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Il Boemo : un compositeur inconnu au cinéma

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Il Boemo. Un film de Petr Vaclav. Scénario : Petr Vaclav, Gilles Taurand. Avec : Vojtĕch Dyk, Barbara Ronchy, Elena Radonicich, Lana Vlady, Alberto Cracco, Antonio de Matteo, Diego Pagotto, Philip Hahn, Chiara Celotto, Emökhe Barakh, Philippe Jaroussky, Raffaela Milanesi, Simona Saturova, Krystian Adam, Sophie Harmsen… Collegium 1704, direction musicale: Václav Luks. Distribution : Nour Films. Sortie le 21 juin 2023. Durée : 142:01

 
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Et si les films réussis consacrés à des compositeurs se comptaient sur les doigts d'une main ? Malgré le soin méticuleux apporté à sa réalisation, et peut-être à l'image du compositeur oublié qu'il tente de remettre à l'honneur, Il Boemo de peine à échapper à son statut de curiosité.

« Je ne voulais pas faire un second Amadeus », prévient le réalisateur tchèque. Mission accomplie : le filmage impersonnel d'Il Boemo l'apparente davantage au téléfilm de luxe qu'à une œuvre destinée à marquer l'Histoire du cinéma. Une fois ce deuil fait, le mélomane n'a plus qu'à prendre le relais du cinéphile pour suivre le destin de , compositeur né à Prague en 1737 et mort à Rome en 1781. Il passa outre le veto de son père dont la mort l'autorisa à s'expatrier en Italie, afin d'y recueillir les enseignements de Giovanni Battista Pescetti, et d'abreuver ensuite Naples, et plus largement la péninsule, de sa musique, principalement une bonne vingtaine d'opéras seria. Le très jeune Mozart l'admirait, mais au contraire de ce dernier, Mysliveček, qui n'était pas du sérail (son père était minotier), dut employer une bonne part de son énergie à subvenir à ses besoins financiers. Le film égrène ses succès féminins, dont certains essentiels pour son ascension : une aristocrate, promise à un vieillard, qui fut d'abord son élève et lui permit de donner naissance à son premier opéra, une cantatrice volcanique (la Gabrielli), une autre mariée à un homme brutal et jaloux. Est-ce à dessein ? Les actrices choisies, que l'on peine à identifier, semblent presque interchangeables. Incarné par un acteur lui aussi assez lisse (Vojtĕch Dyk), l'homme, dépeint par Vaclav comme un animal à sang froid préoccupé par son art, finira rongé par la syphilis.

« C'est un musicien très talentueux mais personne ne le connaît », constate un des personnages du film. Le mélomane curieux, avide de la moindre note égrenée par la bande-son, ne voit pas sa tâche facilitée, 2H22 durant, par la cohabitation forcée du Bohémien avec Boccherini, Vivaldi, Galuppi, Haydn… Pas facile, dans ces conditions, de se faire une idée sur le style et l'inspiration du seul Mysliveček, annonciatrice de celle de Mozart, auquel Wolfgang Amadeus lui-même (la rencontre entre « il Divino Boemo » comme on le surnomma, et « le Divin Mozart » est le moment le plus intéressant du film) emprunta l'Ouverture de sa Nitteti pour en faire celle de son Mitridate. L'on entend de très jolies pièces mais on ne saurait trop recommander le disque Warner/Erato si l'on veut pouvoir rendre à Mysliveček ce qui est à Mysliveček. Sur le versant musical, malgré la brièveté des extraits, c'est le bonheur, car c'est (autre célébrité tchèque) et son que (qui s'était déjà penché sur son sujet en 2016 dans son documentaire Confessions d'un disparu) a choisis en gage d'une authenticité à même de ressusciter les sons évanouis de cet art lointain. La renommée de quelques pointures vocales du moment fait le reste : , , Rafaella Milanesi…

Vaclav a beaucoup lu, notamment les mémoires de Casanova (Histoire de ma vie) et la Correspondance de Mozart (où figure, nous dit-on, « la seule description psychologique de Mysliveček »). Le film brosse les contours d'un monde où le libertinage, érigé en art de vivre, encourage son réalisateur à effeuiller (uniquement) sa distribution féminine. Il met longuement en scène une malaisante scène de coprophilie royale qui tranche clairement avec une réalisation très policée, par ailleurs très économe en plans d'extérieurs, à laquelle ne manquent aucune perruque, aucun ruban, aucun haut de chausse, aucun candélabre, aucune moulure. Mais au fil d'une narration à la fluidité discutable, où l'on passe beaucoup de temps à identifier les nombreux personnages, le transfert empathique ne se fait pas, la conclusion apparaissant de surcroît particulièrement dénervée. Même la scène du sanatorium ou l'on désinfecte Mysliveček, damné parmi les damnés d'une sordide cour des miracles, n'est pas loin de laisser indifférent. L'on songe alors à celle, d'une tout autre inspiration visuelle, qui clôt The Music Lovers, la flamboyante déclaration d'amour à Tchaïkovski de Ken Russell. Il est vrai que le réalisateur anglais, en plus de son génie propre, avait eu l'idée de réunir, à l'instar de Milos Forman dans Amadeus (Hulce/Murray Abraham) ou d'Alain Corneau dans Tous les matins du monde (Marielle/Depardieu), ceux de Richard Chamberlain et Glenda Jackson. Si l'on excepte le radical Chronique d'Anna Magdalena Bach du couple Straub/Huillet et le Mahler de Ken Russell qui peut commander également le respect, il semblerait bien que les génies musicaux n'ont à ce jour totalement inspiré que trois génies cinématographiques.

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Il Boemo. Un film de Petr Vaclav. Scénario : Petr Vaclav, Gilles Taurand. Avec : Vojtĕch Dyk, Barbara Ronchy, Elena Radonicich, Lana Vlady, Alberto Cracco, Antonio de Matteo, Diego Pagotto, Philip Hahn, Chiara Celotto, Emökhe Barakh, Philippe Jaroussky, Raffaela Milanesi, Simona Saturova, Krystian Adam, Sophie Harmsen… Collegium 1704, direction musicale: Václav Luks. Distribution : Nour Films. Sortie le 21 juin 2023. Durée : 142:01

 
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