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Marc-André Teruel, jeune contrebassiste soliste sans limites

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En janvier dernier, le jury des () annonçait le lancement d'un prix Classeek Award, afin de promouvoir un jeune musicien exceptionnel parmi les finalistes du programme « Ambassadeur de Classeek », plateforme destinée aux artistes émergents dont l'une des principales initiatives est un programme annuel visant à découvrir, soutenir et promouvoir de jeunes musiciens classiques prometteurs. , contrebassiste franco-autrichien, est le premier récipiendaire de ce nouveau prix ICMA. Il recevra son trophée lors de la cérémonie de remise des prix à Wroclaw, en Pologne, le 21 avril prochain.

ResMusica : Lorsque l'on parle de votre travail, on évoque souvent votre capacité à « repousser de nouvelles limites ». Êtes-vous d'accord avec cette approche ? Et si oui, pouvez-vous nous expliquer les limites que vous dépassez ?

Marc-André Teruel : La contrebasse dans le monde de la musique classique est soumise à de nombreux clichés : instrument trop grave pour être soliste, obligé d'accompagner, manque de répertoire. Historiquement, cet instrument a toujours eu un rôle d'accompagnement. Quand des personnes parlant de mon travail évoquent le fait de “repousser certaines limites”, cela me touche beaucoup car cela fait avancer les choses : la perception de la contrebasse change.

Le plus grand problème de la contrebasse est sa tessiture grave, ce qui l'empêche d'être perçue comme instrument soliste. Une particularité de mon jeu est le fait que j'utilise un accord différent (comme à l'époque baroque) : je suis accordé plus haut, ce qui transforme mon instrument du registre basse au registre basse baryton.

RM : Comment devient-on contrebassiste ? Est-ce que cela traduit des traits de votre personnalité ?

MAT : C'est une question assez intéressante que je me pose souvent, avec une réponse assez atypique. Né dans une famille de musiciens, c'est à l'âge de 4 ans que j'ai commencé le violon. Très vite j'ai remarqué que ce n'était pas ce qu'il me fallait. J'avais besoin d'un instrument plus grand, plus grave, on me disait souvent que j'avais trop de force. C'est alors à l'âge de 5 ans que je suis tombé sur le violoncelle, un instrument qui me plaisait déjà bien plus. C'est seulement à l'âge de 10 ans, que la taille du violoncelle ne me contentait plus et que j'ai décidé d'aller encore plus loin : la contrebasse.

Je pense que le fait d'être contrebassiste reflète sûrement certains traits de ma personnalité. Dans la vie de tous les jours, un contrebassiste est constamment confronté aux limites physiques du corps humain. Rien que le transport de cet instrument nécessite souvent de penser différemment afin d'arriver à sa destination, de plus, cet instrument est tellement grand et difficile à jouer qu'il nécessite une très grande force physique. Je suis une personne qui a toujours besoin de se projeter au-delà de ses propres limites (par exemple dans le sport). Ce qui me fascine dans la vie c'est d'aller toujours plus loin et de trouver le prochain “challenge”.

RM : Quelle œuvre vous représente le plus en tant qu'instrumentiste, et pourquoi ?

MAT : Je pense que je parle pour beaucoup d'artistes quand je dis qu'il est impossible de se limiter à une seule œuvre. Ce qui rend le monde magnifique c'est la diversité, et pour moi c'est la même chose en musique. Le fait de pouvoir jouer à travers les différentes époques de l'histoire de la musique est quelque chose qui me redonne de l'énergie jour après jour. Cependant, le romantisme est une période qui m'a toujours attiré le plus et qui me correspond bien.

RM : Et vers quelle œuvre souhaiteriez-vous tendre, que ce soit en termes de jeu ou d'interprétation ? Ou d'un autre point de vue d'ailleurs !

MAT : Il existe tellement d'œuvres différentes que je veux interpréter. Je dis toujours que je suis musicien avant d'être contrebassiste : ce qui m'attire est la belle musique, et je ne vois mon instrument que comme outil de travail pour accéder à cette musique. Une des prochaines œuvres à laquelle je vais me consacrer est le cycle Dichterliebe de Robert Schumann op. 48.

RM : Si vous aviez à rêver d'une soirée musicale idéale en tant qu'interprète : quelle programmation la composerait et quels musiciens et orchestres inviteriez-vous pour vous rejoindre sur scène ?

MAT : Une soirée musicale idéale peut être très différente l'une de l'autre. Ce qui est important pour moi est de jouer la musique divine d'un compositeur de première classe avec des musiciens qui partagent le même amour que moi pour la musique. Pour moi, les compositeurs de première classe sont Bach, Beethoven, Brahms, Schumann etc. Mon rêve serait de jouer en tant que soliste avec l'Orchestre philharmonique de Vienne.

RM : Votre jeunesse vous amène à démystifier un répertoire ancré dans un univers plutôt conservateur grâce à un rapport avec les réseaux sociaux qui reste à développer dans le milieu de la musique classique. Est-ce une démarche construite ou instinctive chez vous ?

MAT : Comme tous les aspects de ma vie, l'instinct domine. Ma démarche envers les réseaux sociaux est très instinctive et je pense que c'est aussi assez important pour pouvoir rester authentique envers soi même et bien sûr le monde.

RM : Vous avez gagné déjà de nombreux prix (concours Rhan Musikpreis, Premier prix Anton Bruckner de l'Orchestre symphonique de Vienne, prix au concours Karl Ditters von Dittersdorf, etc.). Que pensez-vous qu'être lauréat de ce prix « Classeek » va vous apporter ?

MAT : C'est un immense honneur pour moi d'avoir la chance d'être lauréat d'un tel prix. Ayant une mission aussi grande, il est important d'avoir du soutien. Ce prix est une opportunité merveilleuse pour pouvoir atteindre un public plus divers et surprendre le monde avec la contrebasse, mais surtout, c'est un signe de confiance non seulement envers moi mais également envers ma mission : faire connaître la contrebasse soliste au grand public de la même façon qu'il connait le violon ou le piano.

RM : Et pour finir, maintenant que nous vous connaissons un peu mieux , pouvez-vous nous présenter votre contrebasse ?

MAT : Au fil des années j'ai eu l'immense opportunité de jouer sur différents instruments anciens, ce qui m'a appris énormément de choses. Chaque instrument à une âme différente, et comme une personne, des traits de caractères différents. Je ne peux pas jouer de la même façon sur tous les instruments. On pourrait dire que chaque instrument doit d'abord m'apprendre comment jouer sur celui-ci afin de pouvoir acquérir la capacité d'en sortir toutes les différentes couleurs. Actuellement, j'ai la chance de jouer sur une contrebasse Viennoise de 1827 construite par Martin Stoß. Pour moi, cette contrebasse a un caractère très fort, très extraverti, mais elle est assez têtue et ne se laisse pas faire. Un peu comme moi !

Crédits photographiques : © Tomasz Trzebiatowski

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