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Ambroise Thomas. Textes de Théophile Gauthier, Prosper Pascal, Arthur Pougin, Julien Tiersot. Introduction de Jean-Philippe Biojout. Bleu nuit éditeur. 96 pages. 8,90 €. Janvier 2023
En attendant une monographie définitive sur l'un des compositeurs français le plus fêtés du XIXe siècle, ce petit ouvrage rappellera en quelques pages ce que furent la vie et l'œuvre d'Ambroise Thomas.
Étonnant petit livre que cet ouvrage de moins de cent pages qui se propose, à partir de cinq textes écrits chacun il y a plus d'une centaine d'années, de replacer un musicien un peu négligé aujourd'hui dans le cadre et le contexte de son époque. Car si l'on joue encore Mignon (à Liège ) et Hamlet (à l'Opéra Comique), il faut bien reconnaître que les succès d'autrefois, qui ont fait les beaux soirs de l'Opéra ou de l'Opéra-Comique, ne sont joués que de manière extrêmement sporadique : Le Caïd, Le Songe d'une nuit d'été, Françoise de Rimini ont certes fait l'objet de reprises récentes, mais reconnaissons qu'elles ont été sans lendemain. Ambroise Thomas semble rester condamné à rester pour la postérité ce musicien dont Emmanuel Chabrier avait dit, non sans quelque cruauté : « Il y a deux espèces de musique, la bonne et la mauvaise. Et puis il y a la musique d'Ambroise Thomas ».
Les cinq textes réunis ici ont tous le mérite de replacer Thomas dans son contexte. Le premier, extrait de l'ouvrage d'Arthur Pougin Musiciens du XIXe siècle (1911), retrace les principaux éléments biographiques du compositeur tout en le situant comme un résistant aux assauts du wagnérisme ambiant en cette fin de XIXe siècle ; Berlioz et Adolphe Adam sont cités à bon escient, et l'on prend grand soin de ne pas faire de Thomas l'égal de Gounod, présenté comme le génie français absolu. Le texte de Prosper Pascal, daté de 1866, est une courte présentation, parfois analytique, de ce qui fut le grand succès de Thomas, son opéra-comique Mignon. Les circonstances tout à fait exceptionnelles de la millième de cet ouvrage, donné du vivant de son compositeur le 13 mai 1894, font l'objet d'un article de Pougin paru dans Le Ménestrel du lendemain. Elles montrent l'adulation dont jouissait alors celui qui était considéré comme le représentant absolu de l'establishment musical français. Le court texte dû à Julien Tiersot rappelle les origines folkloriques de certains des airs favoris de cet opéra. La pièce de résistance de ce petit livre est constituée d'un article de Théophile Gauthier, paru dans Le Ménestrel du 22 mars 1868 et intitulé « Hamlet devant la critique ». On notera que l'analyse musicale est celle du compositeur Ernest Reyer, lequel s'extasie surtout sur la superbe performance des créateurs de l'opéra.
Quel que soit l'intérêt que présentent ces pages, il manque tout de même le regard fédérateur d'un éditeur contemporain qui aurait pu davantage contextualiser ces témoignages d'époque. Ces derniers ne manquent toutefois pas de sel et si l'on peut admirer la prose vite et alerte de nos aînés, on pourra parfois sourire de certains jugements hâtifs et péremptoires ou de critères d'appréciation pour le moins subjectifs et bien marqués par leur époque : Hamlet est présenté comme « une œuvre puissante et mâle », la supériorité du goût français sur le goût allemand paraît une évidence, et l'on tâchera de ne pas s'offusquer de la manière impitoyable dont est étrillé un critique allemand coupable d'une erreur factuelle sur un nombre de représentations. Autres temps, autres mœurs… On pourra également regretter un nombre assez important de coquilles ou de fautes de langue, qui nuisent quelque peu au plaisir indéniable que propose ce petit ouvrage, qu'on souhaiterait annonciateur d'un véritable travail de fond sur la vie et l'œuvre d'un compositeur négligé et parfois incompris, mais dont on mesure à quel point il a pu compter dans son vivant. L'hommage de Verdi à son collègue français fait à ce titre partie des passages les plus touchants de ce livre, à qui il manque un minimum d'ossature pour être tout à fait crédible.
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Ambroise Thomas. Textes de Théophile Gauthier, Prosper Pascal, Arthur Pougin, Julien Tiersot. Introduction de Jean-Philippe Biojout. Bleu nuit éditeur. 96 pages. 8,90 €. Janvier 2023
Bleu Nuit Editeur