Une histoire vivante de la musique, la somme ambitieuse de Mélanie Levy-Thiébaut
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Une histoire vivante de la musique, du Psaume à Pierre Boulez. Mélanie Levy-Thiébaut. Flammarion. 487 p. 24,90 €. Février 2022
Dans ce volumineux ouvrage, la cheffe d'orchestre Mélanie Levy-Thiébaut aborde l'histoire de la musique selon une triple approche.
La première est celle d'une histoire chronologique de la musique, « du psaume hébraïque à Xenakis, Boulez ou Stockhausen » comme elle l'écrit elle-même, avec en sus des pages sur ces contemporains déjà entrés dans l'Histoire que sont Steve Reich, Philip Glass, Kaija Saariaho ou Esa-Pekka Salonen. Dans l'ensemble, les deux points forts sont l'équilibre entre les époques (avec de beaux développements sur les périodes d'habitude rapidement traitées, l'Antiquité, le Moyen Âge, la Renaissance et la deuxième moitié du XXe siècle), et la clarté et l'intelligence du propos qui font de cet ouvrage une parution tout public et de bon niveau. Dans le détail, les spécialistes trouveront sûrement à redire à nombre d'affirmations (telles qu'à la page 290 à propos de Debussy : « c'est la première fois qu'un compositeur prend ses distances avec la forme sonate »), ou relèveront des manques étonnants (comment peut-on parler de Gesualdo, page 42, sans même évoquer ses madrigaux ?). On a parfois aussi l'impression que soit trop soit trop peu est dit sur un sujet ou un compositeur, mais il faut reconnaître que c'est à peu près toujours le cas pour de tels ouvrages qui ambitionnent d'embrasser toute l'Histoire de la musique.
Dans sa deuxième approche, Mélanie Levy-Thiébaut se veut professeur de formation musicale, et nous explique les règles élémentaires de la musique occidentale, des découvertes de Pythagore au dodécaphonisme. C'est l'aspect le moins convaincant de l'ouvrage : non que l'information soit présentée de manière obscure ou erronée, ou encore qu'elle soit mal illustrée (les figures dans le texte et en annexe sont de qualité), mais elle souffre d'être présentée au fil du propos, de manière non systématique. On peut fortement douter qu'un lecteur non averti en retire grand-chose, quand une explication méthodique et progressive demande déjà un fort investissement intellectuel à qui veut devenir familier des notions qu'on regroupe sous le terme de solfège.
C'est la troisième approche qui donne tout son intérêt au livre de Mélanie Levy-Thiébaut : celle de la sensibilité et de la vision personnelle, qui irrigue tout le propos. Celle aussi de l'expérience de musicienne et de cheffe d'orchestre, qui lui permet de rattacher à son vécu nombre de passages du livre. Ainsi, à propos des Masks anglais et de l'importance de la technique théâtrale, nous raconte-t-elle une savoureuse expérience de filage lumière dans une production d'opéra (p. 75). Dans le chapitre sur Ravel, elle raconte comment, jeune cheffe, elle put rencontrer Manuel Rosenthal, ancien élève de Ravel encore en vie, et l'interroger sur l'interprétation de Ma mère l'Oye (p. 298). Ou encore, elle relate par le menu l'action de La Bohème en l'entrecoupant de son expérience de cheffe assistante sur une production mise en scène par Giancarlo del Monaco (p. 311) : ces pages nourries d'une connaissance intime du chef d'œuvre de Puccini (qu'elle a dirigé par la suite) sont un exemple marquant parmi tant d'autres du talent de Mélanie Levy-Thiébaut pour éclairer de sa grande sensibilité l'histoire de la musique.
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Une histoire vivante de la musique, du Psaume à Pierre Boulez. Mélanie Levy-Thiébaut. Flammarion. 487 p. 24,90 €. Février 2022
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