Philippe Jaroussky et Le Concert de la Loge à Montpellier dans des airs baroques inédits
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Montpellier. Opéra Comédie. 15-XI-2022. Airs oubliés : Œuvres de Johann Adolf Hasse (1699-1783) ; Leonardo Leo (1694-1744) ; Michelangelo Valentini (1720-1768) ; Tommaso Traetta (1727-1779) ; Andrea Bernasconi (1706-1784) ; Giovanni Battista Ferrandini (1709-1791) ; Georg Friedrich Haendel (1685-1759) ; Johann Christian Bach (1735-1782) ; Niccolo Jommeli (1714-1774). Philippe Jaroussky, contre-ténor ; Le Concert de la Loge, Julien Chauvin, violon et direction
A l'Opéra Comédie de Montpellier, un concert étonnant réunissait des airs oubliés italiens et allemands du baroque sous la houlette efficace de Julien Chauvin et de ses musiciens entourant Philippe Jaroussky, rayonnant et communicatif dans son art de la rhétorique.
Une nouvelle fois un public nombreux est au rendez-vous à l'Opéra pour écouter Philippe Jaroussky, accompagné par l'ensemble sur instruments anciens, Le Concert de la Loge et son chef violon solo Julien Chauvin. Le programme de cette soirée est on ne peut plus original puisque sous le thème des « goûts réunis » sont rassemblées musiques italiennes et allemandes tombées dans l'oubli. Réunir ainsi des styles parfois opposés et finalement complémentaires est une très bonne idée, d'autant que Haendel présent dans le programme offre une Ouverture à la française avec Ariodante ce qui compléte le panorama musical. De plus les pièces choisies font apparaitre des compositeurs plus ou moins connus du milieu du XVIIIᵉ siècle. Qui connait vraiment la musique d'Andrea Bernasconi ou de Tommaso Traetta ?
Bien sûr la découverte est totale ou presque et on mesure au travers d'un tel programme l'influence de l'Italie sur toute l'Europe, en particulier chez les compositeurs allemands. Johann Adolf Hasse, musicien installé à Dresde écrit une musique inspirée de ses voyages en Italie à Naples et à Venise. Il casse le moule de la sévérité germanique pour révéler la vivacité et la légèreté de l'Italie. Une ouverture instrumentale suivie de deux airs le démontre clairement. Le passage aux maitres italiens se fait ensuite en douceur par une connivence de style avec deux airs tirés d'opéras de Michelangelo Valentini et de Tommaso Traetta, introduits par une vivante ouverture instrumentale de Leonardo Leo.
La deuxième partie du concert placée sur le même thème permet d'écouter pour commencer deux autres airs inédits d'Andrea Bernasconi et de Giovanni Battista Ferrandini. Ce dernier avec l'air « Gelido in ogni vena » tiré de Farnace présente une scène tragique de suicide, traduite musicalement par une déploration des plus poignantes. Sans doute l'un des plus grands moments de cette soirée. Georg Friedrich Haendel au centre de ces œuvres fait figure de pierre angulaire, ayant lui-même intégré les divers styles européens de son temps. Son Ouverture d'Ariodante rappelle la France, la danse qui suit s'inspire de l'Angleterre. Pour rester dans ces sphères britanniques, un air extrait de l'opéra Artasese de Johann Christian Bach, dernier fils musicien de Johann Sebastian surnommé le Bach de Londres. Une musique déjà mozartienne assez proche de La clémence de Titus. Sur le même thème d'Artasese où l'action se situe dans la Perse ancienne, Niccolo Jommeli disserte également en un air empreint de drame, délivré à la fin dans le pardon.
Ce riche programme est parfaitement construit pour la voix virtuose et charmeuse de Philippe Jaroussky, profondément habité par toutes les intrigues contenues dans ces extraits d'opéras oubliés. Ces airs sont pour la plupart de redoutables performances techniques, par leur longueur d'abord, utilisant la forme « Aria da capo » et par leur écriture audacieuse dans les ornements, les tessitures et les mélismes les plus nombreux. Le chanteur se joue avec délices de ces difficultés qu'il fait disparaitre devant nous comme par magie. Tout au long de la soirée on apprécie la précision, les équilibres tant à l'intérieur de l'orchestre que lors des dialogues avec le soliste du Concert de La Loge dirigé par son chef et violoniste Julien Chauvin. Les pupitres d'instruments à vent sont parfaitement intégrés à la pâte sonore des cordes. Des cors naturels dans des registres pianissimo ou les hautbois et bassons magnifiquement fondus dans des couleurs chatoyantes en harmonie avec le pupitre des violons et des basses. Julien Chauvin conduit son ensemble au doigt et à l'œil, au millimètre serait-on tenté de dire, tout cela au service d'une interprétation raffinée et génératrice d'émotions fortes.
La soirée s'achève avec deux rappels : des airs de Gluck et Piccini, clôturant ainsi ce tour d'horizon inhabituel dans le monde des musiques retrouvées…
Crédits photographiques : © ResMusica
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Montpellier. Opéra Comédie. 15-XI-2022. Airs oubliés : Œuvres de Johann Adolf Hasse (1699-1783) ; Leonardo Leo (1694-1744) ; Michelangelo Valentini (1720-1768) ; Tommaso Traetta (1727-1779) ; Andrea Bernasconi (1706-1784) ; Giovanni Battista Ferrandini (1709-1791) ; Georg Friedrich Haendel (1685-1759) ; Johann Christian Bach (1735-1782) ; Niccolo Jommeli (1714-1774). Philippe Jaroussky, contre-ténor ; Le Concert de la Loge, Julien Chauvin, violon et direction