Mezzo-soprano et contre-ténors au Festival de musique baroque et sacrée de Froville
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Froville-la-Romane. Prieuré. 28-VI-2023. Giovanni Bononcini (1670-1747) : prélude pour violon seul en ré mineur ; cantate « Misero pastorello » ; sonate pour chambre en ré mineur n°11 ; cantate « Lasciami un sol momento » ; cantate « Gia la stagione d’amore » ; prélude et cantate « Siedi Amarelli mia ». Antonio Maria Bononcini (1677-1726) : sinfonia per camera en do majeur. Max Emanuel Cencic, contreténor. Nuovo Barocco Orchestra, direction et violon : Dimitris Karakantas
Froville-la-Romane. Prieuré. 30-VI-2023. Antonio Vivaldi (1678-1741) : allegro extrait de la sinfonia RV 152 ; « Alza in quegl’occhi », « Oh ingiusti numi … Anderò, chiamerò », « Amorose ai rai del sole » extraits de Orlando Furioso ; allegro extrait de la sonate pour violoncelle ; « Ho il cor gia lacero » et « Agitata da due venti » extraits de La Griselda ; allegro extrait du concerto n°21 ; « Sposa son disprezzata » extrait de Bajazet ; « Face et anguibus » extrait de Juditha triumphans.. Blandine de Sansal, mezzo-soprano. Le Concert de l’Hostel Dieu, direction et clavecin : Franck-Emmanuel Comte
Froville-la-Romane. Prieuré. 2-VII-2023. Domenico Gabrielli (1659-1690) : « Aure voi de’ miei sospiri » extrait de San Sigismondo. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : « L’angue offeso mai riposa » et « Svegliatevi nel core » extraits de Giulio Cesare ; sonate pour deux violons, alto et basse continue en sol majeur HWV 399 ; « Mi lusinga » extrait de Alcina. Nicola Porpora (1686-1768) : « Alto Giove » extrait de Polifemo. Antonio Vivaldi (1678-1741) : « Vedrò con mio diletto » extrait de Il Giustino ; « Face et anguibus » extrait de Juditha triumphans. Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : « Non saprei qual doppia voce » extrait de Semiramide riconosciuta. Johann Gottlieb Goldberg (1727-1756) : sonate pour deux violons, alto et basse continue en ut mineur. Valer Sabadus, contreténor. Ensemble Ludus instrumentalis, direction : Evgeny Sviridov
Niché au cœur de la campagne lorraine, le Festival de Froville-la-Romane accueille depuis plus d'un quart de siècle tout ce que la musique baroque connaît de mieux. L'édition 2023 n'aura pas échappé à la règle, avec une programmation constituée à la fois des grands tubes du répertoire et de pistes musicales encore peu explorées.
Pour sa 26e édition, le Festival de musique baroque et sacrée de Froville continue à déployer une programmation à la fois traditionnelle et originale, confiée aussi bien à de jeunes talents récemment découverts qu'à des interprètes connus et confirmés. Les trois concerts auxquels nous avons pu assister cette année confirment cette politique qui, à n'en pas douter, sera également celle du nouveau directeur tout récemment nommé, le ténor Emiliano Gonzalez Toro.
Le concert du 28 juin permet aux festivaliers de retrouver un artiste familier du festival en la personne du contreténor Max Emanuel Cenčić. Consacré à l'œuvre des deux frères Bononcini, Giovanni Battista et Antonio Maria, le programme est construit autour de quatre cantates de chambre du premier. Leur intérêt musical est quelque peu compromis par une certaine impression de redites et de répétitions, le public n'ayant pas forcément accès aux éléments qui pourraient donner à chacune de ces pièces sa spécificité propre. Identiques dans leur structure, proposant à chaque fois la formule « récitatif – air lent – récitatif – air rapide », les quatre cantates affichent cependant une belle veine mélodique, ainsi qu'un goût pour la virtuosité dont ne surjoue par le chanteur, lequel prend le parti de mettre en avant la dimension intérieure de pièces consacrées aux affres et aux tourments amoureux. Les pièces instrumentales obtiennent davantage de succès, grâce notamment à la fougue, l'ardeur et la virtuosité du violoncelliste Michal Stahel, soliste du Nuovo Barocco Orchestra dirigé par le violoniste Dimitris Karakantas. Le violoncelle était l'instrument des deux Bononcini, et cela s'entend. Il faut finalement les trois bis généreusement proposés au public, trois extraits de La Griselda (1722), un des rares véritables succès londoniens de Giovanni lors de la période où il était en rivalité avec Haendel, pour réellement enthousiasmer le public et finir en beauté une soirée intéressante sur le plan musicologique, mais assez pauvre en émotions musicales.
Le concert du vendredi 30 juin a comme unité thématique l'hommage à la chanteuse française Anna Giraud, ou Anna Giro, fille d'un perruquier français installé à Mantoue qui avait rencontré Vivaldi dans cette même ville. Subjugué par celle qui allait devenir une des principales prime donne de la scène vénitienne, le Prêtre roux composa pour Anna Giraud pas moins d'une dizaine de ses premiers rôles. C'est à la mezzo-soprano Blandine de Sansal, lauréate en 2022 du Concours International de Chant Baroque de Froville, qu'échoit l'honneur de recréer les rôles et le répertoire de l'inspiratrice de Vivaldi. Le concert permet ainsi d'entendre différents airs confiés à la magicienne Alcina d'Orlando Furioso, au personnage de Griselda de l'opéra du même nom et au personnage d'Irena de l'opéra de Vivaldi Bajazet. Blandine de Sansal semble avoir toutes les qualités d'une voix de mezzo-soprano pour se mesurer à tant de parties exigeantes. À l'aise dans les redoutables vocalises du célèbre « Agitata da due venti », dont elle ne fait qu'une bouchée, la jeune chanteuse sait également plier sa voix aux longues phrases de « Sposa son disprezzata » de Bajazet. Son interprétation des airs d'Alcina fait valoir tout le velouté et le capiteux d'un timbre naturellement rond et chaleureux, qui gagnerait encore à grandir en s'améliorer en expressivité. Il reste en effet à la jeune cantatrice à travailler la coloration de son instrument, qu'elle sait manipuler avec goût et avec la plus grande maîtrise technique. La pratique de ces rôles sur scène devrait permettre de résorber rapidement ce menu défaut. Magistralement accompagnée par les musiciens du Concert de L'Hostel Dieu, sous la direction de Franck-Emmanuel Comte, Blandine de Sansal est de toute évidence une enfant chérie du Festival de Froville, et l'on se réjouit de la réentendre dans les années à venir. Il est regrettable cependant que le Festival n'ait pas été en mesure de fournir au public le programme contenant avec exactitude les pièces interprétées par les artistes.
