Avec Saul, nouvelle mise en scène haendélienne par Claus Guth
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Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Saul, oratorio en trois actes sur un livret de Charles Jennens. Mise en scène : Claus Guth. Décors : Christoph Zauner. Scénographie et costumes : Christian Schmidt. Vidéo : Arian Andiel. Lumières : Bernd Purkrabek. Réalisation : Tiziano Mancini. Avec : Florian Boesch, basse (Saül) ; Jake Arditti, contreténor (David) ; Anna Prohaska, soprano (Merab) ; Giulia Semenzato, soprano (Michal) ; Rupert Charlesworth, ténor (Jonathan) ; David Webb, ténor (Abner / Le Grand Prêtre / Doeg) ; Rafal Tomkiewicz, contreténor (La Sorcière d’Endor) ; Andrew Morstein, ténor (L’Amalekite) ; Arnold Schoenberg Chor (chef de chœur : Erwin Ortner) ; Freiburger Barockorchester, direction : Christopher Moulds. 1 Blu-Ray Unitel Edition. Enregistré en avril 2021 au Theater an der Wien. Sous-titres : anglais, allemand, français, coréen et japonais. Notice de présentation en anglais, allemand et français. Durée : 158:00
Unitel EditionAprès Le Messie à Vienne et à Nancy, après Jephtha à l'Opéra Garnier, c'est au tour de Saul de bénéficier de la relecture de Claus Guth. Réussite absolue, malgré les liberté prises avec le livret.
Aucun oratorio de Haendel ne se prête davantage à la scène que l'extraordinaire Saul, drame bourgeois qui a le mérite de mettre en scène autant les destinées de tout un peuple que celles d'une poignée de personnages soumis aux émotions humaines les plus fondamentales : amour, haine, amitié, jalousie, doutes, affres diverses et variées. La mise en scène proposée au public du Theater an der Wien ne fait que souligner l'extraordinaire potentiel dramatique d'une œuvre riche et puissante. Pour cette raison, on n'en voudra pas à Claus Guth d'avoir pris quelques libertés avec l'intertexte biblique, au point de montrer Saul poignarder son propre fils à la fin du deuxième acte, en lieu et place du lancer de javelot indiqué dans le livret. Le parti pris du metteur en scène est de toute évidence de mettre en exergue les troubles psychiatriques des différents protagonistes, signalés dès le prélude de l'œuvre par la présence d'un sol de terre lézardé destiné à suggérer les fêlures intimes du roi Saül. Ce dernier, dès l'introduction, plonge ses doigts dans l'argile et macule un mur blanc des quatre lettres composant son nom. David en fera de même avec son propre nom à la fin de l'ouvrage, une fois intronisé roi d'Israël et saisi du même mal que son prédécesseur. Les enfants de Saül, visiblement perturbés par les troubles familiaux et par l'arrivée en leur sein d'un personnage, le jeune et beau David, issu d'un milieu social qui n'est pas le leur, évoluent au gré des habiles mouvements d'un remarquable plateau tournant présentant tour à tour la salle à manger familiale, l'espace privé d'une sorte de cabinet de toilette lieu de toutes les transgressions, puis une espèce de place publique où l'on croise, entre autres, les membres du chœur. L'excellente direction d'acteurs – on pourrait presque parler de chorégraphie – crée des images d'une beauté époustouflante, notamment pour les scènes impliquant le chœur, acteur et commentateur de l'action dont la gestuelle stylisée rappellerait presque le travail autrefois réalisé par Peter Sellars pour Theodora. Tout n'est pas clair cependant dans cette vision éminemment plastique, dont un des plus grands mérites est justement de souligner la nature essentiellement dramatique d'une œuvre non destinée à la scène. Que penser, par exemple, du traitement de la scène de la sorcière d'Endor, personnage incarné par la soubrette que l'on aperçoit lors des repas pris au cours des deux premiers actes ? Comment comprendre l'apparition du personnage de Samuel, apparemment chanté par Saül lui-même ? Quel est le véritable rôle de David au sein de la fratrie Merab / Michal / Jonathan, visiblement délaissée à la fin quand le futur roi d'Israël choisit une autre épouse ? Autant de questions qui resteront dans les limbes, mais qui rappellent le pouvoir de fascination d'un ouvrage et d'un épisode biblique qui n'ont pas fini de livrer tous leurs mystères.
Filmé en avril 2021 sur la scène du Theater and der Wien, visiblement sans public pendant une période de confinement, le spectacle bénéficie d'une distribution de haut vol. Florian Boesch, davantage acteur que chanteur, propose un portait littéralement habité du roi Saül, rongé par la jalousie et la folie. Son jeu subtil et nuancé constitue un des grands atouts de cette captation. Face à lui, Jake Arditti est lui aussi fascinant dans le rôle de David, candide et innocent mais également dangereusement manipulateur. On comprend que son chant et son physique fassent craquer les trois rejetons de Saül, superbement joués et chantés par Anna Prohaska, altière mais humaine Merab, Giulia Semenzato, lumineuse Michal, sans oublier Rupert Charlesworth, ambigu et séduisant Jonathan. On notera également les belles prestations de David Webb, Rafal Tomkiewicz et Andrew Morstein. Quand on dira que l'orchestre placé en fosse n'est rien d'autre que le Freiburger Barockorchester, une des meilleures phalanges baroques au monde, et que c'est l'Arnold Schoenberg Chor qui participe au spectacle, on comprendra que rien n'a été laissé au hasard pour obtenir un résultat optimal. À la tête de tout ce petit monde, Christopher Moulds parvient à créer un climat sonore tout à fait à la hauteur du superbe spectacle qui se déroule sous nos yeux.
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Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Saul, oratorio en trois actes sur un livret de Charles Jennens. Mise en scène : Claus Guth. Décors : Christoph Zauner. Scénographie et costumes : Christian Schmidt. Vidéo : Arian Andiel. Lumières : Bernd Purkrabek. Réalisation : Tiziano Mancini. Avec : Florian Boesch, basse (Saül) ; Jake Arditti, contreténor (David) ; Anna Prohaska, soprano (Merab) ; Giulia Semenzato, soprano (Michal) ; Rupert Charlesworth, ténor (Jonathan) ; David Webb, ténor (Abner / Le Grand Prêtre / Doeg) ; Rafal Tomkiewicz, contreténor (La Sorcière d’Endor) ; Andrew Morstein, ténor (L’Amalekite) ; Arnold Schoenberg Chor (chef de chœur : Erwin Ortner) ; Freiburger Barockorchester, direction : Christopher Moulds. 1 Blu-Ray Unitel Edition. Enregistré en avril 2021 au Theater an der Wien. Sous-titres : anglais, allemand, français, coréen et japonais. Notice de présentation en anglais, allemand et français. Durée : 158:00
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