Les producteurs copie conforme de Michalik au Théâtre de Paris

Défi relevé pour le metteur en scène Alexis Michalik qui rêvait de remonter en français Les producteurs, célèbre comédie musicale de Mel Brooks encore jamais représentée à Paris. Une distribution du tonnerre pour un second degré totalement assumé.

En 1967, le réalisateur new-yorkais Mel Brooks réalise son premier long-métrage : Les Producteurs, qui devient rapidement une comédie culte et permet à Mel Brooks de remporter l'Oscar du meilleur scénario original. En 2001, The Producers devient une comédie musicale qui sera jouée à New York pendant plus de six ans. Mel Brooks écrit et signe lui-même l'adaptation de son film, avec la complicité de Thomas Meehan pour la musique et les chansons. Le spectacle devient dès lors un classique des comédies musicales, mais n'a encore jamais été joué en France. C'est désormais chose faite avec cette adaptation et mise en scène d'Alexis Michalik, le metteur en scène parisien multi-récompensé du Cercle des illusionnistes ou d'Edmond.

Devant une salle enthousiaste et impatiente, on craint pourtant le pire lorsque le rideau se lève sur les portes battantes d'un théâtre de Broadway. La scène d'ouverture, Le Roi de Broadway, est en effet l'une des plus longues du spectacle… Après cette entrée en matière un peu brouillonne et à plein régime, le spectacle trouve rapidement son rythme autour des deux personnages principaux, Max Bialystock, le producteur has been interprété par Serge Postigo, fort de ses 30 années de carrière au Canada, et Léopold Bloom, l'apprenti producteur chanté et dansé par Benoît Cauden. Ce dernier est la véritable pépite du spectacle, avec une voix claire et un style classique, parfait et d'une grande dignité, jusque dans les numéros de claquettes.

Les séquences se succèdent, toutes plus loufoques les unes que les autres, accompagnant le projet des deux producteurs, persuadés qu'il est possible de gagner davantage d'argent en faisant un flop qu'en montant un succès. Il s'agit de convaincre Franz Liebkind, l'auteur de la pire pièce qui soit, un nazillon nostalgique chanté par Régis Vallée (hilarante scène yodlée) de céder ses droits. Charge ensuite d'embaucher le très snob et très gay metteur en scène Roger de Bris, joué par David Eguren, dont l'équipe artistique est en plein trip Village People, puis de trouver un rôle pour la plantureuse actrice suédoise (Roxane Le Texier) dont ils se sont entichés. Plus c'est gros, plus ça passe, comme le prouve la danse des déambulateurs menée à un train d'enfer par les richissimes petites vieilles qui vont financer le spectacle. Mention spéciale à la chorus line qui assume tous les seconds rôles avec un bagout incroyable, et aux musiciens nichés dans les loges d'avant-scène, faute de fosse d'orchestre.

La deuxième partie du spectacle nous emmène rejoindre les danseurs et chanteurs auditionnés pour la distribution du spectacle « Des fleurs pour Hitler », d'un mauvais goût assumé et total. Arrive le soir tant attendu de la Première de la comédie « néonazie » produite par Bialystock et Bloom. Indescriptible, entre « Le dictateur » et « Papy fait de la résistance », ce spectacle convoque tous les clichés du genre. C'est loufoque, grinçant et d'un mauvais goût assumé… Les critiques lues le lendemain matin par Bialystock et Bloom sont dithyrambiques ! : « Un chef-d'œuvre d'ironie ! » ; « C'était choquant, calomnieux, j'ai adoré de bout en bout. » Le seul à se plaindre est Franz, l'auteur de la pièce : « Vous avez couvert Hitler de ridicule. » A quoi Byalistock répond du tac au tac : « Il ne nous avait pas attendu pour cela. »

Le pot-aux-roses de l'arnaque financière des deux producteurs est alors découvert par la police et quelques ennuis judiciaires plus tard, sans oublier un petit détour par le pénitencier de Sing Sing (clin d'œil au Jailhouse rock d'Elvis Presley) nous assistons au sacre, très inattendu, de Léo et Max, dans cette comédie musicale jubilatoire et extrêmement drôle.

Crédits photographiques : © Alessandro Pinna