Le Symphonique de Londres dirigé par Noseda dans la “Léningrad” de Chostakovitch
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Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n° 7 op. 60 “Léningrad”. Orchestre symphonique de Londres, direction : Gianandrea Noseda. 1 CD LSO Live. Enregistré au Barbican de Londres en décembre 2019. Notice en français, anglais, allemand. Durée : 75:00
LSO LiveAprès la parution des Symphonies n° 1 et 5, 4, 8, 9 et 10 de Dimitri Chostakovitch, l'actuel premier chef invité de la phalange londonienne, Gianandrea Noseda, poursuit l'intégrale du cycle du compositeur russe avec la Symphonie “Léningrad” dont la puissance guerrière résonne dramatiquement ces jours-ci.
La symphonie si décriée, moquée, et caricaturée notamment par l'avant-garde occidentale n'est assurément pas la partition simpliste d'un compositeur “officiel” du régime soviétique ! Elle apparaît aujourd'hui bien davantage comme une cantate ou un hymne au peuple Russe. La barbarie nazie et les serviteurs zélés de Staline qui éliminèrent les artistes et intellectuels soviétiques proches de Chostakovitch semblent défiler côte à côte. C'est le sens caché des titres donnés par le compositeur, lui-même, aux quatre mouvements : La guerre (1), Souvenirs (2), Les Grands espaces de la Patrie (3), la Victoire (4). Pour autant, la symphonie doit “vivre”, déliée en partie de sa charge historique. Avant d'être une musique “à programme”, l'œuvre est portée par une énergie et un souffle extraordinaires. Les témoignages des prédécesseurs de Noseda en témoignent, d'Ancerl à Gergiev, en passant par Bernstein, Jansons, Kondrachine et Svetlanov, entre autres. Le LSO connaît particulièrement bien cette musique (le passage de Gergiev y est pour beaucoup) mais, curieusement, il ne l'a gravée qu'une seule fois, sous la baguette de Rostropovitch, un enregistrement qui n'est guère passé à la postérité…
Dans la Symphonie “Léningrad”, nous retrouvons la direction si inspirée de Noseda, lui aussi grand connaisseur de cette musique tant au concert que pour le label Chandos Records. Précision, clarté, sens de la ligne, finesse des contrastes… Tout cela est évident dès les premières minutes de l'immense Allegretto introductif. Cette page si « extérieure » est, paradoxalement, dirigée avec une sobriété exemplaire. Le thème de l'invasion, battu à la caisse claire douze fois, est mené avec une rigueur imparable, ce qui n'exclut pas une souplesse dans l'expression des voix intérieures. Le mérite en est d'autant plus grand qu'il faut, comme à chaque fois, souligner la sécheresse de l'acoustique de la salle du Barbican.
Le second mouvement, Moderato (poco allegretto) tient lieu de scherzo. Son insouciance lyrique et, en apparence heureuse, demeure trompeuse. Les vents criards et sarcastiques brisent l'élan rythmique et le caractère hymnique de la partition. Noseda joue de cette ambivalence des expressions, s'appuyant sur des cordes chaleureuses et des pupitres de hautbois, cor anglais et clarinette basse impeccables. Il n'a nul besoin de surjouer les effets de masse sonore tant sa battue « respire » avec élégance.
Le mouvement lent, Adagio, est peut-être le plus authentiquement russe des quatre, le plus « moussorgskien » ou « stravinskien » si l'on songe à la Symphonie de Psaumes. Le souci de tenir une ligne mélodique claire et expressive évite tout sentimentalisme. Au sein de cette page, le Moderato risoluto fait songer à nouveau aux explosions sauvages des premiers mouvements des symphonies n° 2 et n° 3 de Mahler. L'engagement des musiciens et l'amplitude calculée des nuances impressionnent. Il en va exactement de même dans le finale dont le caractère épique poursuit et amplifie celui du premier mouvement. La masse orchestrale accumule les fortissimos, libérant une énergie considérable, prélude aux hymnes (amers) de la victoire. Pour les interprètes d'aujourd'hui, il s'agit d'aller au fond des notes (superbes contrebasses !), de contenir la tension puis de la faire émerger en pleine lumière, dans les dernières minutes de l'œuvre. Tenir. Tenir jusqu'au bout. Mission accomplie.
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