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Chez William Christie, dans les jardins des goûts réunis

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Thiré. Dans les jardins de William Christie 20-IX-2023. Promenade dans les jardins. Œuvres de John Dowland (1563-1626), Jean-Féry Rebel (1666-1747), Michel Corrette (1707-1795), Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755), Georgio Mainerio (1535-1582), Francesco Geminiani (1687-1762), Henry Purcell (1659-1695).
Au Miroir d’eau, The Fairy Queen, Henry Purcell (1659-1695). Paulina Francisco, soprano. Georgia Burashko, Rebecca Leggett, Juliette Mey, mezzo-sopranos. Rodrigo Carreto, Ilja Aksionov, ténors. Hugo Herman-Wilson, Benjamin Schilperoort, barytons. Danseurs de la Compagnie Käfig et de la Juilliard School, orchestre des Arts Florissants. Mise en espace et chorégraphie Mourad Merzouki. Direction musicale : Paul Agnew

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A Thiré en Vendée, la Fondation propose chaque été une semaine de concerts qui réunissent musiciens expérimentés et jeunes chanteurs en devenir.


Louis XIV et ont en commun l'amour des jardins. Mais si la rigoureuse organisation des jardins à la française se lit à Thiré dans les allées de topiaires, on est aussi par endroit transporté en Italie sous les grands pins parasols de la villa Borghèse. Ces jardins enchantés sont le miroir des goûts éclectiques de leur pygmalion : c'est le » jardin des goûts réunis », comme le dit fort spirituellement . Chaque été depuis douze ans, la musique investit ces lieux pour offrir au public une semaine de concerts, gérée par une organisation au cordeau, à l'anglo-saxonne. La transmission est le mot-clef du maître des lieux : les jeunes chanteurs de l'Académie du Jardin des Voix se mêlent ici à des étudiants de la Juilliard School de New York et aux musiciens « historiques » des Arts Florissants. Un mélange de générations, et la transmission de l'expérience par la pratique, dans une ambiance conviviale de summer camp à l'américaine.

Promenades musicales


Une déambulation bucolique permet aux spectateurs de découvrir un court programme pour petite formation, au détour d'un bosquet ou sous la tonnelle du Cloître. On écoute ainsi accompagné par la viole de , le théorbe de et la contrebasse de Douglas Balliett, dans un programme autour d'airs de Dowland, que les quatre complices n'hésitent pas à faire alterner avec une chanson d'E. Fitzgerald. Sous les frondaisons de la Pinède, c'est au tour du maître de céans, William Christie himself, d'accompagner au clavecin le violon d'Emmanuel Resche-Caserta dans une suite de . Dans l'espace intime et fleuri du Cloître, c'est à un « Conciliabule chez la duchesse du Maine » que nous invitent le basson d'Evolène Kiener et le violoncelle d'Elena Andreyev. Un peu plus loin, sur l'autre rive de la rivière serpentine, c'est la soprano qui nous entraîne avec exubérance sur les chemins italiens, avec le concours des percussions affûtées de Marie-Ange Petit. Enfin, le public converge vers les Terrasses que domine la maison principale, où l'attend une formation plus fournie des Arts Florissants. C'est l'occasion pour William Christie d'introniser la violoniste américaine comme nouveau premier violon de l'ensemble, qui succède à Emmanuel Resche-Caserta. Le programme, construit autour de The enchanted forest de Geminiani, sert d'introduction au Fairy Queen du soir, en nous donnant à entendre deux airs de Purcell chantés par le baryton Hugo Herman-Wilson, dont la voix trémulante ne nous séduit guère dans le célèbre « Air du froid ». Il faut dire que le manque de précision de l'ensemble ne créait pas les conditions d'accompagnement idéal, avec les partitions qui faseyaient sous la légère brise vespérale.

