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L’Orchestre national de Lille fête son chef-fondateur Jean-Claude Casadesus

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Lille. Auditorium Jean-Claude Casadesus. 16-II-2023. Édouard Lalo (1823-1892) : Le Roi d’Ys, ouverture ; Graciane Finzi (née en 1945) : Fantaisie-concerto pour alto et orchestre. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n° 6 en si mineur op. 74 « Pathétique ». Niels Mönkemeyer, alto. Orchestre National de Lille, direction : Jean-Claude Casadesus

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C'est avec un plaisir renouvelé et une émotion certaine que nous retrouvons, à la tête de l' qu'il a fondé, pour une série de concerts-hommages, au terme desquels lors d'une courte cérémonie protocolaire, et à l'initiative de la région Hauts-de-France, l'Auditorium du Nouveau Siècle portera dorénavant le nom du célèbre chef d'orchestre français.


Voici une initiative sympathique et pleinement justifiée, hommage vibrant à l'homme qui a mené sur les fonts baptismaux et dirigé durant quarante ans le premier orchestre français à être financé par une région. L'on sait le statut national et la reconnaissance internationale qui ont suivi. Sous son impulsion, outre une prestigieuse politique de tournées tout autour de la planète, l'ONL a toujours eu à cœur d'apporter la musique symphonique dans toute la région des Hauts-de-France, à tous les publics, parfois dans des lieux a priori moins adaptées à cette diffusion (y compris les prisons), mais toujours avec le même souci d'excellence qualitative. Aussi, aura œuvré toute sa vie à l'aménagement et à l'amélioration acoustique (notamment par une refonte fondamentale voici dix ans) de la salle de concert lilloise du Nouveau Siècle à laquelle désormais il prête son nom.

Du haut de ses 87 printemps, dans une forme athlétique, droit comme un i, le pas leste et le geste léger, le maître nous a préparé un programme dont il a le secret, illustrant à merveille la politique de mélange des genres et de confrontation des répertoires qu'il a instaurée dès ses débuts, avec succès : défense et illustration de la musique française (l'ouverture du Roi d'Ys d'Edouard Lalo, bicentenaire de la naissance du compositeur lillois oblige), diffusion de la création contemporaine de toute tendance (Fantaisie-concerto de ), et après l'entracte, œuvre phare du répertoire symphonique (la Pathétique de Tchaïkovski).

Si on ne représente plus guère Le roi d'Ys à la scène, l'opéra d'Edouard Lalo, son ouverture créée au concert avant même la première représentation de l'opéra s'est toujours maintenue au répertoire. Elle constitue, par sa construction dramatique à la manière d'un poème symphonique, et par l'énoncé de quelques jalons mélodiques essentiels de l'ouvrage, un très habile et inspiré condensé de toute l'œuvre. Le compositeur y montre une assimilation française de l'art wagnérien (chromatisme expressif omniprésent, utilisation de leitmoive, orchestration très registrée et cuivrée)… jusqu'à une citation textuelle très éphémère, sibylline mais évidente de Tannhäuser. y fait montre d'un sens de la narration épique et de la gradation dramatique, tout en aérant sensiblement les textures sonores les plus denses. Il laisse, au cours de magnifiques solos, quelques premiers pupitres librement s'exprimer : que ce soit dès l'introduction, la féline clarinette de Michele Carrara, ou dans une cantilène énamourée et lyrique au mitan de l'ouvrage, le somptueux violoncelle de Gregorio Robino. Reste à espérer que cette belle entrée en matière ne sera pas, cette année, la seule contribution de la phalange lilloise au génie du lieu : par exemple, sa symphonie en sol mineur est un chef d'œuvre méconnu du répertoire français de l'époque qu'il serait bon de voir programmée !

