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La musique dans les camps nazis, exposition d’une ampleur inédite à Paris

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Paris. Mémorial de la Shoah. Exposition La Musique dans les camps nazis. Commissaire Élise Petit. Du 20 avril 2023 au 25 février 2024. Entrée gratuite.
Catalogue de l’exposition « La Musique dans les camps nazis », Mémorial de la Shoah, 160 pages, 27,50€. Avril 2023

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Aussi étrange que cela puisse paraître, aucune exposition n'avait abordé la musique dans l'ensemble des camps nazis, mais aussi leurs antichambres, tels les camps d'internement et de transit français. Élise Petit, la commissaire, a relevé ce défi, avec un regard propre à toucher un large public. Une exposition – gratuite – à voir et entendre à Paris jusqu'en février 2024. 

La musique était partout dans les camps nazis et remplissait de multiples fonctions, rythmant les journées, jouée par des détenus formant des orchestres officiels pour encadrer les marches de départ et de retour du camp, jouée par les SS, jouée en cachette, jouée pour divertir, jouée pour ajouter au supplice. Musique populaire, musique savante, musique de plein air, de chambre ou de scène, toutes les musiques s'y retrouvaient, dans une configuration ou une autre.

Et c'est pour cette multiplicité de raisons que cette exposition au Mémorial de la Shoah à Paris est une première mondiale, et que probablement elle n'aurait pas pu être conçue plus tôt. Il fallait une approche transversale entre musique et histoire, qui n'était pas développée avant les années 2000. Élise Petit, la commissaire de l'exposition, est l'exemple de cette transversalité nouvelle. Agrégée de musique et docteur en Histoire de la Musique, elle a toujours travaillé cette matière historique et musicale de manière intégrée, et ce depuis qu'elle était étudiante. Le temps que la chercheuse puisse accéder aux fonds d'archives disséminés entre l'Europe, les États-Unis et Israël, et que le concept de transversalité diffuse au sein des institutions, nous voilà arrivés dans les années 2020.

L'exposition réunit tout ce qu'on peut attendre d'un thème aussi large : enregistrements d'époque ou inédits, dessins et partitions, instruments (en particulier une contrebasse fabriquée au camp de Mauthausen, en 1942-1943, la pièce maîtresse de l'exposition), habits, témoignages de survivants, et une organisation didactique qui permet d'aborder tous les aspects de la musique dans cet univers de déshumanisation. S'il reste évidemment peu de documents et objets d'époque, l'exposition n'en est pas moins riche, et chaque archive, objet, carnet ou dessin paraît avoir survécu de manière miraculeuse. Leur grande fragilité fait d'ailleurs que nombre d'entre eux ne seront pas exposés durant toute la durée de l'exposition.

À musiques et usages divers, publics variés. C'est la force de cette exposition où chacun, qu'il soit intéressé par l'histoire, la musique ou le dessin, par les années 1930-1940, par la politique, par la guerre, et bien sûr par la question de la Shoah elle-même, pourra trouver à apprendre, comprendre, s'émouvoir. Car au fond, le plus surprenant de cette exposition, et l'on devrait s'étonner d'en être surpris, c'est à quel point la musique dans les camps nazis est l'expression de toute une époque. La pratique instrumentale et chorale y était tellement courante que forcément on allait y créer des orchestres, et qu'on allait y jouer des musiques populaires. Parmi les plus jouées dans les camps? L'entrée des gladiateurs, une marche militaire tchèque devenue dès les années 20 la musique célébrissime du cirque !

Autre étonnement, les nazis n'ont pas « pensé » la musique comme instrument de torture. Si elle a été un élément tortionnaire dans les faits, cela ne faisait pas partie d'un plan réfléchi a priori. Pour le système concentrationnaire, la musique visait uniquement à l'encadrement des masses et à leur productivité. Au gré du sadisme des SS, elle a servi à augmenter les souffrances des détenus, par exemple pour accompagner le retour d'un évadé sur un mode ironique avec une chanson sur l'attente d'un être aimé. La systématisation de la musique comme moyen scientifique et organisé de torture émergera juste après la guerre, aux États-Unis, et sera mise en œuvre avec sophistication à Guantanamo dans les années 2000 (un aspect que n'aborde pas l'exposition).

Un élément manquant dans l'exposition mais qu'on trouve dans le remarquable catalogue de l'exposition sont les portraits de personnalités marquantes, (nièce de Gustav Mahler) et qui dirigeaient les deux orchestres d'Auschwitz, la résistante (autrice de l'opérette Le Verfügbar aux Enfers) ou Alexsander Kulisiewicz qui mémorisa des dizaines de chants et les restitua après guerre, et en collecta ensuite plus de 800 tout au long de sa vie.

Ne sont pas oubliés en revanche les camps d'internement de Gurs (où fut internée Charlotte Salomon, qui inspira l'opéra homonyme de Marc-André Dalbavie), Les Milles, Pithiviers, le camp de transit de Westerbork aux Pays-Bas, le camp-ghetto de Theresienstadt, où la musique n'eut pas de fonction d'encadrement. Un champ de recherche, avec celui de la musique dans les camps de prisonniers, qui est encore à explorer.

Crédits photographiques : © ResMusica

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Paris. Mémorial de la Shoah. Exposition La Musique dans les camps nazis. Commissaire Élise Petit. Du 20 avril 2023 au 25 février 2024. Entrée gratuite.
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