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Giselle revisitée par Martin Chaix pour le Ballet du Rhin

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Opéra national du Rhin, Strasbourg. 14-I-23. Dans le cadre de la Quinzaine de la danse. CCN Ballet de l’Opéra national du Rhin : Giselle. Chorégraphie : Martin Chaix. Musique : Adolphe Adam, Louise Farrenc. Direction musicale : Sora Elisabeth Lee. Dramaturgie : Martin Chaix, Ulrike Wörner von Fassman. Dramaturgie musicale : Martin Chaix. Décors : Thomas Mika. Costumes : Catherine Voeffray. Lumières : Tom Klefstad. Avec les danseurs du CCN Ballet de l’Opéra national du Rhin et l’Orchestre symphonique de Mulhouse

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Une nouvelle relecture résolument féministe et plutôt réussie de Giselle proposée par le chorégraphe pour le ballet de l'Opéra national du Rhin à Strasbourg.

Cette nouvelle relecture de Giselle pour le Ballet de l'Opéra national du Rhin est un ballet sur pointes, dont la base de l'écriture chorégraphique est conçue pour des corps formés pour la danse académique. Mais la diversité de corps que recèle le Ballet de l'Opéra national du Rhin permet une grande richesse d'écriture et de qualités de danse, dont le chorégraphe use à bon escient.

Chorégraphe français dont l'essentiel de la carrière s'est pour l'instant déroulée en Allemagne, se saisit à son tour de l'histoire de Giselle, en revisitant de fond en comble le livret écrit par Théophile Gautier pour la création de Jean Coralli et Jules Perrot. Il conserve une partie de la partition originale d', mais y adjoint des extraits des Symphonies n°1 et n°3 de sa contemporaine .

C'est le cas dès le prologue du premier acte, intitulé « La Foule », campé dans un espace de passage qui pourrait être une salle des pas perdus ou une station de métro des années 50. La foule en question, composée de couples dont les femmes sont sur pointes, danse à l'unisson dans un beau tableau d'ensemble, comme le seront la plupart des scènes de groupe, très réussies avec une écriture riche et complexe magnifiquement rendue par le ballet de l'Opéra national du Rhin.


La scène suivante reprend le début de la partition de . On y voit Albrecht, interprété par le fougueux , se comporter comme un Don Juan, dansant avec une fille, puis l'abandonnant pour danser avec une autre, harcelant et violent. Une dispute éclate entre les deux conquêtes féminines de Albrecht, Zulma et Moyna, donnant le ton à cette première partie autour des violences sexuelles. La première variation d'Albrecht est brillante, avec de beaux grands jetés, de l'élévation et une saltation naturelle. La variation de Giselle dans le ballet originel est ici dansée par le personnage de Bathilde, la fiancée noble d'Albrecht, ici une grande femme élégante en combinaison noire strassée interprétée par . La chorégraphie proposée est très originale et la danseuse chinoise y apporte toute sa classe.

Giselle, dansée par vêtue d'une robe blanche, interprète ses propres variations sur la musique de Louise Farenc. Si les autres rôles sont bien caractérisés sur le plan chorégraphique (Albrecht, Bathilde, Hillarion), c'est moins le cas pour Giselle, qui replie ses bras et cache son visage de ses mains en guise de signature chorégraphique. Ici, c'est une pauvre petite chose timide et perdue au milieu des autres corps explosés et volubiles. Mais Hillarion, magnifique (une femme sur la première distribution, un homme sur la seconde), veille sur elle avec affection dans des duos très tendres. Cependant, on ne comprend pas toujours la teneur de leur relation ni les raisons de la timidité et de la fragilité de Giselle dans la narration.

Ce qui ne fait pas de doute, c'est que Giselle est amoureuse d'Albrecht, qui revient pour un très beau duo entre les deux danseurs. Aveugle à la violence qui le saisit quand il harcèle ses conquêtes, elle continue à l'aimer jusqu'à ce qu'elle devine la trahison d'Albrecht et son engagement avec Bathilde, une situation et une pantomime proche de celle du ballet originel. C'est alors la foule qui sépare et précipite les trois principaux protagonistes vers leur destin, sans que Giselle ne meure sur la scène à la fin de ce premier acte.

Après l'entracte, le rideau se lève sur un terrain vague situé à la lisière d'une forêt, éclairée par deux lampadaires. Myrtha, alias , portant une robe de mousseline noir et un perfecto partage ses pensées avec sa « bande à Myrtha » qui donne son titre à cette deuxième partie. Gender fluid, cette bande de filles plutôt punk produit, là encore, un très joli travail de groupe. Giselle arrive, hors d'haleine, et laisse éclater sa colère dans un solo émaillé de gestes anguleux, évoquant la Giselle de Mats Ek. Sa rage est apaisée par Myrtha qui la recueille et l'accueille dans sa bande. La chorégraphie laisse alors une très large place au féminin dans cette deuxième partie, avec une écriture fluide et narrative, qui emprunte au récitatif. Martin Chaix développe à travers ses duos, quatuors ou sextuors intégrant les six principaux protagonistes une notion de sororité et de solidarité féminine. Pour épouser la structure de la musique de , il construit une chorégraphie en fugue qui résonne jusque dans les passages de groupe.

Protection d'Hillarion, jalousie de Bathilde, amour exclusif d'Albrecht, fragilité de Giselle, les situations du premier acte se répliquent dans ce deuxième acte, avec plus de violence et de récriminations. Comme dans l'Acte II du ballet de Coralli et Perrot, Albrecht est houspillé et harcelé à son tour par les membres de la bande à Myrtha, dans une écriture vive et rapide avec de la petite batterie et des tours attitudes joliment épaulés.
Le duo final entre Giselle et Albrecht, réconciliés (on se demande comment ?) se termine dans une double variation homme et femme très nuancée, avec ses sauts légers et ses équilibres. Myrtha, la reine de la nuit, surgit avec sa bande, toujours sur la musique d', mais ne sépare pas les deux amoureux, laissant Giselle seule savourer sa liberté retrouvée. Un « happy end » pour cette nouvelle version de Giselle qui replace la question de l'émancipation féminine au cœur de la thématique du ballet romantique.

Crédits photographiques : © Agathe Poupeney pour l'Opéra national du Rhin

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