inaugura de 2001 à 2003 le programme de compositeur en résidence de l'ONL. En guise de clin d'œil, elle est en quelque sorte réinvitée ce soir par le truchement de sa Fantaisie-concerto pour alto et orchestre, créée voici quatre ans au festival Présences de radio-France. « Une cellule me plait ? Je la tords, la disloque, l'énerve, l'embellis, la dis et redis… Est-ce une bonne idée musicale ? Je l'exploite a fond, je la construis, la casse, l'étire, la superpose… » Ainsi se présente la compositrice qui précise pour cette œuvre « Ce terme libérateur qu'est le mot « Fantaisie » » s'est imposé très vite lors de l'élaboration de l'œuvre. c'est une promenade dans la vie et de la vie, parcours et traversée de sentiments, reliés les uns aux autres ou indépendants... » À partir d'éléments très simples (une note-pivot, un accord, diverses bribes mélodiques, une irisation harmonique), le discours se structure au-delà d'une certaine discontinuité délibérée et d'un morcellement de la pensée. Le langage se veut « pan-consonnant », sans jamais tomber dans la facilité de la mode platement néo-tonale ou néo-modale. propose un parcours progressant par valeurs discrètes, usant de la mémoire de l'auditeur au gré des métamorphoses oniriques d'idées musicales cycliques, dans une grande variété d'ambiance – de l'enchantement au cauchemar, de l'extase à la terreur. La structure très libre rappelle peut-être de loin les concerti de Dutilleux (surtout l'Arbre des Songes, dans la même optique du rêve et toutes ses potentialités nocturnes) tandis que la science délicate de l'orchestration (depuis les colorations angéliques et délicates du début et de la conclusion de l'œuvre jusqu'au tutti les plus mordants du climax) assume un héritage librement impressionniste et une évidente patte « post-ravélienne ».

La partie soliste (avec au fil du discours deux cadences) somptueusement écrite pour l'alto est splendidement défendue par Niels Mönkenmeyer, d'une splendide précision d'intonation et d'une souplesse d'archet arachnéenne : un sens aigu de la sonorité permet une versatilité d'humeur en totale adéquation stylistique avec cette passionnante et irréductible partition.

Après l'entracte, nous retombons en terrain très connu, avec la Symphonie pathétique de . Ce jeudi soir, nous nous expliquons mal quelques distractions parfaitement évitables de la part d'un orchestre aussi chevronné dans une partition aussi courue (« pain » des cuivres dans le grand crescendo de l'Allegro molto vivace, incohérence ponctuelle des deux pupitres de violons au début de l‘Adagio lamentoso final). Mais au-delà de ces minimes mais étranges scories factuelles, la conception de Jean-Claude Casadesus se veut presque trop sage dans les mouvements impairs. S'il veut éviter louablement tout excès de pathos au fil du long et terrifiant premier mouvement, il en unifie trop la pulsation. Nous y souhaiterions des sections adagio plus passionnément épanchées et lyriques et, dans la section centrale, un allegro plus véloce, plus féroce, plus cruel, vraiment marqué du sceau du fatum. De même le troisième mouvement vrai-faux finale (sollicitant, comme souvent, les applaudissements irrépressibles d'un public moins averti…) manque de ce second degré ravageur et quasiment pré-mahlérien dans son ton de triomphe factice et cynique. Mais les mouvements pairs sont particulièrement poignants et réussis : la valse « allegro con grazia », bancale par l'essence même de sa pulsation de son cinq/quatre transpire ce soir le spleen, notamment en son trio central quasi insoutenable de morbidezza avec cette irrépressible pulsation des timbales (Laurent Fraiche, remarquable d'expressivité !), tel un cœur trop grand pour lui-même et battant toujours trop vite. Et surtout ce final atteint l'universel, épisode de la vie d'un artiste face à lui-même, abandonné de tous, sur les cimes du désespoir pour citer Cioran, malgré les succès publics. Faut-il y voir le portrait craché du directeur musical fêté ce soir, mais quittant l'estrade bien solitaire, une fois les lampions de la célébration festive dûment éteints ?

Crédits photographiques : Jean-Claude Casadesus © ONL. Graciane Finzi © Jean-Baptiste Millot. Niels Mönkemeyer © Irene Zandel

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Lille. Auditorium Jean-Claude Casadesus. 16-II-2023. Édouard Lalo (1823-1892) : Le Roi d’Ys, ouverture ; Graciane Finzi (née en 1945) : Fantaisie-concerto pour alto et orchestre. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n° 6 en si mineur op. 74 « Pathétique ». Niels Mönkemeyer, alto. Orchestre National de Lille, direction : Jean-Claude Casadesus

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