Karina Gauvin chante le Québec à Paris, et inversement
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Paris. Bibliothèque La Grange-Fleuret. 16-IV-2023. Festival Le Québec à Paris. Marie Hubert fille du Roy, Chansons des folklores du Québec et de la France. Karina Gauvin, soprano ; Pierre McLean, piano
La soprano québécoise très appréciée en France notamment dans le répertoire baroque est venue représenter sa Belle Province à l'occasion de la première édition du festival Le Québec à Paris, avec un touchant récital donné dans l'élégant salon Mahler de la Bibliothèque La Grange-Fleuret.
Le label musical montréalais ATMA Classique, sous l'impulsion de son Président Guillaume Lombart, a durant trois jours élu domicile à la Bibliothèque La Grange-Fleuret, inaugurant ce tout nouveau festival à Paris avec quatre concerts et une conférence. Soutenu par la Délégation générale du Québec à Paris, son objectif est de présenter en France les artistes québécois qui enregistrent sous son « étiquette », mais aussi de permettre la rencontre de ceux-ci avec les artistes français et d'entretenir les liens historiques entre les deux pays. Après le bandéoniste Denis Plante, le violoncelliste Stéphane Tétreault, la violoniste baroque Marie Nadeau-Tremblay, et l'ensemble de violes de gambe Les Voix Humaines connu chez nous, Karina Gauvin a clôturé l'évènement avec un récital original présentant le programme de son prochain disque intitulé « Marie Hubert, fille du Roy », à paraître à l'automne.
Dans l'intimiste salon Mahler qui rassemble tout au plus une soixantaine de spectateurs, elle n'incarne cette fois ni Alcina, ni Armide, mais cette Marie Hubert, une simple jeune française « fille du Roy » partie chercher fortune et mari en terre canadienne au temps de Louis XIV. À ses côtés, le pianiste Pierre McLean l'accompagne sur le Steinway restauré d'Henri-Louis de la Grange, se substituant avec maestria à l'orchestre que l'on entendra au disque. C'est une histoire très personnelle qu'elle vient nous conter, puisque Marie Hubert n'est autre que son ancêtre, découverte pendant la pandémie, alors qu'« encabanée » , elle se lance dans des recherches généalogiques. Elle imagine un récit à partir des fruits de celles-ci complétés d'éléments historiques puisés dans les bibliothèques, et avec l'aide du pianiste, rassemble diverses mélodies populaires québécoises et françaises comme autant d'épisodes de la vie de son aïeule.
Au XVIIᵉ siècle, le Roi Louis XIV décide d'envoyer de jeunes orphelines à marier en territoire canadien devenu province française, nouveau Monde qu'il s'agit de peupler, et confie la tâche de les sélectionner à son intendant Jean Talon. Ce sont près de 800 jeunes femmes « filles du Roy » qui font la traversée entre 1663 et 1673 pour y fonder une famille. Deux tiers des Québécois aujourd'hui en seraient les descendants. En une quinzaine de chansons, la vie de Marie Hubert défile, depuis le départ de Dieppe sur la frégate Saint-Jean-Baptiste en 1670, jusqu'à son remariage en 1691, après avoir fondé une famille, donné naissance à trois enfants, et perdu son mari usé par le labeur. La belle espérance, les affres de la traversée, la mélancolie, la remontée du Saint-Laurent, la rencontre de l'amour, le mariage, l'installation dans la « cabane » à Charlesbourg, les joies des maternités, la rudesse du travail de la terre, le deuil et puis le renouveau, tout cela est raconté d'une façon très vivante par la chanteuse dont le charmant accent fait danser les mots, et illustré par ces chansons caractérisées – comme Belle rose du printemps, ou Les cloches du hameau, ou encore J'ai tant dansé et Vive la canadienne – qu'elle interprète de sa voix souple, généreuse au timbre rond et chaleureux, magnifiquement coloré. En costume d'époque et coiffée d'un tricorne noir, l'émotion dans la voix, elle incarne comme au théâtre cette ancêtre, avec une fraîcheur de sentiments, une sincérité, un engagement qui conquiert le public. Le pianiste attentif se montre un excellent partenaire au jeu expressif, devant des partitions richement écrites pour ces chansons et complaintes folkloriques.
Karina Gauvin en partageant musicalement avec nous son histoire, nous rappelle de façon concrète et poétique les liens qui nous unissent à notre histoire ancienne commune : n'aurions-nous pas nous-même, en cherchant bien, un ancêtre collatéral parti en Amérique ? Un cousin en somme…
Crédit photographique © Jean-Marc Warszawski
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Paris. Bibliothèque La Grange-Fleuret. 16-IV-2023. Festival Le Québec à Paris. Marie Hubert fille du Roy, Chansons des folklores du Québec et de la France. Karina Gauvin, soprano ; Pierre McLean, piano