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Autour de Ligeti avec l’EIC à la Philharmonie de Paris

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Paris. Philharmonie-Cité de la Musique. 3-III-2023. György Ligeti (1923-2006) : Loop – extrait de Sonate pour alto (deuxième mouvement) ; Désordre – extrait des Études pour piano (Livre I n°1) ; Concerto pour piano et orchestre ; Kevin Volans (né en 1949) : Leaping Dance, pour ensemble ; Conlon Nancarrow (1912-1997) : Study N°7 – arrangement pour ensemble d’Yvar Mikhashoff ; Andile Khumalo (né en 1978) : Invisible Self, pour ensemble ; Emahoy Tségué-Maryam Guèbrou (née en 1923) : The Homeless Wanderer, pour piano ; Joshua Uzoigwe (1946-2005) : Ukom – extrait de Talking Drums n°1, pour piano ; Tania León (née en 1943) : Rítmicas pour ensemble. John Stulz, alto ; Sébastien Vichard, Dimitri Vassilakis, piano : Ensemble Intercontemporain ; direction : Vimbayi Kaziboni

La salle est comble et l'affiche profuse pour ce concert de l' dirigé par qui ouvre le week-end « Ligeti 100 » de la Philharmonie de Paris et questionne la dimension du rythme et du temps chère au compositeur hongrois.

Olivier Leymarie vient sur scène pour rendre hommage à disparu le 2 mars dernier, cofondateur (avec Pierre Boulez et Michel Guy) et vice-président de l'EIC, à qui le concert est dédié.

Au côté de la musique de s'inscrivent celle de l'Américain Colon Nancarrow qui a passionné le compositeur hongrois, et de cinq compositeurs.rices originaires du continent africain dont la musique populaire fut une véritable révélation pour lui : « chants à penser des Gbáyá, polyphonie des Pygmées Aka, musique des Banda-Linda, etc., des musiques hautement pulsées, balançant entre complexité et virtuosité, dont Ligeti va s'imprégner sans jamais les citer.

Il parlait de « dangereuse virtuosité » au sujet du deuxième mouvement, Loop (1991), de sa Sonate pour alto. Le jeu en double cordes fait tourner un motif tout en le variant et l'accélérant. est à l'étage pour interpréter cette courte page emblématique avec une onctuosité dans la sonorité et une liberté du geste qui font merveille. S'enchaîne sans applaudissement Leaping Dance (1984) du Sud-africain installé aujourd'hui en Irlande. Les musiciens sont débout, onze instruments à vent dont deux cors de basset, dans cette courte pièce joliment colorée : le cor semble imiter le hochet dans les premières pages! Les motifs se juxtaposent et une polyrythmie complexe s'engendre jusqu'à cette mélodie aussi fragile que caressante des dernières minutes qui s'inspire d'un air traditionnel xhosa.

Plus connu, Colon Nancarrow, Américain naturalisé Mexicain, dont la musique fit grande impression sur Ligeti, est adepte d'une hyper complexité rythmique qui l'oriente vers le piano mécanique. Il écrit une cinquantaine d'études pour rouleaux perforés dont certaines, assure-t-il, peuvent être jouées par des instrumentistes. Study n°7, arrangée pour ensemble par Yvar Mikhashoff, est mise sur les pupitres des musiciens qui n'en font qu'une bouchée ! Musique à l'emporte-pièce, aux couleurs et mélodies bigarrées, elle révèle au début quelques belles fulgurances mais ne tient pas toutes ses promesses. Né en Afrique du sud, étudie avec Tristan Murail à la Columbia de New-York. Invisible Self (2020) pour piano solo et ensemble, la pièce la plus récente du concert, ne manque ni de charme ni de séduction sonore. C'est qui est au piano, dont le toucher chaleureux autant que lumineux participe du déploiement de belles images sonores au début de la pièce. L'écriture est d'une grande plasticité dont la trajectoire un rien labyrinthique (narrative sans doute) débouche sur la cadence du soliste : ni complexe ni virtuose, c'est une simple boucle pulsée bientôt rejointe par les instruments de la musique shekere (le hochet est agité par le clarinettiste) dans une page finale très enjouée qui fait revivre l'univers de la musique populaire africaine.