Le concert le plus abouti est cependant celui du contreténor Valer Sabadus, pour la quatrième apparition au festival de Froville du jeune artiste roumano-allemand. Dans un programme consacré aux grands noms du baroque, le chanteur éblouit le public par sa musicalité, sa science vocale et son sens de la communication. Démarrant sur un air extrait d'un oratorio de Domenico Gabrielli, « Aure voi de' miei sospiri » de San Sigismondo, Valer Sabadus se montre dès les premiers instants maître dans l'art du crescendo et du decrescendo. Le sublime « Alto Giove » du Polifemo de Porpora fait quant à lui entendre des aigus filés d'une pureté cristalline à toute épreuve. Le trop rare « Non saprei qual doppia voce » tiré de la Semiramide riconosciuta de Gluck, dans lequel la « double voix » (doppia voce) évoquée dans le texte est figurée par les violon et violoncelle obligés, tient lui aussi du miracle de subtilité et de raffinement vocal. On ne connait pas aujourd'hui de contreténor capable d'une aussi belle messa di voce. S'il fallait absolument trouver un défaut, peut-être pourrait-on reprocher à Valer Sabadus un registre grave légèrement sourd, voire insuffisant, ainsi qu'un certain manque de puissance qui pourrait nuire à la crédibilité des pages plus héroïques. Les deux airs de Sesto du Giulio Cesare de Haendel, ou le « Face et anguibus » de Juditha triumphans, semblent ainsi émis au prix d'un certain effort. Qu'à cela ne tienne ! Les trois bis généreusement octroyés par un chanteur visiblement ému de l'enthousiasme du public sont l'occasion de trois derniers moments de grâce. Le bien connu « Sento un seno ch'in pioggia di lagrime » de Tieteberga de Vivaldi, le « Cum dederit » du Nisi Dominus en état d'apesanteur et enfin un « Voi che sapete » charmeur et polisson, ornementé avec goût et imagination, tirent le concert vers de nouvelles hauteurs. Les cinq musiciens de l'ensemble Ludus Instrumentalis sont à la hauteur de la situation, même si évidemment l'effectif est un peu maigrichon pour des airs d'opéras destinés à être entendus dans des grandes salles. Fort heureusement, la remarquable acoustique du Prieuré de Froville-la-Romane rend justice à un jeu incisif et percutant dans les pages instrumentales, discret et efficace dans l'accompagnement des pièces vocales. On attend avec impatience la programmation 2024.
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Froville-la-Romane. Prieuré. 28-VI-2023. Giovanni Bononcini (1670-1747) : prélude pour violon seul en ré mineur ; cantate « Misero pastorello » ; sonate pour chambre en ré mineur n°11 ; cantate « Lasciami un sol momento » ; cantate « Gia la stagione d’amore » ; prélude et cantate « Siedi Amarelli mia ». Antonio Maria Bononcini (1677-1726) : sinfonia per camera en do majeur. Max Emanuel Cencic, contreténor. Nuovo Barocco Orchestra, direction et violon : Dimitris Karakantas
Froville-la-Romane. Prieuré. 30-VI-2023. Antonio Vivaldi (1678-1741) : allegro extrait de la sinfonia RV 152 ; « Alza in quegl’occhi », « Oh ingiusti numi … Anderò, chiamerò », « Amorose ai rai del sole » extraits de Orlando Furioso ; allegro extrait de la sonate pour violoncelle ; « Ho il cor gia lacero » et « Agitata da due venti » extraits de La Griselda ; allegro extrait du concerto n°21 ; « Sposa son disprezzata » extrait de Bajazet ; « Face et anguibus » extrait de Juditha triumphans.. Blandine de Sansal, mezzo-soprano. Le Concert de l’Hostel Dieu, direction et clavecin : Franck-Emmanuel Comte
Froville-la-Romane. Prieuré. 2-VII-2023. Domenico Gabrielli (1659-1690) : « Aure voi de’ miei sospiri » extrait de San Sigismondo. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : « L’angue offeso mai riposa » et « Svegliatevi nel core » extraits de Giulio Cesare ; sonate pour deux violons, alto et basse continue en sol majeur HWV 399 ; « Mi lusinga » extrait de Alcina. Nicola Porpora (1686-1768) : « Alto Giove » extrait de Polifemo. Antonio Vivaldi (1678-1741) : « Vedrò con mio diletto » extrait de Il Giustino ; « Face et anguibus » extrait de Juditha triumphans. Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : « Non saprei qual doppia voce » extrait de Semiramide riconosciuta. Johann Gottlieb Goldberg (1727-1756) : sonate pour deux violons, alto et basse continue en ut mineur. Valer Sabadus, contreténor. Ensemble Ludus instrumentalis, direction : Evgeny Sviridov