Oublier Mozart, à la fois histoire et fiction sur les traces de la Signora Storace
Ce roman historique d'Emmanuelle Pesqué repose sur l'histoire authentique de la Signora Storace, cantatrice célèbre en son temps, muse et amie de Mozart et Haydn et aussi inspiratrice de Salieri… mais bien oubliée de nos jours.
L'histoire racontée avec force détails se place en 1817 à l'occasion d'une soirée d'adieu de la soprano Ann Selina (« Nancy ») Storace (1765-1817) sur le point de quitter Vienne et en partance pour l'Angleterre dont elle est originaire. L'année précédente, elle avait créé le rôle de Suzanne dans Les Noces de Figaro de Mozart. Lors d'une tournée en Europe elle deviendra l'amante du ténor John Braham. Ils resteront ensemble jusqu'en 1816 et auront un fils prénommé Spencer Braham.
A la mort de sa mère, ce fils constate qu'il est déshérité. Or, il devait exister un testament rédigé au profit de cet enfant naturel. Il demeure introuvable. Quatre ans après, un retournement de situation se produit lorsque Spencer prend connaissance des mémoires de sa mère qui lui sont spécifiquement destinées. Elle y conte aussi bien sa vie d'artiste adulée que ses déboires privés, sans omettre de rappeler sa rencontre avec Mozart à Vienne avec lequel des liens se tissent. Spencer Braham désire en savoir davantage et mène l'enquête, mais rencontre des obstacles dans sa démarche et rien n'assure qu'il recevra un jour son héritage…La structure du récit s'avère passionnante et tient le lecteur en haleine ; la délivrer davantage ôterait dommageablement le voyage savant dans le monde lyrique de l'époque, que le lecteur curieux s'apprête à entreprendre.
Le texte dense et particulièrement bien documenté sur la vie artistique gravitant autour du monde de l'opéra mêle habilement la réalité et la fiction. Choix qui ravira certains autant qu'il en irritera d'autres. Biographie académique ou libre cours à l'imagination ? Faut-il choisir ? Pas obligatoirement, l'important nous semble résider dans l'acceptation de la démarche entreprise par Emmanuelle Pesqué. Dans cette optique, elle réalise un travail très intéressant et maîtrise parfaitement son sujet et son récit jusqu'à en faire oublier la catégorie dans laquelle se place son travail.
On trouvera en complément, des annexes proposant l'arbre généalogique simplifié des principaux personnages, un glossaire des personnages historiques cités, les sources historiques et littéraires principales auxquelles s'est référée l'auteure.
Ainsi que l'assure l'auteure cet Oublier Mozart « est un roman, mais un roman presque vrai ». Et d'ajouter : « … Mais l'imagination s'y mêle ». Précisons que Pesqué, historienne de formation ayant aussi travaillé à la Bibliothèque nationale de France et au Centre historique des Archives nationales, a publié en 2017 une biographie appréciée d'Ann Selina Storace intitulée « Nancy Storace, muse de Mozart et de Haydn », travail qui sans aucun doute, justifie l'entrée en matière de la fiction, dans un autre temps, dans le présent roman.