Désordre, l'Étude n°1 du Livre 1 de Ligeti est (malicieusement) dédiée à Pierre Boulez ! Influencée par les œuvres de Nancarrow et les polyphonies subsahariennes, elle met à l'œuvre la technique du déphasage des voix, la combinaison de vitesses simultanées et de déplacements des accents métriques. Diabolique et spectaculaire dans sa trajectoire, elle rugit sous les doigts d'acier de qui est seul en scène dans le début de la seconde partie. Il nous fait découvrir ensuite la musique de la compositrice éthiopienne Emahoy Tsegué-Maryam Guèbrou (née en 1923), pianiste, violoniste et compositrice dont le catalogue compte rien moins que 150 opus pour le piano, la musique de chambre, l'orgue et la voix. « Toute ses pièces possèdent un référent extra-musical ou un aspect auto-biographique », nous dit Guillaume Kosmicki qui lui consacre un portrait dans son ouvrage tout récemment paru Compositrices, l'histoire oubliée de la musique. The homeless wanderer (“Le vagabond errant”) est une musique modale à caractère répétitif autant qu'hypnotique, réitérant les mêmes formules tout en en variant leur présentation ; le charme opère sous le jeu tout en finesse et décontraction de notre pianiste. C'est avec cette même délicatesse nonchalante qu'il aborde Ukom – extrait de Talking Drum n°1, du Nigérien , sorte d'improvisation notée sur une basse tonale immuable très/trop longue qui confine cette fois à l'ennui ferme. On raccroche la thématique du concert avec Rítmicas (2019) de la cubaine , compositrice, cheffe d'orchestre et pédagogue née en 1949 qui, comme ses consœurs, « a du sortir la machette et se frayer un chemin », nous dit encore Guillaume Kosmicki dans l'ouvrage déjà cité. Avec ses glissandi de clarinette évoquant Gershwin et ses plages semi-improvisées, Rítmicas fonctionne sur des boucles rythmiques qui se superposent, faisant la part belle aux percussions (le rythme de la clave est conducteur) et regardant vers les batucadas de la musique brésilienne.

Le Concerto pour piano de Ligeti arrive tard dans la soirée ; pour autant la concentration est optimale chez les musiciens qui connaissent la partition sur le bout des doigts. C'est qui est au piano, conduisant avec une précision implacable le Vivace molto ritmico aussi heurté que fantasque. Les sonorités étranges du Lento et deserto, le mouvement lent qui s'enchaîne directement, préfigurent celles des ocarinas que Ligeti mettra dans le futur Concerto pour violon. Il se contente ici de l'harmonica et son spectre sonore irisé. Le troisième mouvement, Vivace cantabile, aura rarement sonné avec une telle transparence, donnant à entendre la superposition des différents ostinatos rythmico-mélodiques avec une clarté étonnante. Le quatrième mouvement, kaléidoscopique, est jubilatoire tout comme le cinquième enchaîné, réaffirmant cette obsession de la complexité polyphonique qui anime le compositeur. , très concentré, et les musiciens de l'EIC donnent à cette musique aussi concise qu'unique en sa facture, un formidable élan.

Crédit photographique : ©

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Paris. Philharmonie-Cité de la Musique. 3-III-2023. György Ligeti (1923-2006) : Loop – extrait de Sonate pour alto (deuxième mouvement) ; Désordre – extrait des Études pour piano (Livre I n°1) ; Concerto pour piano et orchestre ; Kevin Volans (né en 1949) : Leaping Dance, pour ensemble ; Conlon Nancarrow (1912-1997) : Study N°7 – arrangement pour ensemble d’Yvar Mikhashoff ; Andile Khumalo (né en 1978) : Invisible Self, pour ensemble ; Emahoy Tségué-Maryam Guèbrou (née en 1923) : The Homeless Wanderer, pour piano ; Joshua Uzoigwe (1946-2005) : Ukom – extrait de Talking Drums n°1, pour piano ; Tania León (née en 1943) : Rítmicas pour ensemble. John Stulz, alto ; Sébastien Vichard, Dimitri Vassilakis, piano : Ensemble Intercontemporain ; direction : Vimbayi Kaziboni

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