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Une intégrale symphonique de Carl Nielsen par Fabio Luisi

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Carl Nielsen (1865-1931) : Symphonies n° 1 à n° 6. Orchestre symphonique national danois, direction : Fabio Luisi. 3 CD Deutsche Grammophon. Enregistrés dans la salle de concert de la Radio danoise en 2019 et 2022. Notice de présentation en anglais, allemand et danois. Durée totale : 3:37:13

 
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Sous la baguette de une intégrale des symphonies de de belle tenue mais un rien contenue, par un chef qui nous a habitués à mieux.

On se souvient de la réussite de l'intégrale des quatre symphonies de Franz Schmidt par à la tête du MDR Sinfonieorchester (Leipzig) en 2004. De sa lecture en profondeur et idiomatique de l'œuvre du compositeur viennois exhalait un souffle, une adéquation et une intimité que l'on ne retrouve pas franchement ici. Est-ce à dire qu'il échoue dans cette noble entreprise ? Pas vraiment, mais pour se hisser au niveau des meilleures intégrales disponibles, il manque un supplément d'âme, un panache salutaire et un rendu exact de la spécificité singulière de l'écriture orchestrale du compositeur.

Et pourtant, l'Orchestre symphonique national danois (anciennement nommé Orchestre symphonique de la Radio danoise), fondé en 1925 et à Copenhague, pratique à la perfection ce registre depuis des décennies mais pèche ici par une rythmique un peu plate, des pupitres semblant presque fondus, impression probablement liée, pour partie, à la prise de son globale et insuffisamment discriminante. Par ailleurs, les aspects les plus distinctifs de l'optimisme constitutif de nous semblent globalement minimisés dans cette lecture de son cycle symphonique.

Ces remarques se justifient en raison de l'excellence de nombreux concurrents. On songe, pour leur relief et leur engagement, aux enregistrements conduits par Paavo Järvi (RCA, 2009-2013), John Storgårds (Chandos, 2012-2015), Sakari Oramo (BIS, 2013-2014), Alan Gilbert (Dacapo, 2011-2014), Michael Schønwandt (Naxos, 1999-2000), Neeme Järvi (DG, 1990-1992), Osmo Vänskä (BIS, 1990-2002), Herbert Blomstedt (EMI, 1973-1975 et DECCA, 1988-1989). En DVD, rappelons l'inoubliable Orchestre symphonique national danois dirigé par Michael Schønwandt (Dacapo, 2000).

Pour autant cette intégrale Deutsche Grammophon s'écoute agréablement et conviendra peut-être davantage à ceux qui préféreront l'atténuation de traits trop spécifiques, ce qui indéniablement la rapproche de la descendance romantique germano-scandinave et en particulier de Johannes Brahms en ce concerne les Symphonies n° 1 (1894) et n° 2 (1901-1902) dite « Les Quatre tempéraments » laquelle s'attache à l'illustration des caractères humains auxquels le compositeur s'intéressa intensément. L'évolution stylistique du cycle symphonique de s'avère caractéristique de métamorphoses esthétiques d'une époque passant, avec plus ou moins d'urgence et de bonheur, d'une écriture tonale, euphonique et mélodique à une atonalité progressive, une prédominance des percussions et au rétrécissement des phases mélodiques.

La Symphonie n° 3 sous-titrée « Sinfonia espansiva » (1905) est la première étape convaincante de cette intégrale, sans violence ni excès, mais demeurant très attachante et inventive au long de ses quatre mouvements. L'Allegro espansivo initial brille de mille feux avec sa valse impétueuse. Luisi et ses troupes l'abordent avec une franche et communicative énergie rythmique. L'Andante pastorale rappelle que Nielsen savait bien écrire la musique romantique voire lyrique, il ajoute des vocalises, confiées à une soprano (Fatma Said) et un baryton (Palle Knudsen). Dans les deux mouvements suivants, Allegretto un poco et Allegro, il prouve le renouvellement de son inspiration généreuse.

Nielsen entre réellement dans la modernité avec sa singulière Symphonie n° 4 nommée « Inextinguible » (1914-1915) imprégnée des affres de la terrible Grande Guerre illustrés par les interventions impérieuses et dominatrices de deux timbaliers. Lui-même avait eu l'intuition que sa partition serait très différente des trois premières. L'Orchestre symphonique national danois fait montre d'une implication inspirée et attachante.

La Symphonie n° 5, sans titre, prolonge ces acquis tout en ménageant deux inoubliables sections lentes (Adagio non troppo de la première partie et Andante un poco tranquillo de la seconde). Les grandes envolées orchestrales du premier mouvement (par exemple vers 15') signent le sommet de son cycle symphonique avec ses tambours au rythme presque immuable (en particulier la caisse claire), obstiné et impressionnant que nos interprètes magnifient avec compassion et conviction.

Le dernier maillon de ce cycle remarquable a toujours dénoté et interrogé auditeurs et critiques. Nielsen franchit, avec sa Symphonie n° 6, qualifiée initialement de « Semplice » (1920-1922), un pas supplémentaire vers ses contemporains modernistes ayant le plus souvent rejeté un passé, à leurs yeux, dépassé. Il privilégie des percussions modestes (triangle, carillon et caisse claire) mais actives et volubiles. Il habille de manière très variée et inventive ses quatre sections, la dernière basée sur une série de variations où apparaît un air de valse viril. La réussite du premier mouvement (Tempo giusto) est confondante et emportera l'adhésion des plus réfractaires à une modernité récente de par sa structure bien soulignée, l'enchaînement souples des tempos et la cohésion des familles instrumentales. Un des points forts de cette intégrale pertinente, homogène et finalement bienvenue.

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Carl Nielsen (1865-1931) : Symphonies n° 1 à n° 6. Orchestre symphonique national danois, direction : Fabio Luisi. 3 CD Deutsche Grammophon. Enregistrés dans la salle de concert de la Radio danoise en 2019 et 2022. Notice de présentation en anglais, allemand et danois. Durée totale : 3:37:13

 
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