Captivantes histoires « secrètes » de la musique contées par Bruno Giner
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Bruno Giner. Treize histoires « secrètes » de la musique. Editions Delatour France. 196 pages. 22 euros. 2022
Bruno Giner spécifie d'emblée que ses Treize histoires « secrètes » de la musique, soit autant de jalons parcourant la première moitié du XXe siècle, s'adressent prioritairement aux non spécialistes.
Il ôte sans tarder tout malentendu en précisant que le qualificatif « secret » est à considérer comme synonyme de « non largement diffusé ». Mise au point honnête mais qui n'enlève en rien l'intérêt des treize chapitres dans lesquels, avec un art consommé de la synthèse et de l'essentiel, il dresse tour à tour le climat politique, l'environnement artistique et le positionnement personnel de ces musiciens par trop négligés voire profondément oubliés.
Chaque histoire illustre des aspects parfois inattendus ou d'autres aseptisés par une vérité malmenée. On pense par exemple à Olivier Messiaen qui demeura discrètement imprécis sur ses conditions de retour de son camp de prisonniers en Allemagne lors de la Seconde Guerre mondiale tout comme son récit relatif à la création de son Quatuor pour la fin du temps.
Si l'on sait généralement qu'Anton Webern appartient profondément à l'histoire de l'atonalité dans le sillage de son maître Arnold Schoenberg, on connait beaucoup moins son positionnement vis-à-vis du régime nazi. Giner montre avec nuance, sans condamner excessivement, combien le nationalisme et l'intérêt que Webern portait à la personne d'Adolf Hitler ont été amplement passé sous silence, ou presque. Avec le même tact, il esquisse l'histoire des deux orchestres du camp de concentration de Mauthausen, horrible mise en scène d'un cynisme effroyable et d'une férocité indicible.
Il nous révèle qu'Erik Satie, auteur entre autres des Gymnopédies, était inscrit au Parti communiste de sa ville d'Arcueil et aussi rapporte les actions du compositeur en faveur des plus démunis. Révélation somme toute sympathique comparée aux affres qu'allait rencontrer une grande partie du monde musical soviétique lorsque le redoutable Jdanov, suppôt du tyrannique Staline, avait institué et organisé la chasse au « formalisme petit bourgeois »
D'autres chapitres nous révèlent de nombreuses informations concernant la douloureuse situation espagnole au cours des années 1930 (Rodolfo Halffter), la situation musicale prolétarienne sous la République de Weimar, les positions courageuses d'Elsa Barraine, communiste et résistante en France…
Les textes de Bruno Giner nous invitent à l'immersion dans les multiples péripéties que vécurent ces musiciens plongés dans l'angoisse et les dangers d'une époque qui n'en manquaient nullement. On ne saurait que conseiller d'entreprendre cet enrichissant et captivant voyage au sein du premier XXe siècle.
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Bruno Giner. Treize histoires « secrètes » de la musique. Editions Delatour France. 196 pages. 22 euros. 2022
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