premier mouvement où il est parfois couvert. Le deuxième mouvement souffre des mêmes réserves, le piano ne réussissant qu'à développer une courte mélodie méditative avant que la virtuosité orchestrale (cor, petite harmonie, cordes) ne reprenne l'ascendant. Il faudra attendre les deux derniers mouvements pour pouvoir bénéficier du jeu subtil et délicat d'Igor Levit dans un Andante magnifique de profondeur d'intonation et de poésie où le piano confident répond à la cantilène du violoncelle dans un véritable double concerto soutenu par une superbe petite harmonie (hautbois). L'Allegretto grazioso final, gracieux, ludique et dansant, reposant sur une orchestration plus légère qui fait la part belle à la petite harmonie, met en avant la grande variété de toucher du pianiste, la virtuosité, la fluidité et les couleurs de son jeu dans un équilibre enfin retrouvé avec l'orchestre, concluant une interprétation en demi-teinte, heureusement sauvée in extremis par une sublime lecture du deuxième mouvement de la Pathétique de Beethoven donnée en bis.
Point de réserves en revanche pour la Symphonie n° 8 d'Antonín Dvořák dont Jakub Hrůša, « dans son jardin », donne une interprétation flamboyante et passionnée, portée par des Wiener Phiharmoniker virtuoses, tous pupitres confondus, chauffés à blanc et totalement acquis au chef tchèque. Le premier mouvement donne le ton : poésie, fluidité, souplesse et ampleur du propos, splendide legato des cordes, très lyriques et compactes (cordes graves), rutilance des cuivres bien contenus, poésie de la petite harmonie (flûte) engagement de la direction, toutes caractéristiques réunies dans un Allegro con brio épique, chargé de joie et d'émotion, ornementé de beaux contrechants de cuivres. Imprégné d'un intense sentiment d'attente entretenu par les traits répétés de la petite harmonie (flûte) du cor et du violon solo, l'Adagio voit son phrasé se creuser, recrutant le tutti dans une mélodie teintée d'un dramatisme très tchaïkovskien avec force nuances et contrastes. L'Allegretto grazioso qui n'est pas sans rappeler, quant à lui, les Danses hongroises de Brahms, déroule ensuite une ample, élégante et entrainante mélodie aux cordes d'un romantisme slave éperdu, avant que le Finale annoncé par un appel de trompette et un roulement de timbales n'achève cette lecture toute dionysiaque sur une section démonstrative et théâtrale, bien rythmée, pleine de vitalité, où l'on admire une fois encore l'acuité et l'énergie de la direction, ainsi que la cohésion superlative de l'orchestre.
Une gourmandise typiquement viennoise, dont les Wiener Philharmoniker sont friands en fin d'année, donnée en bis, vient conclure ce beau concert.
Crédit photographique : © Andreas Herzau
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Paris. Théâtre des Champs-Elysées. 14-IX-2023. Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano et orchestre n° 2 op. 83 ; Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie n° 8 en sol majeur op. 88. Igor Levit, piano. Orchestre Philharmonique de Vienne, direction : Jakub Hrůša.