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Augusta Holmès (1847-1903) : Andromède, poème symphonique. Lili Boulanger (1893-1918) : D’un moment de printemps ; D’un soir triste. Mel Bonis (1858-1937) : Femmes de légende : Le Songe de Cléopâtre ; Ophélie ; Salomé. Betsy Jolas (née en 1926) : A Little Summer Suite. Orchestre National de Metz Grand Est, direction : David Reiland. 1 CD La Dolce Volta. Enregistré dans la Grande Salle de l’Arsenal / Cité musicale-Metz, du 26 au 30 octobre 2021. Textes en français/anglais. Durée : 62:00
La Dolce VoltaD'Augusta Holmès à Betsy Jolas, c'est plus d'un siècle de création symphonique française, et 100% féminine, que nous propose cet enregistrement de l'Orchestre national de Metz sous la houlette de son chef David Reiland.
Si, dans le passé, l'opéra a tenté plus d'une fois les compositrices, le domaine symphonique semble majoritairement une affaire d'homme d'où la rareté de ces pages orchestrales que David Reiland a réuni dans ce nouvel enregistrement et qu'il défend avec un rare brio. Drame, douleur, vision ou encore voyage parcourent l'inspiration des quatre compositrices à l'affiche.
Le poème symphonique Andromède de Augusta Holmès (1847-1903) reste dans les cartons jusqu'en 1900, quelque vingt ans après sa composition. En cause, sa proximité avec Wagner, détesté par le milieu parisien dans les années 1880. Les cuivres qui débutent sont tout aussi berlioziens, comme ce récitatif des cordes annonçant l'arrivée du libérateur de l'héroïne. L'orchestration est généreuse et l'élan dramatique tout en jaillissement, évoquant, il est vrai, la chevauchée des Walkyries mais aussi le cor de Siegfried au sein d'une écriture qui favorise la montée en tension vers les sommets. Un long poème en alexandrins de la main de la compositrice (reproduit dans la pochette du CD) sous-tend chaque épisode de l'œuvre symphonique. L'élégance des lignes et les ressorts du timbre (superbe solo de cor anglais) ajoutent à la puissance du geste orchestral et la force expressive qui traversent toute la pièce.
Mel Bonis (1858-1937), comme Augusta Holmès, fut élève de César Franck et adepte du poème symphonique glorieusement illustré par le maître. Au départ de son inspiration, des portraits d'héroïnes de toutes les époques qu'elle veut évoquer en musique : Phœbé, Viviane, Salomé, Cléopâtre, Ophélie, Desdémona, Mélisande, etc. Autant de partitions que sa descendante Christine Géliot réunit en un cycle publié dans les années 2000 sous le titre Femmes de légende. Orchestration somptueuse pour Le songe de Cléopâtre où opère le charme des lignes flexibles et leurs contrepoints ornementaux ainsi que la palette des timbres. Des qualités que l'on retrouve dans Ophélie, avec l'opulence des cordes rehaussées d'une percussion scintillante, un thème conducteur et une polyphonie très soignée. Sans aucun doute le plus réussi, le portrait de Salomé, tour à tour danseuse et enjôleuse, est plus contrasté, entre séduction et mystère, sonorités acérées et flûte ornementale dessinant sa spirale descendante. L'Orchestre national de Metz en peaufine chaque facette, dans la transparence des textures et l'acuité des timbres évocateurs.
C'est la destinée tragique de Lili Boulanger (1893-1918) qui se noue dans ses deux pièces jumelles (elles procèdent du même matériau harmonique et thématique) quoique totalement opposées qui paraissent dans une version de chambre avant d'être orchestrées en 1918, quelques mois avant la mort de la compositrice âgée de vingt-quatre ans. D'un matin de printemps est une musique de plein air regardant vers Debussy, ensoleillée comme un tableau de Seurat, bondissante comme une eau de source. D'un soir triste est une musique funèbre aux scansions d'accords terrifiantes, aux couleurs sombres, aux dissonances âpres qui ne sont pas sans annoncer – avec dix ans d'avance – certains passages du Concerto pour la main gauche de Ravel : motifs lancinants, doublures lugubres des clarinette et basson, appels déchirants des cuivres, presque insoutenables. Rarement musique aura sonder aussi profondément les affres du désespoir, montant en puissance sur la scansion implacable des timbales. L'interprétation de David Reiland nous saisit dans tout notre être.
A Little Summer Suite (2015) de Betsy Jolas (née en 1926) referme le CD sur une touche plus souriante et légère. La pièce est une commande de Simon Rattle et de l'Orchestre Philharmonique de Berlin pour les 90 ans de la compositrice. Les sept pièces courtes qui s'enchaînent incarnent l'idée d'errance, utilisant, comme dans les Tableaux d'une exposition de Moussorgsky auxquels a pensé Jolas, un thème de promenade (Strolling), ligne sinueuse pleine de mystère qui revient quatre fois dans un habillage différent. La compositrice nous convie à un « voyage de l'oreille » au cœur de l'orchestre, pensant également aux musiciens du Philharmonique de Berlin pour qui elle écrit des solos (Chants et cheers) : jubilation du rythme (Knocks and clocks) et des couleurs (Shakes and Quakes) à laquelle participe activement la percussion. David Reiland et ses musiciens donnent à ces miniatures délicatement ciselées toute la fraîcheur et l'aspect fantasque qui les animent.
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La Dolce Volta