Féérie d'une nuit d'été

Nous voici maintenant face à la scène installée sur le Miroir d'eau, pièce maitresse de la propriété, où en grand effectif vont présenter une nouvelle production de The fairy Queen sous la direction attentive de . Cette production mise en scène par le chorégraphe Mourad Merzouki, est appelée à une grande tournée internationale, dont la première étape est donc proposée sur la scène des jardins de Thiré. Dans sa conférence de presse introductive, le chef explique la volonté d'avoir transformé le masque de Purcell, initialement conçu comme un divertissement musical servant d'intermède au Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, en un ballet à la française. On sait combien le roi Charles II, durant son exil à la cour de Louis XIV, a été influencé par la musique de Lully, dont il a cherché à reproduire les fastes à son retour en Angleterre. L'opéra de Purcell est ainsi pensé comme un ballet de cour, où la danse remplace le théâtre. Et c'est au chorégraphe Mourad Merzouki que ont confié la mise en espace de l'œuvre, où le mot d'ordre est la fusion entre chanteurs et danseurs, au point qu'il est parfois difficile de savoir qui chante et qui danse, comme si chacun était interchangeable, dans un parfait esprit de troupe. Mourad Merzouki vient du monde du hip-hop et du breakdance. On se souvient qu'il a déjà fait se côtoyer musique baroque et hip-hop dans le spectacle de la Folia en 2019. son approche de l'œuvre est très instinctive et laisse beaucoup de place à l'improvisation des danseurs, point commun avec l'interprétation de la musique baroque. Et ce pari de modernité marche ici parfaitement sur scène, où les six danseurs sont omniprésents au milieu des chanteurs, qui se retrouvent comme entraînés par le mouvement. Le spectacle donne ainsi  une impression d'énergie galvanisante, sans aucun temps mort.

Le fond de scène qu'offrent les arches de buis et le mur de rocaille au bout de la perspective du bassin suffit au décor, renforcé par les frondaisons naturelles du parc. Le déclin progressif de la lumière du soir et la tombée de la nuit sont les autres éléments qui participent à la magie de la scénographie naturelle. Dès l'ouverture du premier acte, c'est le poète ivre interprété par le baryton Hugo Herman-Wilson qui fait le lien entre l'espace profane et l'enchantement de la nuit. Sa balourdise et son chant truculent appellent les railleries de chacun. Ce monde diurne est le royaume des oiseaux, représentés sur la scène par les flûtes à bec de Sébastien Marq et Nathalie Petibon qui se mêlent à la troupe. L'acte II s'ouvre sur des airs de sommeil qui accompagnent la tombée de la nuit, et l'air  Hush no more! chanté par la basse est repris très lentement, a capella. Les danseurs calment leurs acrobaties pour endosser le rôle du chœur antique qui souligne le sens du texte. A l'acte III, l'air If love is a sweet passion chanté par la soprano est un régal de douceur, avant un duo humoristique entre Corydon et Mopsa que le ténor pimente avec verve dans un rôle de travesti en voix de fausset. La nuit tombe peu à peu sur Thiré pendant l'entracte, et c'est sur un roulement de tambour que s'ouvre l'acte IV, qui commence par une belle ouverture à la française. Pour célébrer l'arrivée du printemps, c'est au tour d' de venir sur la scène avec son violon pour un air merveilleusement ornementé qui dialogue avec la voix de velours de la mezzo-soprano , nous offrant toutes deux des pianissimi époustouflants. Et quand arrive l'hiver, sur une magnifique descente chromatique de l'orchestre, il nous semble ressentir les frissons du froid à l'unisson des tremblements instrumentaux. Enfin, l'acte V voit le retour de l'aurore, et le sommet de l'œuvre est atteint avec l'air Let's me weep chanté tout en nuance et en émotion par l'excellente . D'un bout à l'autre du programme, les chanteurs sont soutenus par un continuo très inventif. La chaconne finale réunit toute la troupe en une farandole colorée où dansent et chantent de concert les huit lauréats du Jardin des Voix et les danseurs de la compagnie Käfig. Quant à l'orchestre, dirigé avec subtilité par , il fait preuve tout le long du spectacle d'une parfaite maîtrise, toutes générations confondues.

Crédits photographiques : © Julien Gazeau, Christian Glaenzer

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Thiré. Dans les jardins de William Christie 20-IX-2023. Promenade dans les jardins. Œuvres de John Dowland (1563-1626), Jean-Féry Rebel (1666-1747), Michel Corrette (1707-1795), Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755), Georgio Mainerio (1535-1582), Francesco Geminiani (1687-1762), Henry Purcell (1659-1695).
Au Miroir d’eau, The Fairy Queen, Henry Purcell (1659-1695). Paulina Francisco, soprano. Georgia Burashko, Rebecca Leggett, Juliette Mey, mezzo-sopranos. Rodrigo Carreto, Ilja Aksionov, ténors. Hugo Herman-Wilson, Benjamin Schilperoort, barytons. Danseurs de la Compagnie Käfig et de la Juilliard School, orchestre des Arts Florissants. Mise en espace et chorégraphie Mourad Merzouki. Direction musicale : Paul Agnew

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