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Nancy. Opéra national de Lorraine. 28-I-2022. Paul Dukas (1865-1935) : Ariane et Barbe-Bleue, conte musical en trois actes sur un poème de Maurice Maeterlinck. Mise en scène : Mikaël Serre. Décors et costumes : Nina Wetzel. Lumières : Franck Evin. Vidéo : Sébastien Dupouey. Dramaturgie : Jens Hillje. Avec : Catherine Hunold, Ariane ; Vincent Le Texier, Barbe-Bleue ; Anaïk Morel, la Nourrice ; Héloïse Mas, Sélysette ; Clara Guillon, Ygraine ; Samantha Louis-Jean, Mélisande ; Tamara Bounazou, Bellangère ; Nine d’Urso, Alladine ; Benjamin Colin & Christophe Sagnier, deux Paysans ; Ill Ju Lee ; Ju In Yoon, voix isolées. Chœur de l’Opéra national de Lorraine (Chef de chœur : Guillaume Fauchère), Orchestre de l’Opéra national de Lorraine, direction : Jean-Marie Zeitouni
En dépit d'une mise en scène trop hétéroclite, distribution et orchestre honorent la somptuosité de la partition de Paul Dukas.
L'unique opéra de Paul Dukas n'est pas une œuvre oubliée. Sans remonter à l'Opéra-Bastille de Paris et Turin en 2007 , Strasbourg en 2015, Toulouse en 2019 ou Lyon en 2021 ont pu le voir dans des productions plus ou moins réussies. Aucune commune mesure avec la découverte absolue, du moins en France, des Oiseaux de Walter Braunfels à Strasbourg ou de Der Traumgörge de Zemlinsky à Nancy pour prendre deux exemples récents. Ariane et Barbe-Bleue n'est pourtant pas un ouvrage facile à monter : peu d'action dramatique dans le livret au langage châtié de Maurice Maeterlinck, rôle essentiel de l'orchestre dans une partition très symphonique, nécessité de voix de grand format.
La mise en scène de Mikaël Serre suscite l'intérêt de prime abord. En transparence des vidéos de Sébastien Dupouey, qui racontent l'arrivée d'Ariane et de la Nourrice en voiture au travers d'une forêt sombre et menaçante, se dévoile peu à peu le décor tournant de Nina Wetzel, un loft moderne isolé à deux étages aux multiples escaliers. Mikaël Serre en use avec brio pour varier les perspectives, assurer du mouvement et les scintillements de l'ouverture successive des portes. Mais à partir de la dernière et de la découverte des cinq épouses recluses, il se perd dans un excès de références et d'allusions. Tout y passe : des images des grands conflits du XXe siècle, du nazisme et de la Shoah, des masques et tenues à la Stanley Kubrick pour les paysans, des tableaux vivants, banderoles et pancartes évoquant la révolution, la lutte des classes, le dérèglement climatique… Dans ce maelström idéologique, seuls les renvois au féminisme, aux héroïnes qui ont fait l'Histoire et au mouvement #MeToo se mettent en résonance avec le livret. La pertinente idée des bas faciaux, qui anonymisent les épouses et dont les libère Ariane, est vite oubliée quand elles finissent par torturer à leur tour Barbe-Bleue défait et rien n'éclaire leur renoncement à la liberté qui leur est offerte. On l'aura compris, on est ici bien loin de la cohérence et de la profondeur de réflexion d'Olivier Py à Strasbourg.
Si le spectacle nancéien ne convainc pas scéniquement, il offre en revanche de grandes satisfactions musicales. A commencer par l'admirable Ariane de Catherine Hunold en prise de rôle. La richesse du grain vocal jusque dans l'aigu (assez peu sollicité), la précision de la diction, le respect de la prosodie, la projection enveloppante y font merveille. D'allure un peu trop jeune pour le rôle, Anaïk Morel ne démérite nullement en Nourrice intense et aux graves sonores. Comme à Toulouse, Vincent Le Texier assure les quelques répliques de Barbe-Bleue. Outre le rôle muet d'Alladine, interprété avec énergie par Nine d'Urso, le groupe des femmes de Barbe-Bleue propose des vocalités bien contrastées. On y remarque surtout l'impressionnante et torrentielle Sélysette d'Héloïse Mas tandis que Clara Guillon propose une Ygraine toute de douceur et Samantha Louis-Jean une Mélisande plus pointue. Quatre artistes issus du chœur personnifient les paysans depuis les balcons avec un joli effet de spatialisation puis rejoignent leurs collègues en scène pour un ensemble impeccable.
Le meilleur vient de la fosse, où l'Orchestre de l'Opéra national de Lorraine se surpasse et offre une variété de couleurs, d'atmosphères, de textures absolument magiques. Le travail réalisé en amont avec le chef Jean-Marie Zeitouni porte ses fruits et sa direction précise et attentive révèle toutes les richesses de la partition de Paul Dukas. En cette période incertaine pour le spectacle vivant avec la pandémie Covid, Jean-Marie Zeitouni avait préparé à la demande de l'Opéra national de Lorraine une réduction musicale de l'ouvrage mais c'est par bonheur la version complète et habituelle qui a été finalement retenue.
Crédits photographiques : Anaïk Morel (La Nourrice), Catherine Hunold (Ariane) / Héloïse Mas (Sélysette), Nine d'Urso (Alladine), Clara Guillon (Ygraine), Tamara Bounazou (Béllangère), Anaïk Morel (La Nourrice), Catherine Hunold (Ariane), Samantha Louis-Jean (Mélisande) © Jean-Louis Fernandez
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Nancy. Opéra national de Lorraine. 28-I-2022. Paul Dukas (1865-1935) : Ariane et Barbe-Bleue, conte musical en trois actes sur un poème de Maurice Maeterlinck. Mise en scène : Mikaël Serre. Décors et costumes : Nina Wetzel. Lumières : Franck Evin. Vidéo : Sébastien Dupouey. Dramaturgie : Jens Hillje. Avec : Catherine Hunold, Ariane ; Vincent Le Texier, Barbe-Bleue ; Anaïk Morel, la Nourrice ; Héloïse Mas, Sélysette ; Clara Guillon, Ygraine ; Samantha Louis-Jean, Mélisande ; Tamara Bounazou, Bellangère ; Nine d’Urso, Alladine ; Benjamin Colin & Christophe Sagnier, deux Paysans ; Ill Ju Lee ; Ju In Yoon, voix isolées. Chœur de l’Opéra national de Lorraine (Chef de chœur : Guillaume Fauchère), Orchestre de l’Opéra national de Lorraine, direction : Jean-Marie Zeitouni